Remington

Joseph Incardona

Fayard - Septembre 2008

Tags :  Roman noir Polamour Psychologie Quidam Années 2000 Entre 250 et 400 pages

Edition originale

Un avis personnel...

Publié le : 05 novembre 2008

Recommandé Matteo Grecco est comme un chômeur en puissance qui survit grâce à quelques missions de vigiles ou d'auxiliaire de sécurité que lui propose madame Grangier, directrice de Fixe Gardiennage, et qui lui permettent tant bien que mal de toucher quelques allocations.
Pourtant, Matteo n'est pas un "imbécile". Il a même en poche un master de cinéma, une de ses grandes passions, mais ça n'est malheureusement pas avec lui qu'il remplira sa gamelle… Passionné, Matteo l'est également par la boxe, qu'il pratique en amateur, et par l'écriture. Il collecte les entrefilets des pages faits divers des quotidiens qui lui apportent la matière à l'écriture de nouvelles :

Le plus difficile, c'est de relier les choses entre elles et puis de les raconter à sa façon. Sans doute que c'est ça, devenir Scorsese.

Matteo, homme discret, timide, participe même à un atelier d'écriture. C'est d'ailleurs là qu'il fait la connaissance d'Elsa, jeune femme aussi épanouie que lui est renfermé. Attirés, ils échangent autour de l'écriture, se prêtent des romans "importants" à leurs yeux et engagent une relation amoureuse. Pour Matteo, Elsa fait office de déclencheur ; il se retrouve bientôt avec un début de roman en gestation…

Avec Remington, Joseph Incardona nous fait pénétrer le quotidien d'un apprenti écrivain amateur de polar, parcourant à ses côtés les chemins de la création, parfois encombrés d'obstacles.
Matteo vit de passions. Sont talent ne demande qu'à éclore, qu'à s'extirper de cette petite vie étriquée dans laquelle il végète. Elsa sera un catalyseur… Mais l'amour ne fait pas bon ménage avec l'ambition, et la belle finira par aspirer la sève créatrice de son amant avant de le rejeter.

— Bordel, ça fait trois ans que je rame sur ce manuscrit. J'en ai ma claque de servie des couillons qui se biturent au champagne. J'en ai assez de ma petite vie de smicarde. J'ai envie d'autre chose. Je veux sortie la tête du trou, Matteo, tu comprends ça ? Je rêve peut-être, mais ce roman y contribuera d'une façon ou d'une autre. J'aurai au moins fait autre chose dans cette vie que des boulots merdiques et mal payés. Je suis comme tout le monde, je veux m'en sortir. L'écriture, c'est l'art des pauvres, des connes comme moi qui n'ont pas fréquenté les Beaux-arts ou le Conservatoire. Tout le monde cherche le coup gagnant, et tant pis pour la solidarité. J'espère ne pas en arriver là, mais que ce soit bien clair, Matteo : si je dois coucher, je le ferai. Et, tant qu'à faire, j'essaierai même d'y trouver du plaisir.

Matteo aime cette femme, il lui donne ce qu'il a de meilleur — son talent — en participant en cachette à la réécriture de son manuscrit.

Elsa occupait tout la place dans ma tête, je la désirais tout le temps avec moi. Son impertinence me fascinait, rien ne l'effrayait jamais. Sa couleur était le rouge, à côté d'elle, j'avais l'impression de me situer dans un bleu délavé.

L'amour était là et, un instant, j'ai pensé que c'était pire qu'avant, quand il y avait moins à souffrir.

Elsa donnait corps à des idées de fuite ruminées en secret, déstabilisait mon quotidien, mes habitudes. Elle bouleversait la routine et je me demandais si l'amour d'une femme n'était pas un miroir indispensable pour donner le meilleur de soi-même.

Joseph Incardona a sans doute cette même passion que Matteo chevillée au corps, celle qui lui fait dire :

J'étais en peignoir sur ma chaise longue avec Paris à mes pieds, mais cela ne me suffisait pas. J'aurais préféré obtenir tout cela grâce à mon roman. Ce n'était pas la perspective de la gloire qui m'y faisait soudain penser, mais plutôt l'idée que l'on puisse obtenir quelque chose de concret à partir de son imagination. Il n'y a rien, et puis la phrase existe. Avec cette phrase, vous achetez un objet, une voiture de collection à laquelle vous rêviez quand vous étiez gosse. Je ne voyais pas meilleure façon de gagner sa vie.

Il a aussi et surtout le même talent…
D'une écriture extrêmement fluide, simple et efficace, d'un style dépouillé qui bannit les adverbes, trie les adjectifs, par des phrases courtes, sèches, sans fioritures, il dresse un portrait d'une grande précision. Les affres de l'écriture sont passées au crible, mais aussi la fonction de cet art magique, ce qu'il apporte, ce qu'il donne, ce qu'il prend…
Remington est un roman sans véritable intrigue. Joseph Incardona ne joue pas sur la surprise ou les rebondissements, il déroule avec maestria l'histoire de Matteo, qu'on devine comme une sorte de double, et c'est amplement suffisant pour en faire un excellent roman, collant au plus près de la réalité.


Vous avez aimé...

Quelques pistes à explorer, ou pas...

Joseph Incardona est également l'auteur de deux précédents romans mettant en scène une sorte d'alter ego, André Pastrella, et tous deux parus chez Delphine Montalant : Banana Spleen (2006) et Le Cul entre Deux Chaises (2002).

Le début...

Les dix premières lignes...

Le numéro s'est inscrit sur l'afficheur numérique. J'ai posé le ticket sur le comptoir de l'accueil et j'ai attendu. L'employé est revenu s'asseoir derrière le guichet. Les coutures de sa chemise contenaient tant bien que mal une musculature forgée à la fonte et aux protéines. Les motifs à rayures s'étiraient sur ses pectoraux, son cou disparaissait sous des trapèzes surdimensionnés. Il a vérifié que mon numéro correspondait bien au « 007 », avant de la déposer dans une boîte avec les autres.
— Bond. James Bond, j'ai dit en plaisantant (…)


La fin...

Quatrième de couverture...

REMINGTON, Philo : industriel américain resté célèbre pour ses carabines à chargement par la culasse et ses machines à écrire fabriquées, pour la première fois, en série.

À coups de poings déterminés, les doigts pleins d’encre, le doux Matteo Greco est résolu à ne pas se laisser prendre au piège de la médiocrité. Chômeur un jour sur deux, écrivain, vigile et boxeur le reste du temps, il a confiance : il a du talent.
Un soir, à l’atelier d’écriture, il rencontre celle avec qui il veut tracer la route : Elsa, une femme un peu sauvage, orgueilleuse et extravertie, aussi déterminée que lui. Elle le fascine, il en tombe éperdument amoureux.
Hélas, il a perdu de vue l’essentiel : il faut être deux pour aimer. Quand le roman d’Elsa, à la réécriture duquel il a consacré tant d’heures, paraît avec succès sans même qu’il en ait été informé, quelque chose casse. Elsa l’a trompé, Elsa l’a trahi. Elle lui a tout pris, tout volé.
Alors Matteo retourne à son entraînement. Pour sortir de sa petite vie minable, cette fois les doigts couverts de sang.


L'auteur(e)...

Sa trombine... et sa bio en lien...

Joseph Incardona










Edition(s)...

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Réédition

Du même auteur...

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