Billi Joe

Jean-Paul Noziere

Fleuve Noir - Juin 1996

Tags :  Roman noir Polar rural Vengeance Journaliste Quidam France profonde Années 1990 Moins de 250 pages

Edition originale

Un avis personnel...

Publié le : 19 septembre 2008

Romain Lheureux élève des chiens. Enfin, il tente… Il fait ça, Romain, pour s'occuper, pour ne pas rester à rien faire. Avant, il était ferrailleur, pour les mêmes raisons. Avant encore, il a été militaire, le temps d'un engagement volontaire au 412ème régiment, celui dont la caserne donne sur le village. Tout son univers est là : le souvenir des armes, les chiens puants, une bible offerte par deux témoins de Jehovah, de passage, et les chansons de Carlos Gardel dans son walkman. Sans oublier une Amérique fantasmée qui l'obsède, ramenée d'un séjour à Eurodisney. D'ailleurs, depuis, il ne se fait plus appeler que Billi Joe.
Dans le bourg, tout le monde connaît Billi, tout le monde l'utilise pour de menus services, quand bien même il fait figure d'idiot de village. Un peu ras du front le Billi. Un peu abîmé aussi par son séjour dans l'armée…

Dans l'est de la France, il fut un temps où l'on installait des casernes, des régiments, plantés dans les campagnes reculées, sans doute pour se protéger d'envahisseurs potentiels. C'est à proximité de l'une d'elles que Romain/Billi a grandi, au milieu de cette France profonde, si rude. Romain a des bras, il aurait dû pouvoir les employer dans le coin. Oui, mais quand la crise guète, que la période est aux vaches maigres, ce sont les bras qui tombent en premier. S'il avait eu un peu de tête encore… Heureusement, il y avait la caserne.

Billi Joe est un personnage frustre qu'on découvre dans un environnement qui, au début du roman, fait beaucoup penser à ceux mis en scène par Harry Crews. Comme si la "civilisation" était très éloignée du lieu où l'on se trouve. Au fil des pages, par une chronologie chamboulée en douceur, Jean-Paul Nozière laisse apparaître quelques pans de l'histoire de ce pauvre Billi. Personnage frustre, certes, mais aussi brisé, anéanti, par son séjour dans l'armée et ce qu'il y a vécu. On découvre peu à peu l'horreur qui accompagne Billi quotidiennement, insidieusement, une horreur ramenée d'Afrique — du Rwanda exactement — où en tant qu'engagé volontaire du 412ème il participa aux opérations menées par les Français. Billi avait des bras, à défaut de tête, alors là-bas il charriait les cadavres, les entassant dans d'immenses fosses communes, au point de s'en faire exploser ce qui lui servait de cervelle.

Au village, Billi assassine, menant comme une vengeance, cherchant une réparation auprès de ceux qui, au moment de son départ, avaient fait de lui un héros avant, au retour, de l'oublier avec ses insomnies ravageuses, de la laisser tomber.
Mais l'important ici n'est pas de savoir qui est coupable des crimes commis dans la ville mais bien plus de montrer les traces, les séquelles, laissées par les carnages vus sur une personnalité fragile, celle d'un quidam engagé volontaire, par désœuvrement, ou parce qu'incapable de trouver un boulot qui n'existait pas.
Jean-Paul Nozière montre ce Billi là, mais aussi ceux qui l'ont mené jusqu'à l'horreur sans jamais se soucier de sa capacité à la supporter : journaliste, député ; leur cynisme, leur utilisation de sa naïveté.

Billi Joe est un roman extrêmement sombre, dur, violent même, comme les événements qu'il montre à distance, en creux. Reste que les creux laissent des traces, indélébiles.


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Le début...

Les dix premières lignes...

— Enculés ! Enculés ! Je vous niquerai tous… Je vous niquerai tous…
— D'accord… D'accord mon vieux, tu nous niqueras. Vas-y, déballe ton sac si tu crois te soulager.
Une voix sourde, éraflée de grésillements.
Le silence.
Puis le type a pleuré au téléphone.
J'ai attendu. Peut-être qu'il se déciderait. Parfois, l'humiliation des premières paroles passées, ils se décident. Ça tient à une nuit trop chaude, un programme de télévision trop ennuyeux, un frigo trop vide. Ça dépend…


La fin...

Quatrième de couverture...

À force de rêver au pays de l'Oncle Sam, Romain Lheureux en oublierait presque que la ville où il végète pue le légume bouilli et que son RMI suffit tout juste à entretenir son chenil. Non content de se faire appeler « Billi Joe », il aide certains de ces concitoyens à trépasser à coups de machette sous l'œil intrigué de son chat Abimelec. Les « cultos » sont en émoi, la presse locale en crise, les pit-bulls de Billi, eux, prennent du poids. À part ça, il paraîtrait que l'Éternel écoute Carlos Gardel…


L'auteur(e)...

Sa trombine... et sa bio en lien...

Jean-Paul Noziere










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Bibliographie non exhaustive... Seuls sont indiqués ici les ouvrages chroniqués sur le site.

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