Un Crime dans la Peau

Lionel Destremau

La Manufacture de Livres - Avril 2025

Tags :  Roman historique Polar social Crime organisé Truand Criminel Lyon Années 1930 Entre 250 et 400 pages

Edition originale

Un avis personnel...

Publié le : 30 septembre 2025

Il en faut des circonstances pour remonter le temps et se découvrir un passé, voire un ancêtre oublié, effacé. Des circonstances, et des hasards. En 2014, les deux ont jeté leur dévolu sur Éric Mailly, aspirant policier, en lui dévoilant les tatouages d’un criminel du début du vingtième siècle et de son complice, un certain G. Mailly. De fil en aiguille, lui et son père, qui s’adonne à la généalogie depuis sa retraite, vont mener l’enquête sur cet homonyme, chacun dans leur spécialité, et tenter d’éclairer les circonstances du crime commis.

Louis Rambert et Gustave Mailly sont tous deux nés en 1903, à quelques mois d’écart, dans des familles paysannes. Louis perd sa mère à l’âge de sept ans. C’est un enfant difficile qui maltraite les animaux et son père finit par le placer dans un orphelinat. Il devra y rester jusqu’à son treizième anniversaire. Quant à Gustave, petit dernier d’une fratrie, il subit la violence de son père pour qui les affaires ne sont pas bonnes. Obligé de vendre sa ferme, il s’installe comme bougnat et sépare ainsi son fils des animaux pour qui il avait beaucoup d’affection. Seul le chien les a suivis et c’est avec lui qu’il passe le plus clair de son temps, délaissant l’école. À dix ans, il est placé comme apprenti berger.

Bien des années vont passer avant que ces deux-là ne se rencontrent. Ils vont traverser une guerre, trop jeunes pour y participer, mais assez vieux pour en subir les conséquences, vivoter dans la misère et les menus larcins entre deux passes au bordel. En 1930, ils s’associent pour détrousser un certain Bergeron, une sorte de paysan rentier, soi-disant riche à millions. L’affaire tourne mal et se transforme en hommicide.
Mais les témoignages des deux truands divergent. Pour Louis, ils ont « partagé » le crime, assassinant chacun une des deux victimes. Pour Gustave, seul Louis est responsable de la tuerie.

On ne peut pas considérer qu’Un Crime dans la Peau soit à ranger dans le rayon polar d’une bibliothèque. On n’y trouvera ni intrigue, ni véritable enquête, mais plutôt une forme de témoignage né de l’étude d’une documentation bien particulière que l’on doit au docteur Lacassagne qui se spécialisa en son temps sur les détenus qui peuplaient les prisons françaises, et plus particulièrement leur mémoire et… leurs tatouages. Il créa ainsi un compte-rendu du crime d’Ecueilly à partir des confessions des deux criminels et fit relier l’ouvrage à l’aide du tatouage d’un des deux malfrats.
À partir de cette source, Lionel Destremau construit son récit, cherchant à éclairer au plus près la réalité, sans l’embellir ni la déformer, de deux enfants du début du vingtième siècle, alors que la révolution industrielle est en marche et que la criminalité explose. On les suivra, pas à pas, de l’enfance jusqu’au bagne.
Le travail de recherche est à saluer, rendu probant par ces extraits d’articles de la rubrique faits divers des journaux de l’époque qui ouvrent chaque chapitre et donnent « vie » au contexte. On pourra cependant reprocher une certaine froideur au récit qui préfère s’attacher au côté témoignage, dédaignant toute sensiblerie. Une sorte de regard journalistique, sans affect.
Un choix parfaitement assumé par l’auteur. Lionel Destremau est un auteur qui se distingue dans le paysage du polar francophone, apportant une voix singulière, entre rigueur narrative et choix assumé d’un non-respect des codes du genre qui ne laisse généralement pas indifférent.

Un roman qui trouve parfaitement sa place au sein du catalogue de la Manufacture de Livres, tout juste à la frontière entre les deux grands thèmes qui structurent principalement cette maison d’édition : la fiction et les témoignages autour de la criminalité.


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Quelques pistes à explorer, ou pas...

On trouve quelques portraits de truands dans la littérature policière, parfois même écrit à la première personne. Alexandre Dumal a ainsi raconté son parcours dans son premier texte publié : Je m’Appelle Reviens (1995). Une version un peu plus récente de celle proposée par Lionel Destremau.

Le début...

Les dix premières lignes...

Février 2014, Éric Mailly quitte l’ENSP, à Saint-Cyr-au-Mont-d’Or, où il est venu récupérer des documents. Il remonte le long de la rue Carnot pendant une cinquantaine de mètres, avant de trouver sur la gauche le scooter qu’il a loué et garé contre un mur dans un renfoncement. Il démarre, emprunte la rue de Lyon, descend jusqu’à Saint-Rambert-L’île-Barbe, passe sur le pont qui enjambe la Saône, se dirige jusqu’à l’hôpital de la Croix-Rousse et parvient dans le centre-ville de Lyon. Il est contraint, par des voies en sens unique, de faire quelques détours, passe non loin du palais de la Bourse, avant de dépasser la place Bellecour et d’arriver au niveau de la gare de Perrache. Il a rendez-vous place des Archives, derrière la gare, pour une visite privée organisée spécialement pour les élèves de l’école au musée des Techniques policières d’Edmond Locard. Cette journée est un peu exceptionnelle dans sa formation, et il a quitté le site de Cannes-Écluse, en grande banlieue parisienne, où il suit un parcours pour être officier de police, pour passer deux jours de formation au centre lyonnais.


La fin...

Quatrième de couverture...

En 2014, un jeune officier de police passionné de tatouage, Éric Mailly, découvre que deux ouvrages ont été retirés de la vente aux enchères d’une collection privée. L’un d’eux l’interpelle : une pochette ayant appartenu au fameux médecin légiste et criminologue français Jean Lacassagne, en lien avec un terrible crime survenu à Lyon en 1930. C’est la reliure du livre qui en interdit la commercialisation : elle est composée de la peau tatouée d’un homme, Louis Rambert, l’un des deux coupables de l’affaire. En poursuivant ses recherches, Éric découvre le nom de son complice, un certain Gustave Mailly… Ont-ils un lien de parenté ? De la vie de Louis Rambert et de Gustave Mailly, il subsiste plusieurs éléments : la presse a relaté leur procès et leur destin, mais seulement en partie… Qu’est-ce qui a façonné leur parcours ? Comment sont-ils devenus criminels ? Pourquoi et comment ont-ils fini par passer à l’acte ?

Avec Un Crime dans la Peau, Lionel Destremau redonne voix à ces criminels oubliés, explorant les engrenages de leurs crimes et la vision de leur époque, celle des années 1930. Un roman historique retraçant un fait divers, dont le procédé narratif joue avec le montage littéraire et propose d’entremêler l’histoire et la fiction.


L'auteur(e)...

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Lionel Destremau










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