Mort d'un Pourri

Raf Vallet

Gallimard / Série Noire - Octobre 1972

Tags :  Roman noir Polar politique Polar militant Crime organisé Corruption Quidam Paris Années 1970 Moins de 250 pages

Edition originale

Un avis personnel...

Publié le : 05 avril 2009

Dans le Paris du début des années soixante-dix, Philippe Dubay demande l'aide de son ami et néanmoins employé en tant que garde du corps, Xavier Maupin. Jeune député, Philippe a besoin d'un alibi. Il vient de tuer Serrano, un promoteur véreux avec qui il était plus ou moins en affaire, et en a profité pour lui voler son "livre de bord", sorte de journal intime dans lequel il relatait tous les détails de ses opérations souterraines de corruption. Il y a là de quoi faire tomber une bonne partie du gouvernement en place. Ils sont nombreux et de tous bords ceux qui n'ont aucun intérêt à voir s'étaler au grand jour les pages de ce journal…
Les soupçons se portent cependant sur Philippe, et Valérie, la fille de Serrano, en bonne sicilienne, tente de venger son père. Xavier sauve son patron, mais le lendemain, sans savoir d'où le coup est venu, il le retrouve deux balles dans la tête. Désormais détenteur du carnet maudit, il va tenter de tirer son épingle du jeu tout en vengeant son ami…

En suivant le personnage de Xavier Maupin, Raf Vallet nous propose une belle descente dans les milieux du pouvoir à l'aube des années soixante-dix, sous le règne de Georges Pompidou.
Maupin et Dubay se sont connus au cours de la guerre d'Algérie. Le premier a sauvé la vie du second et une amitié solide, celle de frères d'armes, lie les deux hommes. Dubay a été du côté des putschistes en 1961. Le premier a gardé de cette époque l'intransigeance idéologique de l'O.A.S., le second un carnet d'adresses bien rempli qui lui permet de naviguer aujourd'hui dans les allées du pouvoir.
Maupin est un personnage extrêmement froid, sans plus aucun état d'âme. S'il a "cru", à un moment de sa vie, il n'en est plus rien aujourd'hui. Tout en étant un des rouages du système en sa qualité d'employé des basses œuvres de son député marron, il ne lui reconnaît aucune légitimité. Pour lui, écœuré, il ne s'agit que « d'hommes qui sont devenus des gangsters, des trafiquants et des escrocs, qui pillent le pays. »

Raf Vallet fait le portrait cinglant et désabusé de l'affairisme politique des années Pompidou. La corruption est partout, voire la collusion avec la mafia. Pas un, à la tête de l'État, qui n'échappe à la règle. Quant au cynisme, il règne en maître absolu :

— Je ne crois pas que tu aies compris ton époque, Xav. Tu es honnête comme l'étaient nos pères ou plutôt nos grands-pères. Ça ne correspond plus à rien. Qu'est-ce que ça peut te foutre qu'un ministre ou un directeur de cabinet s'engraisse ? Qu'est-ce que ça change à l'économie dans son ensemble ? L'essentiel est qu'on construise, qu'on produise, qu'on donne au public ce qu'il désire, à bouffer, à boire, à baiser, à rouler en voiture. Va dans la rue et dit au premier venu : le Président de la République croque des millions. Il te répondra : laissez, mon vieux, il fait comme les autres. Ou bien : j'aimerais bien en faire autant. Mais tu ne le feras pas grimper sur une barricade. Supprime le tiercé ou rationne l'essence, tu as une révolution.

Une analyse qui, quasiment quarante années plus tard, est toujours d'actualité…

Mort d'un Pourri, comme son narrateur, est un roman sans passion, tout en froide retenue. Pourtant, il n'y a aucune pause dans le récit, pas de chapitres. Tout est écrit — décrit — dans un souffle, comme une machine infernale lancée à pleine vitesse, telle ce système qu'il dénonce, appelé à rencontrer, un jour ou l'autre, un mur.
On peut reprocher, à cet effet, l'illogisme du final qui offre à Maupin un happy end digne du cinéma américain, mais qui n'a rien pour coller à la réalité du reste du roman. Une broutille…


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Quelques pistes à explorer, ou pas...

Mort d'un Pourri – Georges Lautner (1977)Mort d'un Pourri a fait l'objet d'une adaptation cinématographique en 1977 par Georges Lautner (dialogues signés Michel Audiard), avec Alain Delon, alors au faîte de sa gloire, dans le rôle principal et comme producteur.

Raf Vallet a fait de la description, de la dénonciation, de l'affairisme, une sorte de "fond de commerce". On retrouvera la même problématique, cette fois vue de Province, dans Adieu Poulet !, de même adapté au cinéma.


Le début...

Les dix premières lignes...

À l'ouest Paris escalade le ciel. La Défense c'est Manhattan. Sans aucun complexe ses occupants se considèrent comme des pionniers héroïques, quelque chose comme des citoyens d'avant-garde, vivant déjà en l'an 2000, méprisant les culs-terreux des Champs-Élysées. Pourquoi leur discuter ce plaisir ?
Derrière le bureau de Philippe une immense baie donnait sur l'un des dominos géants qui défient Paris et ses toits moutonnants. Monstres d'acier, de béton et de verre, ils montrent l'insolence satisfaite des jeunes loups en face de croulants dépassés. New York transpose en France un décor naïf et impitoyable de gratte-ciels et de buildings à l'odeur métallique. Les mœurs suivent. Les pires en tête, comme de bien entendu (…)


La fin...

Quatrième de couverture...

Une ville pourrie, des politiciens tarés, de hauts fonctionnaires qui touchent et qui en croquent, des gangsters arrivés, caïds de la drogue, qui mènent tout ce beau monde à la baguette, tandis que d'habiles « promoteurs » pratiquent la « chansonnette »…
Bien sûr, direz-vous, encore une histoire qui ne peut arriver qu'en Amérique. Et bien non, Messaigneurs, pour une fois, ce joli conte de fées, c'est en notre doux pays de France qu'il se passe. Incroyable, pas vrai ?


L'auteur(e)...

Sa trombine... et sa bio en lien...

Raf Vallet










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Adieu Poulet !