L'Auberge de l'Alpiniste Mort

Un avis personnel...

Publié le : 07 février 2008

Peter Glebski est inspecteur de police, marié, père de famille. Sur les recommandations d’un collègue, en vacances, il se rend dans les montagnes proches de Mursbruck, à l’auberge de l’alpiniste mort. Il compte y séjourner deux semaines ; temps de tranquillité et de repos.
C’est omettre dans son calcul les autres pensionnaires de l’auberge : les Moses un étrange couple dont le mari ne quitte jamais sa chopine ; Barnstokr, prestidigitateur célèbre accompagné d’un adolescent, son pupille, de sexe indéterminé ; Simon Simonet, physicien en vacances qui en profite pour escalader murs et rochers et partir dans des rires incontrôlables. C’était sans compter avec l’alpiniste mort et les farces qu’il joue à tous ces personnages — vol de chaussons, douche fantôme… Il ne s’agit pas là du séjour attendu par Glebski. Il se console toutefois en admirant la femme de Moses, en cherchant à percer l’identité sexuelle du jeune Brunn, en profitant de la table et de la cave d’Alek Snevar, l’aubergiste.
C’était sans s’attendre aux événements qui surviennent une nuit. La découverte d’un des pensionnaires, Olaf Andvaravors, étendu sur le sol de sa chambre, porte fermée de l’intérieur, le cou à cent quatre vingt degrés, visiblement sans vie. La découverte d’Heenkus, ligoté dans la chambre-musée de l’alpiniste mort. L’arrivée inattendue d’un inconnu, manchot, ayant échappé à une avalanche, gelé. Une avalanche qui isole l’auberge du reste de la vallée, et les pensionnaires du reste du monde.

À partir de ces événements, Glebski mène l’enquête. Spécialiste des fraudes, des falsifications de monnaie et de billets de loterie, il se débat maladroitement dans ce qui constitue sa toute première enquête criminelle. Sans attendre le matin, il interroge chacun des habitants de l’auberge — permanents et pensionnaires — enferme la valise de la victime — recelant une étrange machine — dans le coffre-fort de l’hôtel, commence une collection de clefs…

L’Auberge de l’Alpiniste Mort est un "who do it" de facture classique, de la galerie de personnages loufoques à l’isolement des protagonistes du roman. Le domaine de prédilection de Boris et Arkadi Strougatski est plutôt une science-fiction paranoïaque interrogeant sur l’altérité et la responsabilité que donne l’évolution. Ce court roman orienté policier de facture classique "agathachristienne" est donc déconcertant sous leur plume. L’aspect science-fictif n’apparaît que tardivement après un long égarement du côté des allusions fantastiques. Autre rupture, le détective sensé résoudre l’énigme n’a pas l’expérience de Miss Marple, d’Hercule Poirot et consorts.

Au moment de la conversation, j’eus soudain une vision objective de la situation : moi, policier expérimenté et sérieux, j’étais dans une salle de billard, les fesses sur ma chaise, et sans la moindre envie de m’esclaffer ou de hausser les épaules j’étais en train de discuter avec un bandit fou à lier, et d’analyser une suite incroyable d’histoires délirantes où entraient en scène loups-garous, enchanteurs et sorciers. Accablé de honte, je me tournai vers Simonet et m’aperçus que le savant avait disparu. Le patron avait pris sa place. Il s’appuyait au chambranle de la porte, sa winchester calée aux creux du bras.

Une curiosité dans la bibliographie des frères Strougatski, le roman se rattache à leurs autres œuvres par la noire et désespérée humanité des personnages et la réflexion sur la réalité. Une curiosité pour le genre policier, comment expliquer un meurtre dans un lieu clos, de façon science-fictive.

La conscience humaine ne vit pas que de lois et de règlements.

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