Ravet-Anceau - Février 2009
Tags : Roman d'enquête Polar social Flic France Années 2000 Entre 250 et 400 pages
Publié le : 1er avril 2009
Alors qu'il annonce, à l'occasion d'une sortie organisée sur la Lys, la délocalisation de son usine de teinturerie industrielle à l'ensemble de son personnel, Jules Desprairies, patriarche PDG de l'entreprise, apprend également la mort de son neveu, retrouvé au même moment dans une étuve, au milieu de l'usine délaissée…
Le Nord a une longue histoire ouvrière qui ne se résume pas simplement aux mineurs ; l'industrie textile a, elle aussi, tourné-là quelques pages avant de s'envoler vers d'autres cieux. C'est dans ce contexte que Léo Lapointe inscrit son roman Mort sur la Lys en s'immergeant au cœur de l'entreprise et de ses stratégies.
Le textile, dans le Nord, ce sont avant tout quelques grandes familles se partageant le créneau et Jules Desprairies ne fait pas exception à la règle, ni son épouse d'ailleurs : tous deux sont issus de ces dynasties. Jules est un patriarche qui dirige d'une main de maître son usine, à l'ancienne, épaulé par ses fils et son neveu. Mais la rigueur intransigeante, le paternalisme, ne suffisent plus en ces temps de crise à la pérennité de l'entreprise. Des décisions s'imposent…
Partant de la mort du neveu, assassiné alors que l'ensemble du personnel est confiné sur une barge au milieu de la rivière — et donc possède un alibi incontestable — Léo Lapointe, en confiant l'enquête à un flic guindé, ancien militaire, va plonger dans l'organisation de cette entreprise, la disséquer, afin de découvrir les circonstances du meurtre.
Il est évident que l'annonce de la délocalisation de la production est liée au crime, reste à savoir pourquoi.
On explorera les différentes manières de gérer le personnel à travers trois chefs d'équipe représentatifs : un garde-chiourme qui mène ses équipes à la baguette tout en étant l'œil du patron ; un jeune diplômé tout droit sorti de l'école, sans expérience, malléable à souhait aux habitudes de la maison ; ou encore un ouvrier monté en grade, bon technicien, complice avec ses collègues.
On explorera les stratégies d'entreprise qui s'affrontent, avec d'un côté la sauvegarde des privilèges des patrons, de leurs profits, de leur train de vie ; de l'autre la sauvegarde de l'entreprise elle-même, par l'innovation.
On explorera des usages malheureusement encore en vogue, comme le droit de cuissage, la bonne manière d'utiliser (ou pas) un C.E., bref, le monde de l'entreprise dans toute sa complexe beauté.
Si le voyage est réaliste, concret et documenté, il manque cependant à Mort sur la Lys ce souffle qui emporte le lecteur au-delà de la triste réalité. Sans doute cela tient-il au personnage de l'enquêteur, Bernard, trop fluctuant dans sa personnalité pour qu'on arrive à le suivre vraiment, comme un vecteur porteur, stabilisant. Il apparaît au début du roman comme rigide, tiré à quatre épingles, distant, pour perdre peu à peu ses caractéristiques sans qu'on comprenne vraiment pourquoi, nous embarquant dans une histoire parallèle qui le relie à un précédent roman (cf. La Tour de Lille) et dont on se demande bien ce qu'elle vient faire là.
Si dans cet autre récit on se sentait immergé dans la nébuleuse des fonctionnaires, parvenant sans peine à prendre la place des personnages, on se sent ici seulement plongés dans un milieu, simples spectateurs, gardant une distance qui ne permet pas l'identification. Dommage.
Quelques pistes à explorer, ou pas...
Si j'ai été personnellement un peu déçu par Mort sur la Lys, je vous recommande cependant chaudement la lecture des deux précédents romans de Léo Lapointe : Le Vagabond de la Baie de Somme et La Tour de Lille.
Pour ce qui concerne le monde de l'entreprise inscrit dans le polar, il me semble qu'une visite chez Dominique Manotti s'impose.
Les dix premières lignes...
La petite foule qui se pressait pour monter à bord de la barcasse n'était guère plus agitée que les eaux sombres roulant tranquillement entre les berges vertes.
C'était la fête du personnel, décrétée par le vieux Desprairie, Jules, deuxième du nom. Il avait choisi un mercredi, pour que les enfants puissent y participer.
En traînant les pieds, ils étaient venus. Le patron était monté en premier et s'était avancé vers la proue, au milieu des rangées de chaises inconfortables arrimées sur la plaque d'aluminium constituant le pont. Il ne prit même pas la peine de se retourner, certain que ses troupes allaient le suivre (…)
Quatrième de couverture...
Jules Desprairie l'a décidé : c'est aujourd'hui le grand jour. Le Vieux a réuni son personnel pour lui annoncer une nouvelle importante : la délocalisation de l'entreprise qui porte le nom de sa famille depuis trois générations. Mais la découverte du cadavre de son neveu enfermé dans un autoclave vient bouleverser l'ordre du jour. Arnaud Desprairie, l'intellectuel de la famille, celui qui croyait en l'avenir de la teinturerie industrielle familiale, a été tué…
Sa trombine... et sa bio en lien...
Informations au survol de l'image...