Rivages / Noir - Octobre 1995
Tags : Roman noir Polar social Quidam France Années 1990 Moins de 250 pages
Publié le : 31 mars 2013
Émile est jeune homme comme tant d'autres, quelqu'un qui galère un peu dans la vie, qui peine à trouver sa voie. C'est un bon vivant, un épicurien sans véritables moyens financiers étant donné son incapacité à garder un boulot très longtemps, qui vivote plus ou moins aux crochets de sa copine du moment, en l'occurrence Camille.
Émile est un garçon très sympathique, mais la vie ne s'en est pas vraiment rendu compte. Pour autant, Émile n'est pas malheureux, et quand il tire le diable par la queue, c'est qu'il l'a bien cherché.
Émile a des amis, notamment Alex, hypocondriaque dépressif et néanmoins fidèle. Ils ont pour ainsi dire grandi ensemble. Émile se fait aussi des amis dans la rue, comme Tati, le clochard. Émile a un grand cœur.
Et puis Émile aime les femmes. Il recherche souvent leur compagnie la plus intime ; une compagnie dont il a bien du mal à se passer. Alors lorsque Camille le quitte, il ne reste pas bien longtemps célibataire et rencontre bientôt Lyse…
Est-ce que La Vie n'est pas une Punition est un polar classique ? Assurément non. N'y cherchez pas d'intrigue à résoudre, ni de meurtrier, ni de policier, et encore moins de serial killer. Est-ce un roman noir ? Peut-être bien… Une chose est sûre en tout cas, c'est un excellent livre.
La première raison à cela tient sans doute au personnage d'Émile. Il est partout, prend le récit à son compte, parle à la première personne, s'accapare la scène entière. Et comme il a beaucoup de talent, ça n'est pas pour déplaire. Et puis Émile a suffisamment de générosité pour laisser un peu de place autour de lui, espace aussitôt comblé par quelques personnages secondaires qui créent un univers qui flirte avec le déjanté sans jamais vraiment passer la frontière. On reste dans le réel, même si François (vous découvrirez, je l'espère, pourquoi) est un éleveur de cochon d'Inde très particulier…
La seconde raison tient à la fois au regard porté par Émile sur le monde qui l'entoure, et à l'image qu'il nous en renvoie. Émile est un philosophe dans l'âme qui ne veut pas céder au modèle de vie qu'on lui propose. Alors il tente autre chose, d'être heureux, et le dit avec ses mots à lui.
Et c'est là qu'on en vient à la raison principale qui marque l'excellence de ce roman : la putain de plume de Pascal Dessaint ! Cet homme-là, qui n'en est alors qu'à ses débuts d'écrivain, possède un style qui fait mouche. La vérité suinte de ses phrases, que c'en est une révélation.
La Vie n'est pas une Punition est une formidable chronique douce-amère qui montre l'existence d'un spécimen assez répandu, l'homo galerus, dans sa version moins connue d'homo galerus erectus. C'est drôle, triste parfois, plein de vie toujours, et foutrement bien écrit.
Quelques pistes à explorer, ou pas...
La Vie n'est pas une Punition est le premier volet d'un cycle qui en comprend trois et qui met en scène le personnage d'Émile. Il se poursuit avec À trop Courber l'Échine (1997) et On y va tout droit (2001).
Les dix premières lignes...
Comment ne pas penser que j'allais passer un sale quart d'heure ? J'en transpirais déjà, tout affolé à cette idée, un œil rivé quelque part sur un bouton de sa blouse immaculée — allez savoir pourquoi je fixais ce bouton, et pas ses yeux, sa bouche ou son front —, un autre du côté de ce fichu plateau et des engins de torture posés dessus. Je déglutissais avec peine. Je me disais bon Dieu, dans quelle galère tu te retrouves encore ? Ce qui ne me paraissait pas en flagrante contradiction avec le fait que moi et moi seul avais sollicité ce rendez-vous. Une chance dans mon malheur : ce type ne ressemblait pas à un charcutier, et j'aurais eu beaucoup de mal, même avec toute ma mauvaise foi, à substituer mentalement à sa main ce genre de coutelas tout ensanglantés que l'on trouve d'ordinaire sur l'étal d'un boucher, au truc qu'il s'apprêtait à m'enfoncer dans la bouche (…)
Quatrième de couverture...
Notre vie avait des hauts et des bas, pas des hauts vraiment hauts, ni des bas vraiment bas, non, c'était somme toute une petite houle, pas de quoi retourner un canot pneumatique. Je me disais que si une tempête en venait à bouleverser la donne, à retourner le canot avec nous dedans, ça ne serait pas de notre faute, à moins d'avoir consulté la météo avant et de n'avoir pas pris en compte les conseils de prudence. Et puis, dans ce cas, il se pouvait aussi que les autres paramètres, d'autres interventions, entrent en jeu sans qu'on y puisse quoi que ce soit. Que la nuit tombe et qu'un autre bateau, plus costaud, nous percute et nous envoie par le fond, par exemple, c'est en gros ce qui arriva.
Sa trombine... et sa bio en lien...
Informations au survol de l'image...