Lune d'Écarlate

Rolo Diez

Gallimard / La Noire - Février 1999 - Traduction (espagnol) : Alexandra Carrasco

Tags :  Roman noir Polar social Polar urbain Crime organisé Psychologie Quidam Amérique du Sud Années 1990 Poétique Entre 250 et 400 pages

Edition originale

Un avis personnel...

Publié le : 14 juin 2007

Recommandé À l'origine, il y a Concepcion, excellente fille, excellente épouse, excellente mère. Du moins selon ses critères à elle.
Il y a aussi Juan, le boulanger médiocre, pas foutu de faire prospérer une entreprise, mais qui ne craint personne en paroles.
Et puis vient Scarlett. La petite fille chouchoutée, adorée, décorée, par sa mère. Un vrai sapin de Noël la gamine. Une future princesse, pensez donc.

Elevée comme dans Alice au Pays des Merveilles, promise à un avenir radieux, éduquée comme si elle était une plante à part dans la saleté du monde environnant, Scarlett a tout ce qu'il faut pour prendre des baffes dans la vie. Elle est trop loin du monde, inapte à la réalité.
Et dans un pays comme le Mexique, où la pollution rivalise avec les flics et les gangsters pour lutter contre la surpopulation, il vaut mieux avoir les pieds sur terre. Histoire de pouvoir se mettre à courir quand il en est encore temps.

De l'autre côté, sans que l'on sache trop ce qu'il fout là pendant un certain nombre de pages, il y a Julio César. Un jeune paumé, délinquant, mini-gangster, qui gère les problèmes avec une technique bien à lui : d'abord régler le problème actuel, gérer les conséquences plus tard. Ce qui l'amène, sous diverses menaces, à faire tout un tas d'aveux et d'alliances malencontreuses.

Et autour d'eux, gravitent tout un tas de gens, les gangsters de la bande à Julio, les amants de Scarlett, les copines de Concepcion, la boulangère-caissière qui travaille avec Juan ; et puis des ivrognes, des vieilles putes qui sentent mauvais, des écrivains ratés etc...

Le monde que décrit Rolo Diez est envoûtant et inquiétant. Il a une saveur de pourriture sucrée, quelque chose d'alléchant, presque excitant, et puis l'instant d'après repoussant.
On devine plus que l'auteur ne décrit les saloperies qui peuplent ce Mexique des années quatre-vingt-dix, la misère, la criminalité, l'air dégueulasse de pollution, si dégueulasse que tous les seuils ont été éclatés, y compris celui au-dessus duquel on est censé mourir.
Parce que, comme il le fait dire à un de ses personnages, l'écriture ne peut pas retranscrire ne serait-ce que dix pour cent de cette réalité-là.

Alors Rolo Diez s'amuse et poétise. Il développe la psychologie de ses personnages, il les arme un peu plus pour les envoyer, eux, se débrouiller avec le monde comme il est. Il les peint avec tendresse mais sans pitié, insistant sur leurs traits les plus charmants mais aussi les plus absurdes.

Lune d'Écarlate est un roman somptueux. Du genre qui marque une vie de lecteur, qui vous laisse des images plein la tête.
C'est à lire. Ab-so-lu-ment.


Vous avez aimé...

Quelques pistes à explorer, ou pas...

Pour une construction de récit un peu similaire, vous pouvez essayer 42km de Compassion, de Francesco Gonzalez Ledesma.
Pour le côté loufoque et sud-américain, vous pouvez voir du côté de Cosmix Banditos, par A.C. Weisbecker, ou encore À Quatre Mains, de Paco Ignacio Taïbo II.
Et pour la lune, Pleine Lune, d'Antonio Munoz Molina.

Le début...

Les dix premières lignes...

Devant la Volkswagen cerise, sur la route de l'Amitié, la nuit se pare d'une immense lune jaune. Les arbres tiennent fièrement tête à la pollution et aux gaz d'échappement, avec l'énergie qu'on peut attendre d'une nature agressée, ayant décidé de livrer bataille avant de céder ce qui lui reste de vie, ce qu'elle peut encore sauver.
La femme aperçoit au loin des phares qui transpercent la nuit et elle se dit qu'il n'y a pas de maisons, que personne n'habite à cet endroit où chaque soir elle ne voit que de l'ombre. Elle trouve bizarre que des phares surgissent sur cette butte et s'emparent du morceau d'obscurité qui a toujours été là (...)


La fin...

Quatrième de couverture...

Dans son deux-pièces en plein cœur de Mexico, Scarlett est fin prête à devenir princesse. Dès le berceau, sa mère s'est brûlé les yeux à lui lire les chroniques mondaines et à lui confectionner des robes à la hauteur de ses ambitions. Mais le prince charmant tarde à se déclarer. En l'attendant, Scarlett est bien obligée de travailler et d'user de ses charmes pour arrondir ses fins de mois.
De son côté, poursuivi par la malchance, Julio César brûle ses amis sous les ponts, erre de prison en prison, écoute les délires d'ivrogne d'un émule de Bukowski, partage sa vie avec une clocharde, quand il ne travaille pas pour la police ou ne pousse pas les gamins sous les roues des camions dans son rôle de défenseur de la loi.
Que l'on poursuive un rêve absurde ou que l'on dérive de hasards en crimes, on est fichu si on ne sait pas déchiffrer les messages de la lune, une lune ensanglantée par les exactions d'une bande de flics aussi sadiques que pervers.
Rolo Diez, l'ancien militant, a un talent formidable pour pointer la brutalité du dieu Libéralisme. Sa condition d'exilé lui a appris à déporter son regard pour mieux voir. Dans la plus pure tradition de la tragédie grecque, Lune d'Écarlate offre un tableau particulièrement lucide du Mexique des années quatre-vingt-dix. Rolo Diez confirme dans ce septième roman son art de concilier noirceur et humanisme.


L'auteur(e)...

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