Gallimard / Série Noire - Mars 2010
Tags : Roman noir Thriller Polar social Psychologie Flic Quidam France Années 2000 Plus de 400 pages
Publié le : 23 novembre 2010
Le 07 février n'est pas un jour ordinaire à Tournon. Ce jour-là, trois jeunes adolescents de sept, dix et treize ans sont morts dans des circonstances inexpliquées. On pense cependant à des suicides…
Alexandre Korvine, lieutenant de la police criminelle à Valence, est dépêché sur place pour l'enquête. Avant qu'il n'arrive, le nombre de victimes est passé à cinq.
Difficile pour la police locale, dans une ville de dix mille habitants, d'enquêter sereinement sur ce genre d'affaire ; tout le monde se connaît. Voilà pourquoi on a fait appel à Korvine qui, placé sous les ordres du commissaires Bongrand — ces deux-là se connaissent et ne s'apprécient guère — sera associé à un jeune lieutenant du cru, Richard Revel, pour le guider dans la ville.
Cinq suicides d'un coup, c'est hors statistique…
L'enquête de routine auprès des parents, des voisins, révèle qu'un des adolescents victimes était connecté à Internet et sa webcam en service au moment de son acte. Quelqu'un l'aurait donc vu se planter un couteau dans la gorge. La piste mène à un cyber-café mais se perd aussitôt apparue.
On suit l'enquête au présent, quasiment minute par minute, et l'on perçoit le malaise ambiant, l'incompréhension qui domine les esprits. Aucun message n'a été laissé par les enfants. Rien.
Apparaît alors dans l'enquête le professeur Varèse, une sommité locale, médecin, chirurgien de renom directeur de la clinique et tenant en parallèle un laboratoire de recherche sur la neuroscience, la neuropsychiatrie et l'étude du cerveau.
Korvine est intrigué par le personnage.
L'enquête avance. Webcam chez une des victimes, caméscope numérique chez une autre, pratique des jeux de rôles… Quelque chose se dessine enfin, de manière diffuse.
Les gosses d'aujourd'hui n'ont plus besoin de drogues illégales ! Tout leur est accessible sans problème. Internet, les sites porno, les jeux vidéo, YouTube, les mobiles. Toutes les addictions sont permises dès le plus jeune âge ! Peut-être qu'il avait un blog où il se filmait, peut-être que c'était pour filmer sa voisine en train de se doucher, j'en sais rien, moi ! Les gamins savent tous faire ça, de nos jours, dès qu'ils ont l'âge d'appuyer sur le bouton on d'un appareil électronique.
Puis apparaît un suspect. Sébastien Priest, surveillant d'un collège privé, animateur de la Maison pour tous, renfermé envers ses collègues mais apprécié des gamins. Il a disparu, mais l'on découvre chez lui des dizaines de vidéos sur lesquelles on voit des ados, dont ceux qui se sont suicidés. Rien de répréhensible : les enfants jouent, sourient, discutent. Tout juste quelques images avec des filles un peu dénudées, des embrassades. Une, seulement, à caractère pornographique… Et encore.
Une affaire de pédophilie se dessine…
Ce ne sera pas le fin mot de l'histoire.
Tournon et ses dix mille habitants sont au cœur de ce roman. Tournon comme un microcosme représentatif de la petite ville de province. Ici tout se sait. Ici tout se tait. Il s'agit d'une sorte de grande famille qui garde ses secrets bien au chaud.
Korvine, lui, est une sorte d'orphelin. Sans famille. Il a vécu là quatre années d'internat mais n'a jamais réussi à s'intégrer malgré ses efforts, à pénétrer cette famille qui ne voulait pas de lui, l'étranger. Le voilà de retour sur les lieux de son rejet, de son éviction, malade, fumant comme un pompier avec en poche cette enveloppe qu'il n'a pas ouverte mais qui contient certainement des résultats d'analyses pas fameux.
Korvine, solitaire, en course contre la mort, en état d'urgence.
Tournon se décline aussi en familles. Marin Ledun évoque le fossé générationnel qui sépare le monde adulte de celui des adolescents. L'ignorance, l'indifférence, teintée de bons sentiments, les gamins oubliés, laissés vacants, sans guide, sans écoute. On distingue clairement l'absence de dialogue, la démission des parents, trop occupés, accaparés ailleurs, qui voudraient pourtant bien faire…
Les ravages d'Internet sont montrés du doigt, la mainmise de la technologie sur l'éducation des enfants.
Et après ?…
Après, chacun tire ce qu'il veut de sa lecture. Marin Ledun met en scène — et il le fait plutôt bien — mais ne tient pas vraiment de discours. Il expose, suggère plus qu'il n'impose même si au détour de quelques phrases, plutôt rares, il se fait plus précis, plus incisif :
Le marketing sauvage des vingt dernières années a radicalement changé la donne. Il faut sans doute avoir entre dix et vingt ans aujourd'hui pour le comprendre. Les adultes accrochés au vieux modèle de l'enfance protégée des vices et des vertus du monde contemporain sont les mêmes qui ont inventé l'adolescence et l'enfance pour en faire des niches commerciales.
Cette diatribe tient sur quelques pages seulement, au milieu du récit, mais on sent bien qu'elle le sous-tend. Autour, une intrigue bien ficelée en forme de thriller (un peu envahissant dans la dernière partie), un personnage de flic très sombre, du rythme, et au final, un sentiment mitigé. Marin Ledun tente de marier les genres, c'est certain. Il reste difficile de se prononcer sur la réussite de son ambitieux pari. Sans doute une histoire de bon dosage à trouver…
J'ai lu ce roman il y a quelques mois déjà, et je ne savais sur le coup pas trop quoi écrire à son propos. Aujourd'hui, reprenant mes notes, j'en suis toujours à peu de choses près au même point.
Sans doute le même sentiment que les parents face à leurs enfants…
Quelques pistes à explorer, ou pas...
Sur le sujet de l'adolescence, lire le roman de Natsuo Kirino, Le Vrai Monde, qui viendra efficacement compléter le propos de Marin Ledun.
Les dix premières lignes...
Lundi 7 février – 10:05
Les vies tranchées dans le vif se regardent en chien de faïence. Tournon-sur Rhône, dix ou douze mille habitants, peu importe, et autant de petites histoires qui se croisent et se recroisent depuis des générations. Les gestes suspendus, les corps aux aguets et les volets entrecroisés. Les yeux observent, les cœurs battent et, en dépis du bon sens, les destins continuent de s'accorder sans tenir compte des imperfections et de leur insignifiance. L'ai est anormalement doux, un TGV passe de l'autre côté du Rhône en direction du sud. L'hiver accorde un bref moment de répit, avant que le vent du nord et le brouillard ne reprennent leurs droits sur cette étrange langue de granite, coincée entre le plateau ardéchois et les pentes viticoles de la Drôme tel un goulot d'étranglement (…)
Quatrième de couverture...
Tournon, dix mille habitants, petite ville de la vallée du Rhône recroquevillée sur elle-même et balayée par le souffle glacial du mistral. Immobile, presque éteinte. Jusqu’à ce qu’une série de suicides d’adolescents vienne perturber le fragile équilibre de la cité et libérer les vieux démons qui y sommeillent.
Le lieutenant Alexandre Korvine est dépêché sur place pour enquêter. Plus habitué à traquer les dealers et à pratiquer des autopsies qu’à fouiller les placards et feuilleter les albums de famille, il entame rapidement une descente aux enfers. Trois jours de chasse à l’homme qui voient la ville mourir à petit feu et entraîner ses enfants dans un processus autodestructeur. Trois jours de chaos au cours desquels Korvine, usé, hanté par son propre passé et au bord de l’explosion, se transforme en missionnaire pour tenter de percer le secret qui ronge les parents des suicidés.
Un secret en forme de nature morte, composé de portraits en trompe-l’œil. Mensonges par omission, suspects commis d’office, vidéos compromettantes et étranges résultats d’analyses médicales. Une guerre que Korvine doit mener seul sans jamais céder un pouce de terrain, quitte à se transformer en bombe humaine au service de la vérité. Là où précisément tout se complique…
Sa trombine... et sa bio en lien...
Informations au survol de l'image...