Le Lotissement

Claire Vesin

La Manufacture de Livres - Août 2025

Tags :  Roman noir Polar social Discrimination Quidam France Années 1980 Entre 250 et 400 pages

Edition originale

Un avis personnel...

Publié le : 25 septembre 2025

Recommandé Juillet 1986. Dans un pavillon de banlieue, une jeune fille s’apprête à laisser éclater sa colère. Elle compte bien mettre le feu à ce pavillon qu’elle quitte pour exercer sa vengeance, mais au moment où elle craque maladroitement son allumette, c’est elle-même qui s’enflamme.
Élise a un eu plus de treize ans. C’est une enfant qui se tient un peu à l’écart, trop grande pour la ribambelle de gosses qui traînent dans le lotissement, elle est tombée secrètement amoureuse d’un des voisins.
Le feu dans un lotissement flambant neuf attire le voisinage qui se masse en badauds pour assister au spectacle. Parmi eux, les plus proches voisins, leurs enfants, camarades de classe des Mondessert qui regardent leur maison détruite et leur fille Élise, grièvement brûlée, emmenée à l’hôpital.
Quelques jours plus tard, une poignée de gamins s’introduit dans le pavillon déserté et vole quelques jouets ainsi que le journal intime d’Élise qui, à peine dérobé, sera oublié au fond d’un carton à l’occasion d’un déménagement.

Trente ans plus tard, à l’occasion du décès de sa mère, la narratrice redécouvre ce cahier qu’elle n’avait jamais pris le temps de lire. C’est l’occasion de replonger dans le passé…

Claire Vesin se promène à travers les époques — entre aujourd’hui et 1986 — mais aussi au milieu de ses personnages qui prennent alternativement le récit à leur compte.
Le passé, les souvenirs d’enfance, les années heureuses, mais aussi les drames enfouis, restés inexpliqués : l’accident de la maîtresse, une jeune et jolie Guadeloupéenne en tout début de carrière ; la mort de François Belge, le garagiste dont Élise s’était amourachée, et qui a mis fin à ses jours par pendaison.

La lumière sur les différents drames qui se sont joués se fera petit à petit en explorant ce microcosme si particulier depuis l’époque actuelle, confrontant les souvenirs d’enfance à la réalité du présent d’alors.
1986, c’est le temps de SOS racisme, des attentats à Paris, de Le Pen à l’assemblée, de l’accident de Tchernobyl, des morts de Balavoine et de Coluche, des otages au Liban. Toute cette actualité mise en décor permet à l’auteure de nous remettre en mémoire le contexte (pour ceux qui l’ont vécu) avant de s’attacher plus précisément sur la vie dans ce lotissement de la proche banlieue parisienne. Car comme dans son précédent roman, Blanches (2024), c’est bien la banlieue et ceux qui l’habitent, la font vivre, qui sont au cœur du récit.
Les années d’insouciance de la narratrice, son enfance, paraissent soudain beaucoup plus sombres au fur et à mesure que l’on avance dans la trame de l’intrigue orchestrée par Claire Vesin. Avec la même sensibilité et cette forme de retenue qu’elle avait montrées pour son premier roman, elle dresse un portrait pourtant cinglant de la vie de ce quartier et, pour beaucoup, des femmes qui y vivent. On y trouvera un petit clan de privilégiées, menée par une reine qui ne souhaite qu’une chose : régenter son petit monde. Un groupe qui suscite l’envie de celles qui travaillent ou n’ont pas la même aisance.
Là, dans ce village si proche de la grande ville, on assistera à l’émergence d’un racisme ordinaire, aux manipulations sournoises liées aux envies de pourvoir, aux éternelles histoires d’amour brisées ou illégitimes qui fracturent les communautés, à la course effrénée de la rumeur.
Claire Vesin interroge aussi notre volonté d’appartenance, cette manière si anodine, mais rarement sans conséquences, de laisser-faire. Jusqu’où peut-on aller pour se faire accepter ?

La construction du roman, qui multiplie les époques et les points de vue, est à ce titre éclairante. Pas de manichéisme ici, on navigue en zones grises, celles de l’affligeante réalité, mais pas non plus d’agressivité. Après tout, comme s’interroge avec mansuétude la narratrice : est-ce qu’on aurait fait mieux qu’elles ?
Claire Vesin confirme avec Le Lotissement tout le talent qu’on avait soupçonné lors de la parution de son premier roman.


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Quelques pistes à explorer, ou pas...

Parmi les auteures féminines du polar francophone, et dans une version plus rurale, Mathilde Beaussault s’est elle aussi attelée à dresser un portrait saisissant des années quatre-vingt dans son roman Les Saules (2025).
Sinon, en matière de lotissement, mais cette fois dans une atmosphère plus trash, pourquoi ne pas tenter un détour avec Python (2025) de Sébastien Gendron.

Le début...

Les dix premières lignes...

Juillet 1986
Allongée sur son lit dans la pénombre grandissante, elle a attendu que ses parents se décident enfin à se coucher, puis a laissé passer encore une heure ; il fallait être sûre qu’ils n’entendraient rien. L’excitation suffisait à la maintenir éveillée.
Elle a chassé les petits de son esprit. Ils s’en sortiraient.
La fureur affluait par vagues dès qu’elle pensait à sa mère. Aux voisines aussi, à leur bêtise complice. Aux conséquences de leurs actes. À ces tragédies qu’on aurait pu éviter. À leur convoitise, sous la sollicitude. Elle les hait, toutes.
Elle songe à François, une dernière fois. Il aura été aussi décevant que les autres. Sa mort la bouleverse, pourtant elle s’entend presque murmurer « bien fait pour lui ».
Enfin elle se lève, descend lentement l’escalier et glisse sans bruit sur le carrelage de la cuisine. Tout doucement, elle tourne la poignée de la porte qui donne sur le garage. L’odeur métallique, l’air frais de la pièce — son père le dimanche qui bricole en sifflotant — la font presque vaciller. Elle pourrait en rester là, se raccrocher à ces moments d’innocence. Elle sent la brûlure des larmes. Quel gâchis ! Mais elle y est maintenant, elle ne va pas reculer. Elles vont payer, toutes.


La fin...

Quatrième de couverture...

« D’une main mal assurée, Élise sort les allumettes de sa poche et frotte un bâtonnet contre la boîte en carton. Elle doit s’y reprendre à deux fois ; ce n’est pas la peur qui fait trembler ses doigts, c’est la rage. »

Que s’est-il réellement passé en 1986 à Mare-les-Champs, village pavillonnaire de la banlieue parisienne ? Plus de trente ans après une série d’événements tragiques, une femme revient sur les lieux de son enfance pour en exhumer les secrets. Ceux de Suzanne, jeune institutrice fraîchement arrivée, de Béatrice, reine incontestée de la petite communauté, et de sa fille Élise, l’adolescente rebelle. Entre non-dits et faux-semblants, elle ravive des blessures que chacun préfèrerait oublier.

Le Lotissement nous plonge au cœur des années 1980, dans une France en plein bouleversement. Le Pen à L’Heure de vérité, l’essor des HLM, la catastrophe de Tchernobyl mais aussi les tubes de Balavoine, la colle Cléopâtre et les cagoules qui grattent : Claire Vesin met à nu la mémoire collective, les méandres du désir et la violence feutrée des rapports sociaux. Un roman acéré et envoûtant, où la tension monte, jusqu’à l’embrasement.


L'auteur(e)...

Sa trombine... et sa bio en lien...

Claire Vesin










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