Qu'ils s'en Aillent Tous !

Laurence Biberfeld

Baleine - Février 2011

Tags :  Roman noir Roman d'enquête Polar maritime Détective amateur Quidam France Années 2000 Populaire Original Entre 250 et 400 pages

Edition originale

Un avis personnel...

Publié le : 02 avril 2011

Sur fond de grève des marins, des dockers, des routiers — un mouvement plutôt dur — dans un port quelque part en France, apparaît un couple improbable : Gandalf de Saint Aygulf, genre vieil aristo homosexuel au style très anglais, traînant son spleen en compagnie de Maria la Suerte, plus harpie délurée que grande bourgeoise. Ces deux-là lèvent le coude et arpente le pavé en observant la colère du peuple marin.
Au même moment, côté mer, se présente un navire qui assure régulièrement la traversée vers l'Algérie. À son bord, en dehors de l'équipage, trois enfants, passagers clandestins malheureusement découverts à l'approche des côtes, qui seront balancés à l'eau par le capitaine afin d'éviter la paperasse, les responsabilités et l'amende salée qui va avec pour avoir débarqué des étrangers sans papiers. Un seul atteindra la côte…
Toujours au même moment survient la mort de Joseph Langrenne, notable local et capitaine du port — un poste qui lui donnait un grand pouvoir. Mort étrange puisqu'elle fait suite à une chute de parapente ; décrite comme un accident par la police, mais que la sœur du défunt souhaite expliquer. Aussi engage-t-elle une paire de détectives : Gandalf et Maria…

C'est tout le petit monde du port qui est à l'ouvrage dans ce roman de Laurence Biberfeld, situé à Grestain, qu'on peut trouver sur une carte quelque part face au Havre. Pour autant, on a l'impression de glisser parfois vers Saint-Nazaire, à d'autres moments plus au sud, du côté de Marseille. Si Grestain existe, c'est son port qui importe, lui et ceux qui l'habitent, le font vivre, y passent ou y perdent leurs vies.
Trois récits se vont se croiser dans ce roman sans tout à fait se rencontrer.

Il y a d'abord ce fond de crise sociale, ces marins, ces dockers, qui crient leur colère devant l'abandon. Laurence Biberfeld montre comment la marine est devenue cette zone de non-droit où les lois sont au pire bafouées, au mieux contournées, réduisant les équipages à l'état d'esclaves, la comparant même un creuset dans lequel se tiennent les pires expérimentations ultralibérales. D'autant plus qu'il ne s'agit pas d'un ressenti, mais que l'auteur appuie ses dires sur des données économiques fondées mettant en avant les rôles respectifs des armateurs, des affréteurs, et de toute la clique qui tourne dans le milieu. Il s'agit de privatiser, d'essorer cette industrie, de la casser, en broyant au passage ceux qu'elle fait encore survivre. Au début des années quatre-vingts, rappelez-vous, ce fut le cas de la sidérurgie. L'histoire est un éternel recommencement…

Vient ensuite, en parallèle, l'histoire de Joseph Langrenne. Sa famille est historiquement inscrite dans la vie du port, une famille bourgeoise qui y a construit sa fortune. Joseph lui-même était le capitaine du port, un poste qui lui donnait le pouvoir de laisser ou non entrer les navires dans le port, d'accepter ou non de recevoir les bateaux poubelles qui sillonnent les mers, au grand dame des affréteurs bien sûr.
L'enquête de Maria et Gandalf tentera de pénétrer les secrets de cette famille engoncée dans ses principes de façade… et de déterminer s'il s'agit là d'un suicide, d'un meurtre, et pour quelles causes.

Enfin, on suivra en aparté le trajet de Noubir, seul survivant d'une traversée qui devait l'amener, lui et ses amis, vers quelque chose de meilleur et s'est transformé en cauchemar…

Le monde de la mer est un tout, pas franchement rose… mais surtout c'est un monde dur, brutal. Un monde qui disparaît.
Laurence Biberfeld en fait le tour à sa manière, grave souvent, mais aussi vive et acerbe à l'image de la furia de Maria la Suerte, en y plaçant toujours au cœur l'humain, les humains, avec leurs faiblesses, leur misère, leurs défauts et leurs qualités, confrontés à un système qui les oublient, les assassinent.
En contre-pied de cette noirceur sauvage, elle nous apporte un couple de personnages ahurissants — un peu comme ceux qu'on s'imaginait pouvoir croiser, au siècle dernier, sur le pont d'un transatlantique — qui vont nous accompagner tout au long du récit qui ,en leur présence, prendra parfois une forme théâtrale où se mêlent, dans des dialogues savoureux, le feu de Maria et la glace de Gandalf.

Constat sévère sur le port et ses environs, Qu'ils s'en Aillent Tous !, s'il est très bien documenté sur la question n'oublie jamais, contrairement à d'autres, que derrière les chiffres, il y a toujours des vies.


Vous avez aimé...

Quelques pistes à explorer, ou pas...

Dans le domaine portuaire, on peu citer le roman de Jean-Claude Izzo, Les Marins Perdus, et plus largement dans le domaine maritime, celui d'Eric Legastelois, Putain de Cargo !, lui aussi déjà avec un point d'exclamation dans le titre.
Comme quoi…

Le début...

Les dix premières lignes...

— Autrefois c'était facile de s'embarquer sur un navire. Les ports n'étaient pas comme ils sont devenus, tout ce bordel de grues, de conteneurs, de terminaux à la con, et dix fois moins de dockers, dix fois moins de marins. Un port, c'était une ruche. Jusque dans les années 1950, allez, on trouvait encore des petits caboteurs pépères avec des tas de braves gens pour charger les balles de ci, les caisses de ça, les fûts de chose et les sacs de machin. On avait de ces cargaisons, je te dis que ça…


La fin...

Quatrième de couverture...

« Moi, j'étais en Argentine en décembre 2001, à Buenos Aires, le soir où tout a commencé. Je peux te dire qu'y avait quelque chose de plus dans les rues que la haine, la fatigue, le dégoût ou une énorme colère : y'avait de la joie, y'avait de la pêche. Y'avait des gosses et des chiens, des femmes et des vieux, des gens en short qui tapaient sur des gamelles et d'autres qui chantaient. À force d'enfoncer la tête des pauvres bougres dans la mouscaille, tu finis par leur redonner l'envie de vivre et de se battre. C'est comme ça que ça se passe. »
Un vent de révolte souffle sur le Grestain, petit port de pêche près du Havre. La grève générale éclate, suite au projet de privatisation du port.
Mais le climat social a-t-il à voir avec l'étrange décès du capitaine du port, Joseph Langrenne, dans un accident de parapente ? Suicide, accident ou… meurtre ? C'est ce qu'est censé découvrir le détonant et fantasque couple de détectives privés Maria La Suerte et Gandalf de Saint Aygulf, engagés par la sœur du défunt, et dont l'enquête menée tambour battant prend bientôt la forme d'une pièce de boulevard.


L'auteur(e)...

Sa trombine... et sa bio en lien...

Laurence Biberfeld










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