La Guerre est une Ruse

Frédéric Paulin

Agullo - Septembre 2018

Tags :  Roman noir Roman historique Polar politique Service secret Afrique du Nord Années 1990 Entre 250 et 400 pages

Edition originale

Un avis personnel...

Publié le : 16 octobre 2024

Recommandé 1992. À Constantine, Albin Stein est un agent de la DGSE qui doit traiter avec le commandant Djaber, militaire algérien qui s’inquiète des agissements de sa hiérarchie. Pour obtenir l’aide ou le soutien de la France, lutter contre la corruption et la violence, il est prêt à trahir son pays.
Suite à la nouvelle constitution, promulguée en 1989, un nouveau parti a vu le jour, le FIS (front islamique du salut). Deux ans plus tard, les religieux obtenaient 47% des suffrages aux élections législatives et l’armée interrompait le processus électoral, faisant basculer l’Algérie dans la guerre civile.

Moussa Ahmed Chaouch vit et travaille à deux mille kilomètres au sud d’Alger. Une région toujours infestée par les radiations des derniers essais nucléaires français de 1962. Là, il officie à la prison qui ne désemplit pas depuis l’instauration de l’état d’urgence. Une prison qui ressemble beaucoup à un camp d’internement où l’on torture allègrement et d’où l’on disparaît parfois.
Une prison que les militaires algériens voudraient bien garder secrète, mais qui intéresse aussi la DGSE, et notamment un de ses agents : un certain Tedj Benlazar, franco-algérien en poste à Blida.

Pas de préliminaires avec Frédéric Paulin. On est plongé direct dans le grand bain. L’Algérie a peur, coincée entre les militaires et les islamistes.

— Qu’est-ce que j’ai fait ? a tenté le type.
Comme s’il fallait avoir fait quelque chose en Algérie pour risquer sa vie.
Plus personne ne sait de qui il faut se méfier, des islamistes ou des militaires. L’Algérie plonge dans un gouffre sans fond.

Au milieu, les services secrets français croient encore, pour certains, à l’influence de leur pays et surveillent les mouvements de troupes, au risque de se faire eux-mêmes manipuler.
Frédéric Paulin donne corps aux événements historiques à travers ses personnages. Il montre le « ras du sol » pour mieux prendre de la hauteur et dresser le portrait d’un pays qui entre dans une crise profonde et montrer avec quelles méthodes les militaires ont tout fait pour l’y enfoncer.
Ceux-là jouent une partie de billard à trois ou quatre bandes et tentent de déstabiliser, de décrédibiliser les islamistes en les infiltrant, en les manipulant, avec un cynisme à toute épreuve, pourquoi pas hérité de la présence coloniale française.
Le FIS avait choisi la voie des urnes pour conquérir le pouvoir ; les militaires et les services secrets en place (le DRS de sinistre réputation), œuvrant pour les empêcher d’y parvenir. Partisans d’une éradication totale, ils donnaient naissance au GIA, un bras armé et religieux aussi intransigeant, radical et extrémiste que persécuté, qui se prolongerait bientôt par delà les frontières, jusque dans les cités françaises et donnerait lieu à plusieurs attentats en 1995.

Sans aucun temps mort, Frédéric Paulin vous chope par le colback et ne vous lâchera plus. Loin de l’élucubration, il défend la thèse de la compromission des services secrets algériens dans la construction du GIA, lorsque certains esprits tordus et cyniques préférèrent pratiquer la politique du pire dans leur lutte contre l’islamisme radical, au risque de voir leur « jouet » leur échapper, avec la conséquence funeste de l’externalisation du conflit au-delà des frontières et la perpétuation d’attentats sur le territoire français pour « forcer » le soutien du pouvoir politique.
Le projet est d’envergure — analyser et mettre en scène la montée du terrorisme en France à la fin du vingtième siècle — et la méthode choisie pour y parvenir d’une redoutable efficacité.
Porté par une documentation fouillée, par des faits historiques aisément vérifiables, Frédéric Paulin navigue dans un contexte historique précis sans jamais « assommer » son lecteur. Ses personnages de fiction sont là pour faire le lien, pour rendre le propos vivant et « digeste », sans jamais le dénaturer, réussissant ainsi un véritable tour de force.
Chapeau bas…


Vous avez aimé...

Quelques pistes à explorer, ou pas...

La Guerre est une Ruse est le premier volet d’une trilogie mettant en scène Tedj Benlazar et retraçant la montée du terrorisme islamiste en France sur trois décennies. Suivent Prémices de la Chute (2019), puis La Fabrique de la Terreur (2020).
Fait exceptionnel, l’ensemble du triptyque a été couronné en 2020 du Grand Prix de Littérature Policière.

Le début...

Les dix premières lignes...

Depuis la mosquée Émir-Abdelkader encore en chantier, le muezzin appelle au dhuhr, la prière de midi. Constantine s’apaise sous le soleil, les rues se vident, c’est comme si la ville reprenait son souffle.
Là-bas, le Français est assis à la terrasse du petit café face à l’université Mentouri. Comme d’habitude. Il sirote un lekhchef, comme d’habitude.
Le capitaine Albin Stein est l’agent traitant de la DGSE en poste à Constantine, il connaît bien l’Algérie. Il a des racines séfarades, paraît-il. Mais lui, il n’est pas juif comme son nom pourrait le laisser penser. D’ailleurs, un jour, il a dit qu’il ne croyait pas en Dieu, en aucun dieu. Mais tout cela n’intéresse pas le commandant Djaber. Ce qui l’intéresse, c’est de savoir si la France est capable de s’opposer aux plans de ses chefs à lui. La France est-elle capable de sauver l’Algérie du péril qui la menace ? La France est-elle capable, devant l’horreur à venir, de ne pas considérer l’Algérie uniquement comme une partie de son pré carré africain ? Djaber ne trahit pas pour de l’argent, ni même pour des convictions politiques. Il trahit parce qu’il n’en peut plus de voir son pays aux mains de gens corrompus, ses chefs, de voir ces morts, cette violence. Il en est à espérer que la France, le colonisateur, l’ennemi d’hier qui a tué son père dans les Aurès, sauvera l’Algérie d’elle-même.


La fin...

Quatrième de couverture...

Algérie, 1992. Une poignée de généraux, les « janviéristes », ont pris le pouvoir. L’état d’urgence est déclaré, les islamistes pourchassés ont pris les armes. Le pays sombre dans une violence sans précédent… Tedj Benlazar, agent de la DGSE, suit de près les agissements du tout-puissant service du renseignement militaire, le sinistre DRS qui tire toutes sortes de ficelles dans l’ombre. Alors qu’il assiste à l’interrogatoire musclé d’un terroriste, Tedj met au jour des liens contre-nature entre le DRS et les combattants du GIA. Quel jeu jouent donc les services secrets avec les terroristes ? Les massacres quotidiens sont-ils l’œuvre des uns ou des autres ? Ou d’une instrumentalisation diabolique des seconds par les premiers ?
Avec ce roman ambitieux, Frédéric Paulin plonge le lecteur au cœur de la décennie noire qui ravagea l’Algérie et préfigura une nouvelle ère de terreur inaugurée par les attentats du 11 septembre.


L'auteur(e)...

Sa trombine... et sa bio en lien...

Frédéric Paulin










Edition(s)...

Informations au survol de l'image...

Réédition Réédition Réédition poche

Du même auteur...

Bibliographie non exhaustive... Seuls sont indiqués ici les ouvrages chroniqués sur le site.

La Grande Peur du Petit Bleu Prémices de la Chute La Fabrique de la Terreur