Tchao Pantin

Alain Page

Denoël - Juin 1982

Tags :  Roman noir Polar social Polar urbain Quidam Paris Années 1980 Populaire Moins de 250 pages

Edition originale

Un avis personnel...

Publié le : 21 février 2009

Recommandé C'est l'histoire d'un mec…
Non, de deux mecs.

Lambert n'était pas bavard, il ne l'avait jamais été. Il n'avait aucun commentaire à faire sur le monde. Quant à ses souvenirs, il n'allait pas s'amuser à les évoquer alors qu'il s'employait consciencieusement à leur tordre le coup, à les noyer dans l'alcool.
Bensoussan parlait pour deux. Bensoussan, qui n'avait jamais parlé qu'à ses murs ou à lui-même, Bensoussan parlait enfin à quelqu'un. À quelqu'un qui l'écoutait. Alors il parlait, parlait, le petit métèque, il racontait, évoquait, enjolivait parfois, brodait souvent, se laissant même aller jusqu'à délirer dans certains moments d'euphorie, quand Lambert avait, par exemple, ce bon sourire de l'homme détaché des contingences matérielles. C'est-à-dire, quand il était rétamé.

Lambert est pompiste de nuit. Il profite de chaque service pour noyer son passé dans le mauvais rhum, se faire oublier. Il n'attend plus qu'une chose : que tout ça s'arrête.
Et puis un soir débarque dans sa station un petit jeunot poussant une Mobylette, les flics visiblement au cul : Bensoussan, juif et arabe à la fois. Lambert est suffisamment lent pour que les pandores s'éloignent enfin et Bensoussan prend ça pour un signe. Lui, rejeté par tout le monde (juif et arabe, c'est pas un cadeau…) se prend d'amitié pour ce pompiste solitaire. Un trop-plein à déverser. Il va combler la solitude de Lambert de ses rêves…

Tchao Pantin est une histoire de paumés. De paumés magnifiques. Le premier, Lambert, cherche désespérément à se faire oublier de la vie ; le second, Bensoussan, voudrait qu'elle le reconnaisse enfin. Rien n'aurait dû les attirer l'un vers l'autre, et pourtant, la rencontre a lieu. Le plein comble le vide.
Bensoussan est un habitué des galères, du rejet systématique, alors pour une fois que quelqu'un fait mine de s'intéresser à lui, il en profite. Il raconte. C'est un bricoleur, un tchatcheur de première, petit dealer à ses heures, ambitieux. Une étoile dans le ciel noyé de Lambert.
Mais Bensoussan, c'est aussi un nid à emmerdes. Il les attire. Et quand elles ne viennent pas, il les provoque. Emprunter la moto de Tonio, son "patron", pour éblouir Lola, une jeune punk rencontrée devant le Gibus, à République, ça n'était pas une bonne idée. Perdre ensuite la recette d'une journée de deal dans une rafle foireuse, ça n'était pas une bonne surprise, d'autant plus quand la recette revient au fameux Tonio, un Croate dangereux. Bensoussan le vérifiera à ses dépens…

Alain Page a le style percutant, d'une incroyable fluidité. Il vous embarque dans cette histoire de perdants où naît une amitié fulgurante, urgente, boostée par le désespoir.
Dans un décor parisien du début des années quatre-vingts, avec ses quartiers délabrés en phase de restructuration (les arrondissements du nord-est), ses squats, ses dealers, ses punks :

Surplus de la consommation, oubliés de l'expansion, fœtus (de paille) du libéralisme avancé, purs produits d'une société qui en refusait pudiquement la paternité, ils lui crachaient à la gueule, ile lui pissaient à la raie, ils la conchiaient avec les moyens du bord. Largués sur les rives stériles de la crise, exilés de l'intérieur, prisonniers du néant qu'on bâtissait autour d'eux, ils n'avaient d'autre ressource que de crier leur impuissance, leur désespoir.

il invente deux personnages particulièrement forts. Deux opposés, comme les deux pôles d'un même aimant.
Lorsque l'un disparaîtra — Bensoussan, rattrapé par ses "conneries" — l'autre renaîtra, trouvant là l'occasion d'une rédemption pour un sombre passé, enfoui sous des litres de rhum.

Tchao Pantin se dévore. Il y a une intensité qui traverse les pages et vous empêche de les lâcher. Aventure humaine et contexte social sont au programme. Les personnages, l'environnement, baignent dans le glauque, le ton est au pessimisme, mais au milieu, deux hommes et une étincelle, de quoi faire un brasier… Magnifique.


Vous avez aimé...

Quelques pistes à explorer, ou pas...

Tchao Pantin – Claude Berry (1983)Qui n'a pas vu l'adaptation cinématographique réalisée en 1983 par Claude Berri — dont les dialogues sont signés par Alain Page lui-même — dans laquelle Coluche interprète magistralement un Lambert au bout du rouleau, accompagné de Richard Anconina incarnant un Bensoussan particulièrement volubile ?

Le film, qui a remporté cinq Césars, est fidèle au roman, très proche même. Seule la fin diffère.


Le début...

Les dix premières lignes...

La nuit, c'est le dernier salon où l'on cause. La nuit, on perd son identité, ses origines, ses racines. La nuit, on est tous de la même couleur. Un peu gris, un peu noirs, c'est selon. On flotte entre chien et loup, entre ailleurs et nulle part. C'est exactement là que je me situe (…)


La fin...

Quatrième de couverture...

Quel personnage se cache derrière Lambert, ce pompiste alcoolique qui a sans doute connu des jours meilleurs ? On le croit au bout du rouleau et voici qu'il s'attache à un jeune Nord-Africain aussi paumé que lui. Entre les deux hommes se crée une amitié douloureuse, profonde, qui va petre éprouvée de façon atroce…
Merveilleusement écrit, Tchao Pantin nous promène dans l'univers des punks et dans celui, autrement redoutable, des pourvoyeurs de drogue. C'est un livre dur, violent, sans complaisance, qui a toutes les qualités d'un excellent thriller. Et celles d'un grand roman.


L'auteur(e)...

Sa trombine... et sa bio en lien...

Alain Page










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