Moisson Rouge - Septembre 2010
Tags : Roman noir Polar social Polamour Vengeance Psychologie Quidam Années 2000 Populaire Entre 250 et 400 pages
Publié le : 17 octobre 2010
Willy a seize ans lorsqu'il décide de quitter ses parents pour la grande ville et de devenir Alan :
Là-bas, il ne trouva pas de travail. Il n'en chercha pas tellement non plus. Mais les nuits de la grande ville étaient si magnétiques, et Alan si impressionnable. Il préféra errer de fast-foods en pubs, de mecs en mecs, de taudis en squats.
Dans sa solitude peuplée de rock garage, d'un certain goût pour les fringues, Alan rencontre Mickey et Bouboule, deux jeunes zonards toxicos qui arpentent les boulevards et se prostituent pour se payer leurs doses. Un début d'amitié, fragile, naît entre les trois adolescents ; comme une béquille à la misère de leur vie. Alan a conservé un semblant de fraîcheur, il caresse toujours le rêve de partir s'installer au Canada, sa colère et son instinct de rébellion sont intacts, ce qui n'est pas le cas de ses camarades. Aussi sert-il parfois d'appât pour les michetons qui se présentent en voiture sur le boulevard.
Apparaît alors le personnage de Hibou, plus solitaire encore qui, surveillant le quartier, a remarqué le trio et particulièrement Alan. Hibou semble à la fois subjugué par la beauté d'Alan, par son allure, et tout autant habité d'une sorte de haine homophobe qui l'amène à vouloir lui faire mal. Hibou ne sort jamais sans son arme. On dit de lui qu'il est un ancien bandit.
Alan a remarqué la surveillance de l'homme à la 306 blanche et, avec l'intransigeante résolution de ses vingt ans, tente de prendre contact. C'est alors que Hibou tente de l'écraser. Pourtant, quelques jours plus tard, alors qu'Alan est aux prises avec un client trop entreprenant, c'est Hibou qui vient à son secours et le prend sous son aile. Avant de bientôt le rejeter…
Sophie Di Ricci, dont c'est ici le premier roman publié, frappe vite et fort, impressionne. On ne sort pas complètement indemne de la lecture de Moi comme les Chiens. On est d'abord frappé par la limpidité de l'écriture, son apparente simplicité qui, en recourant fréquemment aux dialogues, vous immerge rapidement dans la réalité d'Alan, son intimité.
On découvre ensuite, rapidement, un découpage particulier, presque cinématographique, en scènes plutôt qu'en chapitres. Comme des instants, fugaces, volés.
Les vies d'Alan, de Mickey, de Bouboule, on s'en doute, n'ont rien de drôle. La misère, la solitude au milieu d'une grande ville — ce pourrait être d'ailleurs n'importe quelle grande ville — planent. Alan rêve encore, mais pour combien de temps… Pour autant, le récit de Sophie Di Ricci ne tombe jamais ni dans le glauque, ni dans le sordide. Elle pose sur eux un regard qui éclaire sans jamais juger, qui éclaire jusque dans les recoins les plus crus.
Hibou, lui, ne rêve plus. Il se cache. C'est pourtant une incroyable, désespérante et magnifique histoire d'amour qui va le lier à Alan. Une histoire d'amour/haine, faite d'allers et retours, de passion dévorante, d'échecs. Quand l'un cherche la lumière, l'autre ne la supporte plus.
Merde, tout ce qu'ils pouvaient faire ensemble, c'était baiser, ou déclencher la fin du monde. Baiser et déclencher la fin du monde. Tous les efforts qu'Hibou avait produits pour se faire oublier, Alan finirait bien par les foutre en l'air. Et les murs s'effondreraient, et l'univers s'écroulerait. Baiser, et mourir, parce qu'ils ne fonderaient pas de famille, ils ne pouvaient donner naissance à rien, tous les deux. Construire, ça leur était impossible. Mais détruire, ça, c'était faisable. Il comprenait pourquoi il avait tant pensé à le tuer, au début.
Sophie Di Ricci signe ici un excellent roman noir qui montre qu'on peut toujours ouvrir de nouvelles portes, proposer de nouvelles approches, et c'est tant mieux.
Une auteure qu'on souhaite relire bientôt.
Quelques pistes à explorer, ou pas...
Coup de chapeau aux éditions Moisson Rouge pour leur entreprise de défrichement de la planète noire. Après nous avoir donné à lire un des meilleurs romans de l'année 2009 avec Aller Simple de Carlos Salem, elles semblent bien parties pour récidiver cette année avec Sophie Di Ricci. Et le reste du catalogue est à l'avenant…
Les dix premières lignes...
Une Décision
Pour Willy, tout avait changé quand il avait eu seize ans.
Il vivait alors chez ses parents, dans une petite ville à cheval entre la banlieue et la campagne.
Un après-midi où il aurait dû se trouver au lycée, son père le surprit dans la cuisine. Willy était assis devant une tasse de chicorée, une cigarette aux lèvres. Son père le regarda.
— Willy, faut que je te parle de ta mère.
Willy détestait entendre son prénom. Tout en lissant ses cheveux gris, son père bafouilla un moment, puis se tut. Il fit rouler le fond de sa bouteille de bière sur la nappe cirée.
— Écoute Willy… Maman et moi, on voudrait s'acheter un mobile home (…)
Quatrième de couverture...
Le jour où son père lui annonce qu'ils vont passer l'été dans un mobile home, Alan décide de quitter sa famille crasseuse. Il part pour la grande ville où il erre de fast-food en pubs, de mecs en mecs et de taudis en squats. Il y rencontre Mickey et Bouboule, les siamois, deux gamins paumés qui tapinent sur le boulevard pour se payer leurs doses. Alan convoite cet argent facile car il commence à être grillé dans les bars où il lève habituellement des pigeons. Sur le boulevard, il est la vedette. Mais un gamin comme lui ne couche pas. Du moins pas dans les bagnoles, ni contre le grillage de l’impasse où il emmène ses michés. Il est trop beau pour ça. Trop fier et trop sûr de lui, aussi.
Le type étrange qui les observe presque tous les soirs dans une Peugeot 306, on l’appelle Hibou. Momo a dit qu’il avait plein de fric, parce que c’est un ancien du grand banditisme. Il est dangereux et armé. Et même que si c’est pas un ancien bandit, ce type-là est sûrement tueur à gages. Pas vrai ?
Sa trombine... et sa bio en lien...
Informations au survol de l'image...