Seuil Policiers - Avril 2004
Tags : Polar social Quidam Années 2000 Entre 250 et 400 pages
Publié le : 31 octobre 2005
Prenez quelques personnages disparates : Alain Colmont, écrivain en mal
d'inspiration, scénariste à ses heures ; Daniel Tessandier, RMIste sur
le fil du rasoir qui voit la rue lui ouvrir les bras ; Jacques Brevart,
aide-soignant à la vie morne et ennuyeuse, sans relief, sans avenir ;
Gérard Dancourt (dit Gégé) ou Bernard Signot (dit Nanard), clochards
organisant leur survie à coup de maigre solidarité ; Mathurin Debion,
lui aussi aide-soignant, ailleurs, alcoolique, ne rêvant, à travers les
brumes de rhum, qu'à sa Guadeloupe natale...
Prenez ces éléments, ajoutez-y un quartier : Belleville, une époque : l'été
2003, celui de la canicule, et enclenchez la machine à "rêver", sans
oublier que quelque part, un mécanisme irréversible s'est mis en
branle, un mécanisme qui broie des vies : la chance...
Thierry Jonquet est un conteur hors pair, on le savait déjà à la lecture de ses
différents récits. C'est également un observateur et un témoin
perspicace de son temps, de la société dans laquelle nous vivons. Ce
roman en est le parfait exemple.
L'intrigue de départ est la suivante : Alain Colmont mène une vie marquée par les
drames, même s'il se tient toujours debout : il a perdu sa femme, sa
fille a subi un grave accident de scooter et les diverses opérations de
chirurgie esthétiques nécessaires à sa "reconstruction" menacent de le
ruiner. Son père, qu'il n'a pas vu depuis quarante ans, qui est sorti
de sa vie, est en train de finir ses jours dans un hospice aux frais du
contribuable, atteint de la maladie d'Alzheimer. Personne ne sait qui
il est ni d'où il vient.
Malheureusement pour Alain Colmont, ce père oublié finit par être identifié et un
fonctionnaire zélé de l'administration hospitalière décide de se faire
rembourser les frais d'entretien du vieillard qui depuis trois ans
occupe un lit de l'Assistance Publique. Autant dire une fortune !..
Personne n'est à l'abri de la précarité. Cette monstruosité a des mécanismes
perfectionnés qui lui permettent d'atteindre tout à chacun et c'est
justement ce que veut nous monter l'auteur.
À travers les exemples de personnages et de personnalités diverses qu'il
fait s'entrechoquer dans une intrigue menée de main de maître, Thierry
Jonquet démonte ces engrenages infernaux qui peuvent mener quiconque au
fond des enfers ; qu'il s'agisse d'Alain Colmont, ou de Daniel
Tessandier...
La particularité de ce constat, c'est que l'auteur l'inscrit dans un exercice d'écriture de l'Histoire
immédiate. Le roman, paru en avril 2004, se déroule durant l'été 2003
et ses fortes chaleurs, celui qui aura vu des milliers de gens mourir
pour cause de précarisation, d'exclusion, ou simplement par manque de
solidarité, d'humanité. Thierry Jonquet retrouve là l'univers
hospitalier qu'il a bien connu et marque les mémoires encore fraîches,
encore emplies de ce décompte morbide de cadavres, en appuyant là où ça
fait mal...
Une grande fresque au réalisme saisissant où l'intrigue policière est parfois au second plan, laissant la place au témoignage.
Quelques pistes à explorer, ou pas...
Thierry Jonquet écrivit son premier roman après avoir pratiqué l'ergothérapie dans un centre de gériatrie. Il puisa dans cette expérience marquante pour déjà, vingt ans avant Mon Vieux, aborder le sujet du "traitement" des personnes âgées dans notre société. Lisez Le Bal des Débris !..
Les dix premières lignes...
Ce matin-là, Mme Letillois, la propriétaire de la chambre de bonne où il
avait trouvé refuge depuis plus d'un an, l'attendait pour lui annoncer
la triste nouvelle. La dame était tout à fait délicieuse, petite
créature souriante au visage fripé de rides, qu'il entendait souvent
chantonner quand elle arrosait les jardinières de fleurs qui ornaient
son balcon. Assez coquette, elle portait des robes aux couleurs vives,
contrairement aux personnes de son âge qui se réfugient fréquemment
dans le gris (...).
Quatrième de couverture...
Élevé dans la misère, Alain Colmont a quand même réussi à devenir prof,
puis scénariste pour la télé. Mais un jour sa fille, Cécile, a un
accident de scooter qui la défigure. Alain, qui l'adore, se ruine pour
lui redonner un visage.
À La Courneuve, un vieillard qui titube au milieu de la route à 11 heures du soir est
récupéré par la BAC. Pas moyen de savoir son nom, l'inconnu a la
maladie d'Alzheimer.
À Belleville, une bande de clodos se retrouve régulièrement pour boire et se livrer à de petites
combines. Cette vie-là, Daniel Tessandier, RMIste, n'en veut pas. Mais
comment l'éviter lorsqu'on perd son appartement et qu'il n'y a pas de
travail ?
C'est l'été, - l'été 2003. Étouffante, la chaleur commence à faire des ravages chez les plus
démunis, vieillards, malades et rejetés de la vie. Pour Alain Colmont,
la canicule risque de tourner au cauchemar...
Sa trombine... et sa bio en lien...
Informations au survol de l'image...