Gallimard / Série Noire - Mai 1958
Tags : Roman noir Crime organisé Psychologie Truand France Années 1950 Populaire Moins de 250 pages
Publié le : 04 décembre 2009
Raymond Naldi et Abel Davos sont à Turin depuis une petite quinzaine, pas seuls. En effet, Abel est en cavale depuis six mois, avec femme et enfants, ce qui n'arrange pas les choses.
À court d'argent, et avec les carabiniers sur le dos depuis qu'ils ont attaqué sans réussite un convoyeur, Abel décide de renvoyer sa petite famille en France, par le train, pour les loger chez les parents de son ami. De leur côté, les deux hommes tenteront un passage clandestin de la frontière. Tant qu'à faire, autant se remplumer au pays…
Avant de passer le frontière, Thérèse et les enfants déjà dans le train pour Vintimille, Raymond et Abel tente à nouveau de détrousser un encaisseur, mais là encore l'affaire dérape. Et cette fois, les armes à la main…
Au final, après une fuite mouvementée et avoir réussi à rejoindre la France, le groupe est intercepté sur la plage par des douaniers. Les armes crachent leur venin et ce sont Raymond et Thérèse, en plus des deux fonctionnaires, qui y laissent la vie. Abel se retrouve seul avec ses deux garçons de dix et quatorze ans. Seul et traqué.
Sa seule solution consiste à demander de l'aide à ses anciens amis parisiens. Ceux-là sont un peu rangés des voitures et, malgré les "dettes", hésitent à s'engager. Ils finissent par confier la responsabilité de remonter Abel à Paris, caché dans une ambulance, à un jeune inconnu, Eric Stark, qui connaît Abel de réputation et accepte la mission, par respect…
Classe tous Risques est un roman qui sublime l'amitié comme valeur fondamentale de la relation entre les hommes. L'amitié, et ses deux pendants : la confiance et la trahison.
À travers la fuite éperdue d'Abel — l'homme qui n'a rien à perdre puisqu'il a déjà tout perdu — et le jeu des croisements de personnages, ce sont différentes facettes de ce sentiment qui sont explorés. D'abord l'amitié virile d'Abel et Raymond, puis l'amitié trahie des vieux amis, remplacée par une amitié difficile à construire entre Abel et Stark, mais qui s'avèrera des plus solides.
Quant au code d'honneur du milieu, il prouve, s'il en était besoin, qu'il a du plomb dans l'aile…
Les personnages sont forts, les situations dures, et la tension est permanente, pesant comme une chape de plomb sur les épaules d'Abel et admirablement rendue par José Giovanni qui, en moins de deux cent cinquante pages, nous livre un roman foisonnant, dense, rythmé par un découpage qui préfigure déjà ses talents de scénariste.
Un régal !
Post scriptum, le 08 décembre 2009
Hasard ? Peut-être… Toujours est-il que je termine à l'instant la lecture du roman d'Emmanuel Ferrer intitulé Un Détour par l'Enfer et que certains éléments m'ont rappelé les protagonistes de José Giovanni dans Classe tous Risques : Abel Davos et Raymond Naldi chez l'un… Abel Davos et Raymond Naudy chez l'autre… Et puis cette histoire de fuite en Italie, d'attaque ratée d'un encaisseur…
Ainsi, José Giovanni est allé piocher dans la réalité concrète et historique les personnages de son roman ; ce qui lui donne un éclairage différent — Abel Davos et Raymond Naudy étant deux truands à l'histoire très controversée qui, durant la seconde guerre mondiale, furent membres de la "Gestapo française de la rue Lauriston", menée par Henri Lafont et autrement appelée "la Carlingue", se livrant à la fois, semble-t-il, à des actes de résistance et de collaboration active tout en s'enrichissant.
Je ne pense pas que le roman de José Giovanni se trouve déprécié par cette précision ; il me semblait cependant juste, après avoir posté ma chronique il y a seulement quelques jours, d'y revenir pour la compléter de ces quelques lignes et de ces éléments qui, lors de ma première lecture, m'avaient échappé. L'ignorance est un vilain défaut, mais il est toujours permis de colmater les brèches…
Du coup, je ne peux que vous conseiller la lecture du roman d'Emmanuel Ferrer.
Quelques pistes à explorer, ou pas...
Classe tous Risques sera adapté très fidèlement au cinéma deux ans après sa parution et le film signé par Claude Sautet ; José Giovanni participant à l'écriture du scénario.
Lino Ventura endosse à merveille le rôle d'Abel Davos tandis que Jean-Paul Belmondo, qu'on vient de découvrir dans À Bout de Souffle, se fait à nouveau remarquer sous les traits d'Eric Stark.
Un des grands moments du cinéma français des années soixante.
Les dix premières lignes...
Raymond ne pouvait pas retirer sa veste, à cause du Colt qu'il portait dans un étui, sous son aisselle gauche. C'était le printemps, mais il faisait déjà chaud. Le soleil montait dans le ciel.
— Il ne viendra donc jamais, murmura Abel.
Les yeux de Raymond se posèrent sur le visage de son ami. Il semblait que depuis la dernière histoire, les rides se creusaient davantage.
— Il est obligé de passer par là, dit-il d'une vois très calme.
— Tu parles ! Avec tout ce qui est obligé, on devrait jouer les seigneurs à Miami. Et t'as vu où on en est ?
Raymond « avait vu », en effet. Il était aux premières loges (…)
Quatrième de couverture...
On peut voyager à pied, à cheval, en voiture, en bateau… ou en ambulance. On peut emporter pour le trajet des biscuits… ou des pruneaux. On peut choisir la classe « grand luxe »… ou la classe « tous risques »… C'est parfois une question de tempérament, c'est plus souvent une question de hasard.
Mais le proverbe italien dit : « Che va piano, va sano », et le proverbe français : « Petit train va loin ». Et là, il ne s'agissait pas pour le voyageur d'aller « petit train », mais de foncer « à tombeau ouvert ».
Sa trombine... et sa bio en lien...
Informations au survol de l'image...