Sombre Sentier

Dominique Manotti

Seuil Policiers - Mai 1995

Tags :  Roman d'enquête Polar politique Trafic Drogue Flic Paris Années 1980 Entre 250 et 400 pages

Edition originale

Un avis personnel...

Publié le : 18 juin 2008

À Paris, dans le Xème arrondissement, deux événements concomitants font l'ouverture de ce premier roman de Dominique Manotti : d'une part la découverte dans un atelier du quartier du Sentier du corps nu d'une jeune fille thaïlandaise étranglée ; d'autre part une des premières manifestations en faveur de la régularisation des travailleurs sans papier du même quartier où de nombreux turcs œuvrent dans la clandestinité. À la tête du mouvement, un certain Souleiman.
Le lien entre ces deux événements se fait à travers le commissaire Daquin, de la brigade des stupéfiants. Il est à la recherche d'une éventuelle filière turque en matière de trafic d'héroïne. En effet, nous sommes à l'aube des années quatre-vingt et depuis que le shah a quitté l'Iran — laissant la place aux ayatollahs — ou depuis que l'URSS a envahi l'Afghanistan, la drogue est en passe de devenir, comme en Amérique du Sud, le nerf de la guerre et d'apporter aux "belligérants" un afflux de devises leur permettant d'assurer leur approvisionnement en armes. Sur le chemin qui mène à l'Europe, la Turquie, avec ses filières déjà organisées pour d'autres trafics, est en première ligne. Le problème rencontré par les polices européennes tient aussi à la pureté du produit final arrivant sur le marché qui entraîne une recrudescence d'overdoses. Allerté par ses collègues allemands — des liens privilégiés existent entre ce pays et la Turquie — Daquin est aux aguets.
Soleinman, le syndicaliste, est aussi son indic. Ce militant recherché par l'extrême droite turque pour l'assassinat d'un des leurs s'est fait piéger. Et puis dans l'atelier clandestin où l'on a découvert le corps de la jeune thaï, une perquisition a mis à jour quelques traces d'héroïne…

Dominique Manotti fait dans l'hyper réalisme avec Sombre Sentier. On est plongé d'emblée dans la "cuisine" des flics de la brigade des stups, et on ne va plus la quitter. Cependant, comme le commissaire Daquin et son équipe, on avance sans savoir où on va ni ce qu'on va pouvoir trouver dans les méandres sinueux de cette enquête tentaculaire.
Le quartier du Sentier qui est au cœur de l'intrigue laisse apparaître diverse activités plus ou moins illicites. Les ateliers clandestins de confection seront évoqués, leurs mécanismes de productions, de contrefaçon, ceux qui y travaillent, la communauté turque ; mais la dissection opérée par l'auteur révélera également un volet prostitution, pédophilie, pornographie ; sans oublier celui concernant le trafic de drogue et indirectement les intérêts économiques inavouables de quelques sociétés sans scrupules.
Par une narration extrêmement technique qui instaure une sorte de distance par rapport aux événements, aux personnages — on a du mal à entrer en empathie avec l'un ou l'autre — ; par une écriture sèche, presque scandée :

Il fait nuit. Soleiman marche vite, avenue Jean Moulin, s'engouffre sous un porche, entre dans la villa des Artistes, en grommelant. Troisième pavillon à droite, dans un fouillis de verdure, la grande verrière d'un atelier, des tores blancs, c'est éclairé derrière. Une lampe extérieure est allumée au-dessus de la porte d'entrée. Il sonne deux fois, pousse la porte, entre et ferme à clef derrière lui. Grand espace, des spots un peu partout, du cuir, du bois, une mezzanine dans la pénombre.

Dominique Manotti montre avec précisions les imbrications, la complexité des accointances, des intérêts, des compromissions, où se retrouvent mêlés le trafic de drogue, le proxénétisme, la politique étrangère, les affaires, et où le simple meurtre d'une jeune prostituée thaïlandaise révèle que mafia, police, personnel politique, industriels, banquiers, pratiquent des métiers pas toujours très reluisants.
L'auteur décortique si bien son sujet, l'assortit d'une documentation si fournie — sans jamais être pesante — qu'on finit par douter du côté "fiction" du roman.
Sombre Sentier est un premier roman qui installe d'emblée son auteur en bonne place dans la paysage polardier français. On y retrouve comme une sorte d'engagement citoyen qui cherche à mettre en lumière certaines facettes de notre société sans jamais pour autant délaisser la qualité apportée à la construction de la psychologie de ses personnages. Le "couple" Daquin / Soleiman est à ce titre une réussite.

Ah… Une dernière chose… Une "clef" qui n'a ouvert dans mon esprit embrumé aucune porte : les noms de certains personnages. Daquin est associé à un duo de policiers provenant de la Criminelle : les inspecteurs Thomas et Santoni. Donc, si on lit bien, ça donne Santoni / Thomas / Daquin (Saint-Thomas d'Aquin). Mais je n'ai toujours pas trouvé pourquoi…
Si quelqu'un a une idée, je suis preneur, parce que sur ce coup-là je ne crois pas trop au hasard…


Vous avez aimé...

Quelques pistes à explorer, ou pas...

Sombre Sentier a obtenu en 1995 le prix Sang d'Encre du meilleur roman policier de l'année.

Le début...

Les dix premières lignes...

Libération, 15 janvier 1980 :
« L'héroïne arrive maintenant d'Iran, du Pakistan, et d'Afghanistan. L'année dernière, la récolte iranienne a produit 1500 tonnes d'opium brut. Opium raffiné dans ces pays, et surtout en Turquie, puis transporté par route vers l'Europe occidentale. Mais attention, cette héroïne, à la différence de la production mexicaine, est pure à 20% (au lieu de 3,5%). En Allemagne, il y a eu 600 overdoses en 1979, à cause de cette nouvelle héroïne. »


La fin...

Quatrième de couverture...

Un jour de printemps 1980, une jeune Thaï est trouvée morte dans un atelier de confection du Sentier. Banale histoire de prostitution ? Pas tout à fait. Le décor va se préciser : un club vidéo pour le moins spécial, des députés, des diplomates, des hauts fonctionnaires, des banquiers, certains mêlés, entre autres choses, à un vaste trafic d"héroïne en provenance d'Iran via la Turquie… Dans un Sentier secoué par les manifestations et les grèves de milliers de clandestins qui réclament leur régularisation, le commissaire Daquin peut compter sur son bel indic, avec qui il a plus que des relations d'affaires…
Et le nettoyage commence.


L'auteur(e)...

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Dominique Manotti










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