Le Casse

David Goodis

Gallimard / Série Noire - 1954 - Traduction (anglais) : Laurette Brunius

Tags :  Roman noir Psychologie Arnaque Truand Etats Unis Années 1950 Moins de 250 pages

Edition originale

Un avis personnel...

Publié le : 03 février 2013

Nathaniel Harbin a beau être cambrioleur, c'est un gars sérieux, un honnête travailleur. Sans doute un peu trop sérieux même :

Cette inaptitude à la joie se lisait dans ses yeux, qui étaient gris, ne s'éclairaient presque jamais, et dont le regard réticent semblait cacher une souffrance secrète.

Nat ne travaille pas tout seul. Il fait équipe avec deux balourds qui lui pèsent : Dohmer et Baylock, ainsi qu'avec Gladden, la fille d'un de ses anciens collègues qu'il a pris sous sa protection à la mort de ce dernier. Ce quartet a beau être relativement efficace, il n'est pas spécialement bien accordé. La disharmonie règne…
Pourtant, ils sont sur un gros coup : un paquet d'émeraudes qu'il suffit de ramasser dans un quartier aussi cossu que désert. Trop désert… Alors qu'ils sont en pleine action, leur véhicule stationné dans la rue — quand chaque villa possède au minimum un garage à deux ou trois places — attire l'attention d'une patrouille de police. Il faut agir. Nat ne se démonte pas, et en bon professionnel, finit pas résoudre ce problème en se présentant aux flics comme tombés en panne. Ce fut tangent, mais il finit par avoir gain de cause, sous le regard néanmoins soupçonneux des deux agents.
Retour au bercail, les émeraudes en poche…

À la planque, l'adrénaline retombe, mais la tension est à son comble. Baylock s'en prend à Galdden, l'accusant de tous les maux. L'équipe est sur le point de se disloquer, mais il faut patienter avant d'écouler le butin. Dans une crise de fureur, Nat envoie tout le monde balader et sort. Dehors, il va rencontrer Della…

Personnage central du roman, Nathaniel Harbin est un être bancale qui souffre du poids dont il s'est lui-même chargé. Tout est trop lourd pour des frêles épaules : la responsabilité de son équipe de cambrioleurs dont il parvient avec peine à gérer les emportements et les jalousies ; et surtout la responsabilité de Gladden, cette jeune femme qu'il traîne comme un boulet en souvenir de son père : celui qui l'a lui-même recueilli lorsque Nat, seul au monde, arpentait les bords de route, avant de lui mettre le pied à l'étrier. Nat se sent redevable, et il est au fond honnête et droit. Mais c'est un poids moral qui pèse…

Nat correspond bien au stéréotype des personnages de Goodis. Sa vie est à peine entamée que lui est déjà à moitié brisé. Pour autant, pas de misère sociale ici, pas d'alcool. Nat est malheureux mais il n'est pas miséreux.
Et puis va venir l'autre personnage cher à David Goodis : Della, la femme fatale… Della apparaît, et c'est le coup de foudre pour Nat. Les nuages qui s'en vont, le ciel qui s'éclaircit et le soleil qui brille enfin dans son âme. Il reste bien quelques problèmes à régler : une équipe à dissoudre, un butin à écouler, et Gladden, collée à ses basques, mais Della lui donne la force de croire en l'avenir.

Si chez Goodis les femmes sont fatales, c'est que l'avenir qu'elles proposent n'est pas rose et Nat va s'en rendre compte à ses dépens.
Harbin va naviguer entre désir et responsabilité. Il faudra faire un choix, avant qu'il ne soit trop tard.

Si Le Casse est aussi une histoire de machination (mais je ne vais pas vous révéler le fin mot de l'intrigue), il est avant tout comme souvent chez Goodis, le portrait d'un looser ballotté dans un monde agressif. Nat aurait tout pour réussir, si seulement la vie n'était pas si dure…

PS : quelques soucis avec la traduction, façon Série Noire des années cinquante, qui a tendance à coller un argot de boulevard dans les dialogues et qui tombe ici comme un cheveu sur la soupe.


Vous avez aimé...

Quelques pistes à explorer, ou pas...

Le Casse (titre original : The Burglar) a été adapté en France au cinéma en 1971 par Henri Verneuil avec Jean-Paul Belmondo dans le rôle de Nat (rebaptisé Azad dans le film), mais il ne reprend que la part "machination" du roman.
Si le film n'est pas franchement une réussite et marque la fin de l'association Verneuil-Belmondo, son générique et le thème principal de la musique, signée Ennio Morricone, sont cependant restés dans les mémoires. Vous connaissez sûrement…


Le début...

Les dix premières lignes...

Sur le coup de trois heures du matin, le paysage était absolument désert et le château, à la façade d'un violet sombre, se détachait solennel, sur la pelouse en pente douce, verte et veloutée sous la lune. Les fenêtres étaient éteintes. L'obscure masse violette s'offrait comme une cible à Nathaniel Harbin, assis au volant, au bord de la grande rue droite qui longeait la maison, pour ensuite filer vers le nord. Sa cigarette éteinte entre les lèvres, il avait étalé sur ses genoux le plan du fric-frac. Le schéma indiquait l'emplacement de la maison, ainsi que l'itinéraire à suivre pour y pénétrer et pour repérer, dans la grande bibliothèque, le coffre encastré dans le mur où étaient enfermées les émeraudes (…)


La fin...

Quatrième de couverture...

S'il n'y avait que Gladden ! Mais derrière elle, il y a le fantôme exigeant de son père — un père très chatouilleux sur le chapitre des responsabilités consenties…
Un honnête artisan-cambrioleur devrait pourtant être libre d'organiser sa vie à son idée. Surtout qu'il fait de beaux rêves en dehors des heures de travail : la petite maison sur la colline, le ruisseau parmi les hautes herbes et Della. Della dont les baisers font aimer la vie.
Bien sûr… s'il n'y avait pas Gladden ! Gladden, flanquée de papa-fantôme et lourde, malgré sa minceur, comme un coffre-fort plein. Et s'il n'y avait pas Charley, encombrant comme un coffre-fort vide, et le doigt toujours frémissant sur la détente du pistolet.


L'auteur(e)...

Sa trombine... et sa bio en lien...

David Goodis










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