L'Aube Noire - Juillet 2004
Tags : Polar politique Trafic Détective amateur Journaliste Afrique Années 1990 Littéraire Entre 250 et 400 pages
Publié le : 13 décembre 2007
Martine Thévenot, trentenaire célibataire, journaliste en poste à l'étranger, est assassinée chez elle — étranglée — alors que son ami Claude est présent, non loin de là. Le lendemain, c'est une jeune femme suicidée qu'on retrouve pendue au fond de son jardin. Hervé Lambert, un voisin prof au lycée français, appelé par l'ambassade, aide à débarrasser les affaires lorsque se présente Emna Aït Saada :
Elle n'était pas grosse ni grande, non. Elle était au-delà. En la voyant, Hervé Lambert pense pêle-mêle au colosse de Rhodes, aux statues de Maillol, à l'Anita Ekberg de La Dolce Vita, aux magnolias géants de la bambouseraie d'Anduze.
Durant le rangement de la maison, et bien que les pièces aient déjà été visitées par la police locale, ils découvrent ensemble, au fond du panier à linge sale, quelques cahiers cachés là qui semblent constituer comme une sorte de journal intime ou de carnet de bord de la journaliste.
Emna cache sa découverte aux services de l'ambassade et rencontre bientôt Bernie Thévenot, l'oncle de la victime, qui l'engage en tant que détective afin d'éclaircir les circonstances de la mort de sa nièce ; d'autant qu'entre-temps, Emna a été contactée par Zeinab, la femme de ménage, qui lui a indiqué qu'il ne s'agissait en aucun cas d'un suicide…
Catherine Simon met en scène un environnement qui n'est pas complètement déterminé. On sait qu'on est en Afrique du Nord — pas en Algérie puisque Emna en est originaire et qu'elle agit en dehors de ses frontières — mais sans pouvoir déterminer s'il s'agit du Maroc, de la Tunisie, ou encore d'un autre pays.
Ce qu'on sait, c'est que la présence française est importante et que la police est partout, que même si elle est physiquement absente, son œil, ses oreilles, sont relayés par d'innombrables mouchards parmi la population.
Catherin Simon construit son récit sur deux axes. D'un côté l'enquête d'Emna Aït Saada, sorte de gorgone algérienne, acariâtre, pas aimable pour un sou et qui carbure au Campari — « Je ne suis pas quelqu'un de sympathique, j'ai le fond mauvais. Très. » — qui va tenter d'éclairicir les circonstances de la mort de la journaliste en suivant l'autre versant du roman, à savoir les nombreux extraits du journal de bord de Martine Thévenot.
On découvre ainsi la vie d'une journaliste free lance basée en Afrique, ses rapports avec les autorités — tant françaises que locales — ses rencontres avec ses "collègues" divers et variés qui constituent la présence française sur le continent. Du tableau d'ensemble, il ressort que les rapports de la France avec l'Afrique sont bien compliqués, voire troubles — et dans ce sens, le rendu est sans doute assez proche de la réalité — mais on aurait aimé que l'auteur éclaire un peu plus ce brouillard opaque, qu'elle nous aide à mieux appréhender la complexité du phénomène.
On ne Quittera Jamais le Territoire des Loups apparaît comme un roman "impressionniste", mais qu'il est peut-être difficile de pénétrer sans avoir au préalable une connaissance plus ou moins approfondie des problématiques soulevées pour en apprécier les finesses.
Côté écriture, Catherine Simon attache beaucoup d'importance à la description de l'environnement, aux couleurs, aux saveurs, aux décorations, aux détails architecturaux, aux fleurs, aux arbres. Vous avez dit "impressionniste" ?..
Au final, un roman qui traite de l'Afrique à travers le regard des européens, mais pas vraiment de l'Afrique elle-même — même si un trafic d'immigrés clandestins vient un temps soit peu pimenter l'intrigue. Car de fait, d'intrigue, il n'y a pas vraiment. On ne court pas après un coupable — qui surgit d'ailleurs sans crier gare au détour d'un chapitre — non, ce qui importe ici, ce sont les mobiles du crime, et le portrait sans concession d'une certaine Afrique : celle qui fait perdurer les méthodes des coloniaux, les reprenant à son compte avec application et rigueur.
Quelques pistes à explorer, ou pas...
Pour une autre "image" de l'Afrique, toute aussi personnelle, le Putain de Cargo ! d'Eric Legastelois, ou autour du génocide Rwandais (qui apparaît dans le roman de Catherine Simon) La Position du Missionnaire de Jean-Paul Jody.
Les dix premières lignes...
Elle avait toujours aimé les nuages. Plonger ses yeux, l'été, dans leurs bouillonnements de meringue, si blancs, si doux ; se perdre, les matins d'hiver, juste avant le lever du soleil, dans leurs éclaboussures vineuses, leurs minces filandres rose orangé ; ou, le soir, dans leurs roulis bleuâtres, leurs trognes sales d'avant l'orage — observer les nuages lui avait toujours fait du bien. L'infinie dérives des cumulo-nimbus balayait ses tristesses subites. Ou, du moins, empêchait ses larmes de couler, comme respirer de la mie de pain éloigne l'envie d'éternuer quand on a mangé trop de moutarde (…)
Quatrième de couverture...
L'Afrique est un continent imprévisible sur lequel certaines vérités ne sont pas bonnes à dire, et certaines jalousies pas bonnes à susciter… Martine Thévenot, une journaliste un peu trop libre dans ses idées et dans ses comportements, est retrouvée morte un soir dans son jardin. L'assassinat ne fait guère de doute. Mais il faudra toute la sagacité d'Emna Aït Saada, archéologue distinguée et enquêtrice privée, pour dénouer l'écheveau des relations tissées entre les personnages les plus en vue du pays.
Sa trombine... et sa bio en lien...
Informations au survol de l'image...