Perruques et Talons Hauts

Un avis personnel...

Publié le : 05 novembre 2008

Davey Green, un flic de Manchester, débarque à Londres à la recherche d'un certain Jake Powell qu'il retrouve comme gérant d'un casino. Seize ans que ces deux-là ne se sont pas vus. En fait, Powell a été, durant sa jeunesse, une sorte d'indic' pour Green, et ce dernier cherche son aide pour une enquête liée à la mort d'une de leurs anciennes connaissances communes, Kevin Doherty. Il semble bien que son assassinat soit lié au passé.
Powell se fait forcer la main et accompagne Davey Green jusqu'à Manchester, théâtre de sa jeunesse mouvementée…

Nicholas Blincoe met en scène un environnement qu'il connaît bien puisqu'il a lui-même grandi dans les quartiers nord de Manchester.
Par une narration alternée — à quinze ans d'écart — il éclaire une certaine réalité. Nous sommes au début des années quatre-vingt et la ville connaît une vague d'homosexualité masculine sans précédent. Jake Powell fait partie de cette jeunesse désœuvrée qui a choisi la fête et les drogues diverses et variées pour oublier le marasme économique et la solitude dans laquelle ils baignent. La prostitution est le moyen de subvenir à ses besoins.
Jack fait partie d'une bande de quatre qui partagent le même appartement, payant le loyer alternativement grâce aux aides sociales.

Dans une ambiance particulièrement glauque, Nicholas Blincoe décrit avec précision le quotidien des quatre "amis", le chacun-pour-soi qui prévaut à leurs relations, leur individualisme forcené, leur fuite en avant… Il montre une réalité sociale, mais aussi comment cette même réalité est niée par les autorités, masquée, oblitérée :

La ligne officielle du chef de la police, c'était qu'il n'y avait pas de tantouzes à Manchester. S'ils surprenaient Donnelly penché au-dessus d'un capot de voiture avec un mécanicien enfoncé dans son cul, ils espéraient que le type avait une clé à molette sur lui pour pouvoir inculper Donnelly de port d'arme illégal.

Quinze années ont passé… Le rapport social entre le flic tout puissant et son ancien indic' s'est inversé ; le sida est passé par là ; beaucoup sont morts…
Nicholas Blincoe s'attache à ses personnages, peu nombreux. Le passé éclaire le présent, et l'enquête rappelle de biens mauvais souvenir.
Perruques et Talons Hauts est aussi un constat accablant des ravages du puritanisme à l'anglo-saxonne qui préfère se voiler les yeux plutôt que regarder la réalité en face, surtout quand celle-ci est trop dérangeante.
Si l'homosexualité de toute une jeunesse est niée, c'est aussi pour cacher les attirances morbides de certains responsables chargés de lui venir en aide ; pour oublier toutes ces affaires de pédophilie ; les trafics de films pornos à la limite du snuff-movie.

Plus attaché aux personnages et à leur environnement qu'à l'intrigue policière proprement dite, qui est parfois un peu délaissée, un roman qui se révèle extrêmement sombre, montrant avec un grand réalisme des vies gâchées à tout jamais.
Âmes sensibles, s'abstenir.

Vous avez aimé...

Quelques pistes à explorer, ou pas...

Nicholas Blincoe, qui a reçu pour Perruques et Talons Hauts The Crime Writer's Association Macallan Silver Dagger, est également l'auteur de deux autres romans teintés d'un peu plus d'humour et dont les intrigues se déroulent de même à Manchester : Acid Queen (1998) et Une Simple Question d'Excédent de Blé (2000).