La Frontière

Un avis personnel...

Publié le : 13 février 2011

Toni Zambudio, journaliste au grand quotidien espagnol El Diaro, part à Ciudad Juarez pour un reportage sur les découvertes de corps d'ouvrières qui abondent dans la région. Son enquête aux abords de la frontière américano-mexicaine, va l'amener à l'opposé de ce qu'il pensait trouver…

La ville de Ciudad Juarez est mondialement connue pour les centaines de femmes retrouvées mortes et les milliers toujours disparues. Des crimes souvent imputés aux cartels de la drogue, voire à quelques sectes sataniques. Patrick Bard, lui, a décidé de détourner (ou pas puisqu'aucune certitude n'a vraiment été établie sur ces évènements) ce ou ces faits divers pour dénoncer l'exploitation de la main d'œuvre locale par les maquiladoras, ces filiales des grands groupes mondiaux qui produisent pour les consommateurs du monde entier des télés, des fours à micro-ondes et autres objets de la vie courante, sous couvert de l'indifférence des autorités locale et nationale. Les femmes de Juarez sont peu à peu devenues une main d'œuvre jetable, interchangeable, et donc négligeable.
Patrick Bard place sa fiction dans un contexte très proche de la réalité, il suffit de quelques recherches sur Internet pour mettre la main sur de nombreux articles témoignant de cette situation. Une réalité que l'auteur a connue puisqu'il a réalisé quelques années auparavant un ouvrage de photographies sur la frontière américano-mexicaine.
On sent que Patrick Bard veut faire passer son message ou son indignation, en forçant quelquefois trop l'effet dramatique alors que les faits sont déjà éloquents. Son personnage de journaliste espagnol, Toni Zambudio, est à la fois prépondérant à l'histoire et effacé. Prépondérant par ses convictions et son histoire personnelle avec cette ville, et effacé dans son enquête ou plutôt spectateur des événements. Alors que plusieurs personnes essaient de l'orienter vers les vrais enjeux, il reste accroché à sa première théorie plus facile, plus pratique, plus racoleuse. Finalement Zambudio ne représenterait-il pas le Grand Public ?
L'auteur aborde aussi ces petits groupes qui organisent une lutte pour obtenir un meilleur traitement général mais qui se retrouvent confrontés à une violence qui justifie pleinement le terme "guerre économique" et qui, jadis, était employée pour renverser des gouvernements un peu trop rouges.

Reste que le sujet abordé de l'exploitation des femmes mexicaines par les grands groupes industriels est toujours d'actualité. Un sujet qui m'a rappelé le film Fast Food Nation, adapté du livre du même nom de Eric Schlosser, qui traite à peu près de la même chose mais du côté U.S. de cette fameuse frontière.
Bref, n'hésitez pas à enchainer ce livre qui a obtenu le Prix Polar Michel Lebrun en 2002 avec le film, qualifié par le New York Times de « film politique américain le plus important depuis Fahrenheit 9/11 de Michael Moore » ou inversement.

Vous avez aimé...

Quelques pistes à explorer, ou pas...

Vous pouvez déjà aller consulter cette page (un peu datée) qui relate la situation à Ciudad Juarez.
Les autres romans de Patrick Bard sont tout aussi engagés, mais si vous voulez rester sur les terres mexicaines Paco Ignacio Taïbo II est votre homme.