Gallimard / La Gazette des Lettres - Novembre 1947
Tags : Roman noir Quidam France Années 1940 Populaire Entre 250 et 400 pages
Publié le : 24 octobre 2010
Le chant désenchanté des partisans.
Ami si tu tombes
Un ami sort de l’ombre à ta place.
À l’ombre, Laurent s’y trouve depuis deux ans pour un crime commis « presque » par légitime défense lorsque le roman commence. Sa peine arrivant à terme, il est libéré, son pécule en poche. Reste à reconstruire sa vie dans une France elle aussi libérée de fraîche date.
Dehors, il fait beau. Le soleil rayonne et les montagnes ne sont pas très loin. Cependant, Laurent affiche rapidement son dégoût pour cette ville de province où il erre en attendant son train pour Paris. Il s’attable dans un café pour tuer le temps.
Des mouches, les mêmes que celles de la gare et du crottin, pompaient les tables mal essuyées.
Deux hommes entrent et saluent. L’un est grand et costaud. L’autre, plus âgé, se présente rapidement à Laurent et engage la conversation. Il s’appelle M. d’Essartaut et c'est un personnage franc et chaleureux. Il invite Laurent à venir travailler dans sa scierie car il le juge marqué du signe de la fierté. Pourquoi ne pas accepter ? Le vieux est sympathique et, après tout, le grand air et l’exercice lui seront profitables.
Ainsi, c’est dans une drôle de communauté que Laurent est introduit, un ancien maquis de la Résistance : des combattants, des héros, des tueurs aux mains rouges qui ont œuvré à chasser l’occupant et à châtier les collabos. Évidemment la guerre est désormais finie, mais pas leur guerre car ils ne se satisfont pas de l’ambiance grise instituée après la Libération. Le pouvoir est aux mains des habiles, des tièdes prêts au compromis et des collabos reconvertis. Il faut reconstruire et rentrer dans le rang. Certains se consolent comme ils peuvent, pas eux. Ils ont décidé de continuer le combat, de poursuivre l’action directe. Jusqu'au bout !
Laurent ne partage pas leur passé héroïque. Il n’est pas des leurs. Néanmoins, il les comprend et ne peut qu’apprécier l’hospitalité offerte par M. d’Essartaut, en particulier celle de ses deux filles, Hélène et Christine. Ce qu’il ne sait pas, c’est qu’en suivant ces partisans, il va boire la coupe jusqu’à l’hallali.
Avec ce roman, Jean Meckert qui ne s’appelait pas encore Amila, signe un chef d’œuvre et un roman engagé (dans le bon sens du terme).
1947, année de sa parution, la seconde guerre mondiale hante encore les esprits et déjà la future guerre froide pointe le bout de son nez. Le PC demeure Le Parti des Fusillés et la Résistance reste intouchable. D’ailleurs tout le monde ou presque a résisté.
Nous Avons les Mains Rouges nous expose une vision différente de cette belle unanimité. En suivant les pas de Laurent, nous adoptons son point de vue d’ingénu sur un milieu qui l’attire, l’accueille fraternellement mais auquel il reste définitivement étranger. La cause semble juste aux yeux de ces purs et durs partisans et seules les circonstances ont changé. Ils accomplissent les mêmes opérations que pendant la guerre. En quoi leurs actes sont-ils donc moins moraux, une fois cette guerre finie ? Jean Meckert ne les juge pas. Il décrit, expose les arguments de chacun. On hésite à prendre parti car ces anciens résistants apparaissent tour à tour justes dans leur démarche, écorchés face aux promesses vite oubliées, guidés par des intentions apparemment louables et pourtant extrémistes.
On est ballotté, malmené, éprouvé, on espère… mais quoi ? Comme les personnages du roman, on aspire à la noblesse, à la perfection et à la justice. Hélas, celles-ci ne sont pas de ce monde. Les hommes ne sont définitivement pas à la hauteur de leurs idéaux. Ce ne sont pas toujours les destins les plus remarquables qui font les êtres remarquables.
Alors le propos de Jean Meckert est-il assimilable à la formule « tous pourri, même la Résistance » ?
C’est sans doute très réducteur de l’affirmer car ce n’est pas à l’action de résister qu’il s’attaque mais au mythe de la Résistance. Ce faisant, il fait œuvre de précurseur et évoque en connaissance de cause (Jean Meckert a connu le Maquis, n’a jamais caché son rejet de l’épuration commise, non seulement par ceux que l’on a surnommé les résistants de la dernière heure, mais également par des résistants légitimes) cette période au moins aussi trouble que celle de l’Occupation.
Dans ce roman, il met en scène les mécanismes de la violence et de la haine jusqu’à leur stérile absurdité. Il semble dire que dans une guerre personne ne gagne, quelle que soit la cause défendue. Et, effectivement on ne sort pas indemne de cette lecture et l’on se dit que l’on n’a pas terminé d’avoir les yeux rouges pour tout ce gâchis passé et à venir.
Aparté : Nous Avons les Mains Rouges ne connu aucun succès critique. Un an plus tard, parut Les Mains Sales de Jean-Paul Sartre qui fut un succès. Désormais, le premier est presque introuvable, le second est étudié en classe. Pas grave. C’est bien de notre temps de justifier la violence ou de la condamner en fonction des circonstances.
Quelques pistes à explorer, ou pas...
Les autres romans de l’auteur, en particulier La Lune d'Omaha, écrit sous le pseudonyme de Jean Amila.
Les dix premières lignes...
Le gardien à la triste moustache tendit le porte-plume à Laurent et celui-ci donna sa signature sous les mots « Lu et approuvé ».
Ça sentait la poussière et le moisi, et puis aussi la soupe aux poireaux. Par une fenêtre le soleil entrait, plaquant l’ombre d’une grille sur le bureau du gardien-chef (…)
Quatrième de couverture...
Pas de quatrième…
Sa trombine... et sa bio en lien...
Informations au survol de l'image...