Serial Loser

Pierre Hanot

Mare Nostrum - Octobre 2007

Tags :  Quidam France Années 2000 Populaire Moins de 250 pages

Edition originale

Un avis personnel...

Publié le : 19 mars 2008

Chanteur, ça peut faire un métier, voire une carrière. Mais "gros" chanteur — compte tenu de la dictature en place — ça le fait pas du tout. C'est pas une question de talent, plutôt de format. Dans les maisons de disques et chez ceux qui les distribuent, sur les plateaux de télé, le standard est filiforme, et pourquoi pas bronzé, jeune et musclé. Pas forcément besoin de savoir chanter…

— T'as aucune chance ! T'es pas mauvais, c'est évident, mais tu franchiras pas l'obstacle ! Dans la galaxie des boys-bands, les comètes sont des athlètes, de face comme de profil, la maigreur intégrale ! Abdos d'ados, plaquettes chocolat, il s surfent pour le fun, le snowboard, le barefoot, le wakeskate, le boardercross ou le kitewing, les sports de glisse ! Avec tes gros sabots 6XL, les producteurs vont te blâmer ! Insistez pas, c'est fermé, rideau, revenez quand vous aurez perdu du poids !

Mais voilà qu'un "collègue" ressorti des oubliettes du show biz — revenu ainsi au neuvième rang du hit-parade — envisage de se lancer dans la production ; il veut du vrai, « authentique, poète et guerrier ». Alors le "gros" (ce chanteur sans nom) propose ses œuvres, attendant que l'autre dispose. En plus, il a l'air d'apprécier, le revenant. Malheureusement, leur premier rendez-vous se transforme en lapin. La goutte d'eau. Au second, la stratégie n'est plus la même pour atteindre le public : notre apprenti chanteur décide d'éliminer son concurrent. « Un de moins sur la liste. »

Atteindre la première marche du podium en écartant définitivement la concurrence, telle est la voie royale tracée par Pierre Hanot pour son héros. Et c'est l'occasion de passer en revue un monde qu'il connaît bien, celui du hit-parade français, aujourd'hui concocté par les maisons de disques et autres majors, les télés qui les accompagnent, et les artistes eux-mêmes.
Tout le monde en prend pour son grade ! Entre un has-been sur le retour remis au goût du jour à grands coups de rééditions pas chères ou de "best of" : un apprenti star sorti d'un show de télé-réalité ; une icône des milieux gays branchés qui dansent sur Dalida, Sylvie Vartan ou Chantal Goya ; un simili chanteur contestataire qui défile chez Drucker ; sans oublier les rappeurs, de Marseille ou du 9-3, qui se la jouent ghetto du Bronx ; les boys-bands bodybuildés bien proprets ; les apôtres de la défonce — sex and drug and rock'n'roll — repentis et reconvertis en alcooliques ; les « chanteuses fantoches à tendance lyrico-maniaco-dépressive » ; ou celles qui se la jouent mystère… tout le gratin y passe je vous dis.
Toute ressemblance…

Le portrait de groupe est édifiant, c'est entendu. Ça balance pas mal chez Hanot, en toute mauvaise foi. Mais le style est là, l'humour cinglant et féroce. Ça déménage, comme un bon riff de guitare saturée ; ça s'écoute — ou se lit — d'une traite, comme une bonne binouze… De toute façon, le rock'n'roll n'a rien à faire dans le hit parade !


Vous avez aimé...

Quelques pistes à explorer, ou pas...

La collection Polar Rock, édité par Mare Nostrum, porte bien son nom.
Les textes sont courts, mordants, rythmés. Laissez-vous tenter.
Sergueï Dounovetz, qui la dirige, avait ouvert le bal avec Fleur de Bagne, accompagné de Laurent Fétis et d'Un Grand Bruit Blanc. Pour cette seconde fournée, c'est, en plus de Pierre Hanot, Thierry Crifo qui s'y est collé.
Une affaire à suivre…

Le début...

Les dix premières lignes...

Je suis gros. Du cul, du cou, des joues, du bide, des mollets, des genoux.
Je déborde, je dépasse, j'envahis, j'annexe. J'ai des cuisses de pilier de rugby, les mains d'un déménageur, je suis épais, un visage sans compromission taillé à la hache dans le sens du lard, une gueule de pâte à modeler, et au beau milieu , un nez à faire pâlir les hardeurs.
Le nez gros. Ça y est, on est déjà dans l'injure (…)


La fin...

Quatrième de couverture...

Chanteur à succès, c'est pas une sinécure, surtout quand on est trop gros pour passer la porte formatée du showbiz.
Suivant le vieil adage, les derniers soient les premiers, après avoir fait le ménage, notre héros pense avoir trouvé la solution. Aussi minutieux et méthodique que Landru, il procède en éliminant la concurrence, résultat moins fumant mais tout aussi efficace.
Cependant, ne pas confondre serial killer et serial loser, le seul point commun résultant en un avenir précaire.
Road book stylé et jubilatoire, alliant poésie noire et humour vitriolé, ce récit en phase avec son époque nous livre la vision critique d'une société du spectacle en voix de décomposition. Un ouvrage baroque, salutaire et prophylactique où, comme dans tout bon Polar Rock, ça se termine mal et la morale est sauve.


L'auteur(e)...

Sa trombine... et sa bio en lien...

Pierre Hanot










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Réédition

Du même auteur...

Bibliographie non exhaustive... Seuls sont indiqués ici les ouvrages chroniqués sur le site.

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