Le Paradoxe du Cerf-Volant

Philippe Georget

Jigal Polar - Février 2011

Tags :  Roman d'enquête Roman historique Polar politique Quidam Années 2000 Entre 250 et 400 pages

Edition originale

Un avis personnel...

Publié le : 26 juin 2011

Un vestiaire miteux, un entraîneur, un boxeur dans le cirage… Pour Pierre, ç'aura été le combat de trop et pour Emile, le vieux Parigot, une déception. On ne pratique pas la boxe en dilettante.
Ainsi s'ouvre ce second roman de Philippe Georget, déjà remarqué pour L'Été tous les Chats s'Ennuient (couronné du prix polar SNCF 2011) : une belle description de combat en entame, et de l'esprit du noble art.

Pierre a vingt-sept ans, pas de famille, et lorsqu'il n'est pas sur le ring il fait le serveur au Café de la Poste, chez René et Josy, ses presque parents. Il rencontre aussi Sergueï, son pote taxi qui se définit toujours comme Yougoslave, n'ayant jamais voulu choisir entre Serbe et Croate.
Pierre sait que la boxe c'est fini. C'est donc la mort dans l'âme qu'il se cherche une reconversion, un gagne-pain. Il les trouvera auprès de son ami qui va le brancher sur un boulot de gros bras pour Laszlo, usurier clandestin et racketteur à ses heures perdues. Pierre tente l'aventure, mais le contact de la misère humaine, et la possibilité que ce soit lui qui l'amoche un peu plus le rebute ; ça n'est pas un métier pour lui et après une première entrevue, il décline l'invitation…

Philippe Georget est de ces auteurs qui vous prennent par la main dès les premières lignes de leur récit par l'ambiance et les personnages qu'ils développent. Ici il s'agit du ring et d'un boxeur fini qui meuble sa solitude dans la sueur et à coup de poings, entre deux cuites mélancoliques. On se laisse faire, la barque est bien menée, le paysage agréable.

C'est alors que la maréchaussée débarque. Laszlo a été retrouvé mort, torturé puis tué par balles. Le problème, c'est que les empreintes de Pierre sont sur l'arme du crime, un pistolet qu'il a manipulé lors de son entrevue avec l'escroc. Pierre est arrêté.

Dès lors, le récit prend une autre tournure qui va se donner comme fond la guerre qui a suivi le démantèlement de l'ex-Yougoslavie et ses prolongements en Europe. Pierre va se trouver bien malgré lui au milieu d'un imbroglio qui mêle d'anciens militaires, d'anciens miliciens, les services secrets français, et l'histoire récente des Balkans.
S'il s'agit bien d'une fiction, un des personnages est quant à lui bien réel — Ante Gotovina — qui est placé au cœur de l'intrigue construite par Philippe Georget. Ante Gotovina est un général croate (qui avait aussi la nationalité française) accusé de crime contre l'humanité perpétrés durant l'opération Tempête, en 1995, à la fin de la guerre d'indépendance : il aurait activement participé aux opérations de purification ethnique visant à éradiquer les populations serbes de Croatie. Il faut noter qu'Ante Gotovina a été condamné le 15 avril 2011 (après l'écriture et la parution de ce roman) à vingt-quatre ans de prison ferme par le tribunal pénal international, ouvrant ainsi la dernière porte à l'entrée de la Croatie dans l'Union Européenne qui a été elle-même validée le 24 juin de la même année.

À travers son récit, Philippe Georget montre la complexité du conflit Yougoslave, rappelant au passage quelques vérités. Saviez-vous, par exemple, que du temps de Tito la langue officielle du pays était le serbo-croate, reconnue comme telle par les linguistes, mais que selon qu'on se situait du côté serbe ou du côté croate, et bien que les différences à l'oral soient infimes, l'alphabet utilisé à l'écrit n'était plus le même…
De même, si on a beaucoup présentés les serbes comme les méchants de l'histoire, il est bon de rappeler que certains d'entre eux ont aussi été des victimes et que les atrocités commises à l'époque, suite à l'explosion de la fédération yougoslave, l'ont été sous diverses étiquettes.
Ou encore que lors de la séparation entre Bosnie-Herzégovine, Croatie, Serbie, Montenegro, Macédoine et Slovenie, les européens n'ont pas été complètement innocents…

La petite histoire dans la grande… tel est le principe qui anime Le Paradoxe du Cerf-Volant, habité par ce perdant magnifique qu'est Pierre Couture. Un savant mélange orchestré par un Philippe Georget qui après seulement deux romans, confirme qu'il a la plume bien taillée.


Vous avez aimé...

Quelques pistes à explorer, ou pas...

Concomitance…
Il se trouve que j'ai lu à quelques semaines d'intervalle deux romans qui se rencontrent à distance dans leur construction, dans leur thème, dans leur personnage. Si chez Philippe Georget c'est un boxeur qui éclaire malgré lui le conflit en Yougoslavie, chez Antonin Varenne, c'est toujours un boxeur qui permet d'évoquer, là encore à son insu, la guerre d'Algérie dans Le Mur, le Kabyle et le Marin.
Deux romans qui s'attaquent à l'Histoire, deux personnages attachants de loosers pratiquant le noble art, et quelques belles pages sur ce sport si particulier qu'est la boxe.
Et puis, dans ce genre polar "historique", il faut citer Maurice Gouiran qui s'est fait une spécialité de revisiter les histoires oubliées.

Le début...

Les dix premières lignes...

— Tout va bien, fils, ne te fais pas de mouron.
La voix se veut rassurante mais je ne suis pas inquiet.
— T'as perdu conscience pendant quelques instants, c'est pas grave. Tu devrais récupérer rapidement.
J'ai les yeux fermés, je souris. Je me sens reposé.
L'été chante et l'émerge lentement d'une sieste trop profonde. J'entends, au loin, les cigales engueuler les grillons.
— Ne bouge pas, prends ton temps. Respire tranquille (…)


La fin...

Quatrième de couverture...

Dans une salle surchauffée de la banlieue parisienne, Pierre, 27 ans, boxeur en plein naufrage, vient ce soir de perdre le combat de trop. Critiqué, sonné, déprimé, les doutes l’assaillent et la retraite se profile, contrainte et forcée.
Afin de préparer sa reconversion il accepte de jouer les « gros bras » pour Lazlo, un prêteur sur gage croate réfugié à Paris… Que l’on retrouve bientôt sauvagement torturé et assassiné.
Soupçonné et accusé du meurtre par les flics, poursuivi par des tueurs serbes, traqué par d’anciens légionnaires au service d’un mystérieux commanditaire, Pierre plonge au cœur d’une histoire embrouillée à laquelle il ne comprend rien et qui semble prendre sa source dans les terribles massacres de civils des années 90 en ex-Yougoslavie.
Baladé par Sergueï, l’ami réfugié politique et chauffeur de taxi, mis sous pression par le commissaire Lefèvre qui cherche on ne sait quoi, troublé par Julie, la fliquette, perturbé par ses propres fantômes, Pierre se sent manipulé… Il perd pied, doute, picole et titube.
Mais épaulé par le vieil Émile — l’indéfectible entraîneur — Pierre va retrouver son souffle, ses réflexes, ses jambes et son punch destructeur pour livrer sous les projecteurs son ultime combat !


L'auteur(e)...

Sa trombine... et sa bio en lien...

Philippe Georget










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Réédition

Du même auteur...

Bibliographie non exhaustive... Seuls sont indiqués ici les ouvrages chroniqués sur le site.

L'Eté tous les Chats s'Ennuient