Orphelins de Sang

Patrick Bard

Seuil - Mars 2010

Tags :  Polar social Trafic Journaliste Quidam Années 2000 Entre 250 et 400 pages

Edition originale

Un avis personnel...

Publié le : 30 octobre 2010

2007, Guatemala. Victor Hugo Hueso est une sorte d'apprenti journaliste parmi les pompiers qui couvre leurs interventions en réalisant photos et films destinés aux médias. Et il ne chôme pas. Alors qu'un homme vient d'être abattu devant la caserne — sans doute par les maras, les bandes organisées — un appel l'envoie non loin du périphérique, à proximité du bidonville où une femme vient d'être tuée et une autre grièvement blessée d'une balle dans la tête. Particularité, leur costume traditionnel, et dans les décombres, une peluche d'enfant. Pour le reste, la routine… au point que sur place on a inventé le mot "fémicide". Trois mille cadavres depuis 2000, deux à trois par jour, assassiné pour la simple appartenance au genre féminin.

Au même moment, aux Etats-Unis, Katie et John Mac Cormack, couple aisé mais stérile, vient de se faire refuser une adoption par la Roumanie et se retrouve découragé dans leur désir d'enfant. En cherchant une destination de voyage pour se changer les idées, John tombe sur une annonce Google : « adoptez au Guatemala »…

Patrick Bard connaît bien l'Amérique du Sud qu'il a parcourue et étudiée sous toutes les coutures ; on lui doit notamment le roman La Frontière à travers lequel il traite du sort des centaines de femmes retrouvées mortes du côté de Ciudad Juarez. On retrouve dans ses romans son côté journaliste et son œil de photographe dans le souci qu'il a de montrer en détail le sujet qu'il a choisi.
Ici, nous sommes au Guatemala, pays connu de tous mais dont on ignore le plus souvent l'Histoire. Patrick Bard rappelle que la guerre civile a secoué cette région d'Amérique Centrale trente années durant — le conflit ne se terminant qu'en 1996 — et qu'on ne s'en relève pas indemne. Il montre avec précision le climat de violence qui règne, prenant son temps pour nous faire partager le quotidien de ses personnages, la misère, le dénuement. Il ne fait pas bon vivre au Guatemala ; au fil des pages, c'est une évidence qui se confirme.

Patrick Bard entre alors dans le cœur du sujet : le trafic d'enfant qui s'est organisé dans le pays, en lien avec les puissants Etats-Unis. Tout l'intérêt tient à la mise en perspective historique de cette dramatique situation. Fort d'une connaissance du "terrain" et d'une documentation solide, l'auteur décortique, explique les tenants pour comprendre les aboutissants, comme par exemple les campagnes de viol systématique de femmes Mayas durant le conflit (là où se réfugiaient les rebelles à l'ordre établi), entraînant par le suite les premières ventes de ces enfants haïs, nés de la violence. Là encore, on retrouve le journaliste, son engagement.
Là où le bât blesse, c'est dans le montage, qui paraît un peu surfait et dans le peu de soin apporté à la relecture, ce qui vient gâcher le plaisir :

Pastor venait de héler un jeune enquêteur aux traits asiatiques vêtu d'une chemise blanche à manches courtes. Elmer Hurtado. C'était en tout cas le nom gravé sur la plaque agrafée à la chemise bleu marine.

Alors, blanche ou bleue, la chemise ? Oui, je pinaille… d'accord, mais c'est un peu énervant. D'autant que ça n'est pas le seul exemple. On a droit aussi à la description du métier de John Mac Cormack (qui est dans les assurances) à deux reprises dans le récit, à quelques dizaines de pages d'écart, mais quasiment mot pour mot. Oui, je pinaille…

Le livre est intéressant, indéniablement, le propos sincère, argumenté, documenté, réaliste. Mais tout ça ne suffit pas à la construction d'une intrigue. On a plus affaire ici à un témoignage, certes poignant, instructif, et même dérangeant, qu'à une "réelle" fiction.


Vous avez aimé...

Quelques pistes à explorer, ou pas...

Sur le même sujet, Patrick Bard a réalisé avec Marie-Berthe Ferrer un webreportage qui concentre son attention sur le sort réservé aux femmes du Guatemala.
Pour le mariage réussi de l'intrigue et de l'information, n'hésitez pas à jeter un œil du côté de Jean-Paul Jody avec, par exemple, son dernier opus en date : La Route de Gakona.

Le début...

Les dix premières lignes...

Ciudad de Guatemala, central des pompiers municipaux,
Troisième Avenue et Deuxième Rue A, zone 2. 4 juin 2007.

Victor Hugo Hueso leva la tête vers la pendule dont les secondes trottaient sur le mur vert chiasse du central de pompiers municipaux de Guatemala. Moins le quart. Dans quinze minutes, précis comme une armée de coucous helvétiques, les habitants de « Guate » commenceraient à se tirer dessus. Qui avait dit un jour que le chaos régnait en ce pays ?
Les Guatémaltèques étaient un peuple ordonné, qui s'entre-tuait à heures fixes. La foire aux cadavres ouvrait généralement chaque jour vers 17 heures — l'heure de sortie des bureaux — et bouclait aux alentours de 22 heures en semaine, entre minuit et 1 heure le samedi, fermeture des discothèques oblige (…)


La fin...

Quatrième de couverture...

À Ciudad de Guatemala, l’une des villes les plus violentes du monde, deux jeunes femmes mayas gisent dans la boue d’un terrain vague à côté d’un jouet en peluche. L’une est morte. L’autre a survécu par miracle, mais sa fille de dix mois a disparu. C’est ce qu’elle confie à Victor Hugo Hueso, un officier des pompiers municipaux qui rêve de devenir journaliste. L’apprenti reporter décide alors de mener l’enquête, loin de se douter qu’il met ainsi le doigt dans l’engrenage infernal du négoce le plus florissant de son pays : le vol et le commerce de masse des enfants.
Loin de là, en Californie, Katie et John Mac Cormack, désespérés par leur stérilité, font appel à une association d’adoption express au-dessus de tout soupçon.
Entre les deux extrémités de la chaîne agissent de pitoyables crapules de bidonvilles, d’anciens tortionnaires reconvertis dans la police, des ex-militaires patrons de sociétés de sécurité privée, des avocats sans scrupule. Mais rien ni personne ne saurait arrêter Victor Hugo Hueso, résolu à aller jusqu’au bout pour retrouver la petite Claudia, fût-ce au péril de sa vie et pire, de celle des siens.


L'auteur(e)...

Sa trombine... et sa bio en lien...

Patrick Bard










Edition(s)...

Informations au survol de l'image...

Réédition

Du même auteur...

Bibliographie non exhaustive... Seuls sont indiqués ici les ouvrages chroniqués sur le site.

La Frontière La Quatrième Plaie