Guerre aux Humains

(Giovanni Cattabriga) Wu Ming 2

Métailié - Août 2007 - Traduction (italien) : Serge Quadruppani

Tags :  Italie Années 2000 Entre 250 et 400 pages

Edition originale

Un avis personnel...

Publié le : 31 janvier 2008

La masse des hommes mène des vies d’un désespoir tranquille.

En septembre 2007 sont parus conjointement deux titres solos du collectif italien Wu Ming : Guerre aux Humains (Guerra Agli Umani), énigmatiquement attribué à Wu Ming 2, et le roman New Thing de Wu Ming 1.

Raconter, ne serait-ce que succinctement, Guerre aux Humains c’est s’exposer inévitablement au risque de lister une galerie d’individus, à la fois étranges, inquiétants, absurdes et pourtant très proches de nous dans leurs attentes, besoins, idéaux et désespérantes prévisibilités. On pourrait facilement succomber à une sourde et tenace dépression en refermant ce livre. Et puis non, prenons le parti d’en rire comme nous y invite Wu Ming 2 en écrivant cette farce satirique qui n’est pas dépourvue, à l’occasion, de quelques belles scènes contemplatives.
D’abord il y a Marco qui a décidé de rompre avec la société consumériste qui à ses yeux, s’achemine résolument vers sa fin définitive : celle du genre humain. Larguant les amarres avec sa famille, ses amis et son passé, iI décide de se retirer dans une grotte afin de semer les graines d’une nouvelle civilisation, troglodyte et calquée sur la pensée de Henri David Thoreau. Mais sa proposition utopique ne rencontre pas vraiment le succès escompté et Marco passe surtout pour un original, voire un emmerdeur car il n’arrive véritablement pas à couper définitivement tous les ponts. Trop d’empathie pour l’espèce humaine, peut-être ?
Puis, il y a Gaia Beltrame qui tient un bar bibliothèque à Castel Madero, bar dont le concept est aussi limpide que ruineux : faire crédit à qui emprunte un livre à lire. Castel Madero est, au passage, l’archétype du petit village de l’Apennin, désert rural à la population vieillissante ou célibataire, parfaite illustration du théorème suivant : dans un petit village de mille habitants, doté d’une mairie, d’un cinéma et d’un distributeur de billets, le nombre de bars est toujours supérieur ou égal à trois. Un pour les vieux, un avec tabac, un pour la racaille. Cependant, Gaia n’a plus la tête à son travail depuis qu’elle a égaré Charles Bronson… son saint-bernard âgé de cinq ans.
Et puis, il y a Jakup Mahmeti, l’immigré albanais qui a réussi. Passé du statut de simple dealer à celui de caïd, il souhaite désormais investir dans les combats clandestins de chiens, voire dans les combats entre chien et homme, comme au temps jadis des gladiateurs. Le chantier de l’autoroute n’est pas avare en immigrés que ses sbires savent rabattre de façon convaincante. Sinon, il reste la clientèle fascisante d’un club culturiste un peu louche pour remédier à la carence des vocations.
Et puis, il y a cette mystérieuse armée madéroise de Libération animale, à l’effectif considérable de trois membres. S’inspirant d’un mauvais roman de SF d’ Emerson Krott (L’Invasion des Humains, Galaxie 1981), dont des extraits s’intercalent régulièrement dans le récit, ses combattants ont planifié la guerre contre les humains, en commençant par les chasseurs du cru. Ils tranchent ainsi dans le vif du terroir local à coups de hache.
On pourrait continuer d’allonger la liste en évoquant ce sanglier fou à la recherche de pommes à glaner ; ce carabinier corrompu que la bête éventre ; son supérieur hiérarchique féru de sports extrêmes ; ces alcooliques en pagaille qui squattent les tables du bar Beltrame ; ces chasseurs sur la défensive, prêts à se faire justice eux-mêmes, cette petite vieille chapardeuse, ma foi fort sympathique ; ces jeunes adeptes satanistes, capotes et crucifix compris… On pourrait rallonger ainsi la sauce longtemps. Cela ne ferait que confirmer le mélange de dinguerie et de choses bien plus graves qui ressort à la lecture de Guerre aux Humains. Par contre, cela ne dirait rien de la relative déception qui, au final, finit par l’emporter sur le sourire complice. Le roman de Wu Ming 2 n’est pas sans rappeler d’autres titres au propos déjanté ; par exemple Le Lézard Lubrique de Melancholy Cove de Christopher Moore. Mais il manifeste une maîtrise globale du récit un sacré cran en dessous. Pour tout dire, l’écriture est hachée, pour ne pas dire syncopée. On se laisse gagner inexorablement par une forte impression de foutoir qui irrite à la longue. On n’arrive pas à se départir du sentiment tenace que le fil directeur de l’intrigue n’existe pas, que la cohérence de la narration n’est pas la préoccupation principale de l’auteur ; ce que confirme d’ailleurs une postface intitulée générique, où celui-ci révèle les sources très hétérogènes de son expérimentation littéraire.
Bref, Guerre aux Humains promet plus qu’il ne donne. Restent quand même quelques descriptions d’une nature qui reste merveilleuse malgré les déprédations de l’humanité. Mais qu’est-ce que la nature sans le regard de l’homme pour la contempler ?

Dommage. Peut-être New Thing de Wu Ming 1 est-il plus engageant ? C’est en tout cas, ce que laissent penser certains échos plus positifs…
Affaire à suivre comme on dit.


Vous avez aimé...

Quelques pistes à explorer, ou pas...

Note que non seulement vous pouvez lire, sur le site des éditions Métailié, le premier chapitre de ce roman, mais qu'il est également disponible gratuitement dans son intégralité au format pdf.

Le début...

Les dix premières lignes...

L’auto se hisse nerveusement dans les premiers virages. Phares éblouissants dans le noir. L’asphalte monte entre les châtaigniers, six kilomètres au-delà du village. Route de service pour le relais-télé de Colle Torto.
Au huitième tournant, un chemin de campagne se détache sur la droite. Le moteur grimpe. Les roues crissent. Un éventail de lumière court entre les buissons (…)


La fin...

Quatrième de couverture...

Sans renoncer à son bien-aimé walkman, Marco, aspirant super héros, abandonne la ville-Babylone pour vivre dans une caverne avec l’ambition de fonder rien moins qu’une nouvelle civilisation, quelque part sur les monts de l’Apennin. Mais la forêt est très peuplée. De gangsters albanais, culturistes nazis, chasseurs, braconniers, carabiniers survival, immigrés besognant sur le gigantesque chantier qui menace la vallée. Et d’écologistes qui ont choisi la méthode de la hache pour combattre l’Humanité, principale ennemie de la planète.
Marco irait bien ailleurs fonder sa société troglodyte mais la rencontre d’une belle barmaid qui cherche son saint-Bernard avec une baguette de sourcier et de Sydney, clandestin nigérian, va l’entraîner dangereusement vers un chenil où se déroulent d’étranges combats.
Avec un sérieux farcesque, une belle et discrète sensibilité à la nature, ce récit pose, sans avoir l’air d’y toucher, quelques questions essentielles pour le millénaire qui vient.


L'auteur(e)...

Sa trombine... et sa bio en lien...

(Giovanni Cattabriga) Wu Ming 2










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