Rhubarbe - Septembre 2008
Tags : Roman noir Polar scientifique Psychologie Arnaque Scientifique Années 2000 Original Entre 250 et 400 pages
Publié le : 07 janvier 2009
Pulvérisés les écervelés, dépecés les crédules. Non, il ne s’agit pas d’un thriller gore. Plutôt d’une féroce charge sociale. Les fondamentaux sont là : télévision abêtissante, charlatans accueillis à bras ouverts par des êtres en quête de sens, beaufs de base et riches d’apparence. Renaud Marhic sort des sentiers battus avec son écriture, ses ellipses, son festival de démonstrations. Un clou enfoncé à chaque chapitre. Tac. Tac. Tac.
Tout commence quand Denys, divorcé, malade et sexologue en perdition, s’installe dans un nouvel appartement. Un intérêt pour les bruits du voisinage, et le voilà en pleine enquête sociologique. Sujet : Laëtitia, vingt-trois ans, petites culottes mangas et appétit sexuel explosant la moyenne des trois fois par semaine.
En toute occasion elle épanchait une immense nostalgie pour un paysage audiovisuel figé aux plus beaux jours de son enfance. (...) Hors ces récitations, un vain bavardage lui tenait lieu de culture générale : « people », « conso », petits bonheurs ou gros bobos. Evidemment, Laetitia déniait tout intérêt à ce qui ne la touchait au plus près. Elle battait froid l’actualité, méprisait la chose politique.
Le reste ne se raconte pas, trop hétéroclite, trop improbable, riche en références et simple en ce qui concerne la ligne du récit. Enfin, simple... une fois résumé. Car à la lecture, j’ai parfois souffert de quelque manque de repères, d’explications ; je réclame un zeste de clarté supplémentaire non pas pour la limpidité mais plus de fluidité.
Hilarant et grinçant, le roman apporte un œil rare sur notre environnement. On se prendra d’ailleurs à reluquer toutes les cafétérias de France en se demandant si le type solitaire là-bas, en observation de ses congénères, n’est pas Renaud Marhic.
Quelques pistes à explorer, ou pas...
L’Oreille de Denys est un livre assez unique, difficile de le faire bifurquer vers un autre...Toutefois, pour une vision de la jeunesse, je le mettrais en parallèle avec Corniche Kennedy de Maylis de Kerangal. Et parce que la psychanalyse et les charlatans rejoignent parfois les laboratoires pharmaceutiques, allez faire un tour dans les Chères Toxines de Jean-Paul Jody.
Les dix premières lignes...
On finit par tout savoir quand on est bien seul. Que la voisine du dessus fait des « oh ! », des « ah ! ». Que le voisin du dessous ne se lave pas. Les sons, les odeurs, c’est traître comme y a pas. Moi qu’ai jamais pu piffer les odeurs, à 50 ans révolus, mon édification, ce furent les sons. Au sortir de l’hôpital : examens sous le bras, recommandations plein la tête — le médecin impuissant, c’est bavard à ne pas croire (…)
Quatrième de couverture...
Ç’aurait pu être un bon bouquin. Il en possédait les atouts. La profession du héros : psychologue — qui plus est sexologue. Le protagoniste le plus lucratif pour un auteur, le plus apprécié des lecteurs. Un vrai métier de best seller !
Idem des principaux éléments de l’intrigue – de l’or en barre – : un quinqua condamné par son cardiologue pose un dernier regard (ou plutôt, une ultime oreille) sur le monde qu’il s’apprête à quitter ; une jeune adulte crée une fondation pour lutter contre le symptôme dont son amoureux a péri ; les deux personnages s’influencent, en dépit de leurs dissemblances culturelles et sociales.
Du nanan, je vous dis. Calibré pour tuner. À un tel point de perfection, on se passerait du livre. Un bon bouquin se reconnaît d’abord et surtout à son pitch. Seulement voilà, l’auteur a commis la bévue qui vous gâche une tambouille : au lieu de suivre la recette, il y a mis du sien. Et le sien d’un Renaud Marhic n’est pas le mien de tout le monde.
Ce livre, disons-le tout net, est un livre méchant. D’autres ne manqueront pas de s’en émouvoir – à raison. Les livres qui mordent leurs maîtres ne sont pas courus des lecteurs. Là où le titre annonçait un héros à l’écoute de ses prochains, le récit nous immerge dans une cacophonie introspective. Certes, elle n’est que l’écho des dissonances ambiantes, mais est-il réellement besoin de leur prêter l’oreille ?
Comme si cela ne suffisait pas, l’auteur se pique d’inaugurer un style, une façon bien à lui de cadencer les phrases, de combiner les rythmes, d’escamoter les mots, pour mieux nous confronter à la part d’inscrutable tapi dedans l’écrit, derrière la pensée et les actes de ses personnages. Trouvaille de barge, je vous dis !…
Et d’ailleurs, quelle idée pour un écrivain de se préoccuper d’écrire ! Après qu’il a chopé l’intrigue, rédiger suffit bien ! Avec ce roman, son quatrième, Renaud Marhic confirme son incapacité totale à nous offrir un bon bouquin. Un chef-d’œuvre, peut-être – mais qui en a besoin ?...
Sa trombine... et sa bio en lien...
Informations au survol de l'image...