Christian Bourgois - Mars 2004 - Traduction (anglais) : Jean Guiloineau
Publié le : 1er mars 2006
Michael Collins a le don pour donner chair à ses personnages et les rendre humains. Même les plus pourris, les plus salauds nous tirent un peu de compassion. Ils sont grotesques, se débattent dans des plans souvent foireux qui finissent par se retourner contre eux. C'est encore une fois le miroir tendu à la société américaine qu'il nous est permis de voir. Mais ça pourrait se passer aussi bien sous nos latitudes. Nous ne sommes pas avares non plus en lâcheté et en hypocrisie. On pourrait croire même que c'est le ciment de nos sociétés modernes.
Nous sommes à quelques jours d'un quart de finale de football américain. C'est la première fois que cette petite ville de rien du tout atteint ce niveau, avec un bel espoir de l'emporter. C'est la première fois qu'elle se retrouve propulsée sous les projecteurs. Ce qui veut dire gros retour sur investissement. La presse va débarquer, suivie des touristes, suivis des entreprises. L'argent copine avec la notoriété, et bientôt coulera à flots.
Problème, une fillette écrasée sous une voiture, et le joueur vedette de l'équipe, un étudiant, serait le responsable. On demande au flic le plus con de la ville, telle est sa réputation, de mener l'enquête et surtout de l'étouffer. On lui fait comprendre que des intérêts supérieurs priment sur la vérité. On lui promet de l'avancement. Mais le tort de sa hiérarchie est de lui avoir suggéré ce qu'il devait faire à mots couverts. Comme il est con, il comprend de travers et va consciencieusement mener son travail d'enquête, malgré les menaces qui passent au-dessus de son entendement, et les emmerdements qu'on lui faits et qu'il est bien en mal d'associer à sa mission.
Autres morts suspects, révélations, coups tordus, rebondissements, notre héros policier ne lâche pas son os. Il ira jusqu'au bout. Jusqu'à faire dégringoler tout le monde autour de lui. Mais, cette homme simple, cache son désespoir par le travail. Sa femme l'a quitté, avec leur petit garçon, et il n'est autorisé à le voir qu'à de trop rares moments.
Si l'ironie fait mouche ici, comme dans les autres romans de Michael Collins, elle n'est jamais mordante. La méchanceté n'est pas la matière première de ses fictions, qui ressemblent comme deux gouttes d'eau à nos existences. Son matériau de base serait plutôt la lucidité.
Quelques pistes à explorer, ou pas...
D'autres livres de Michael Collins, tous en Points Seuil, La Filière Émeraude, Les Gardiens de la Vérité, ou Les Profanateurs, les deux derniers aussi bons que celui-ci.
Les dix premières lignes...
Il était plus de minuit quand je suis rentré chez moi, la nuit d'Halloween. La lumière des phares a balayé la cour. On avait décoré la maison avec du papier-toilette. Je suis descendu de voiture et j'ai vu que les gosses avaient décoloré la pelouse pour écrire le mort PORC. L'air sentait le détergent chimique. J'en avais l'habitude. En tant que représentant de l'ordre dans la ville, j'étais la cible des farces, des jeux d'initiation des adolescents, de leurs premiers actes de révolte. Je m'entendais bien avec les gens, surtout depuis mon divorce. Quand ma voiture n'était pas là les gosses savaient qu'il n'y avait personne chez moi, à part mon chien Max (...).
Quatrième de couverture...
Le soir d'Halloween, le corps d'une petite fille est retrouvé, heurté par une voiture qui n'a laissé que des traces de pneus dans un tas de feuilles mortes. Stupeur et malédiction s'abattent sur cette petite ville du Middle West qui, grâce à son équipe de football, allait enfin sortir de sa torpeur. Si le joueur vedette de l'équipe est impliqué dans ce meurtre, la ville n'a plus d'avenir.
Michael Collins est né en Irlande et c'est peut-être ce qui lui donne un point de vue si étrangement lucide sur la vie américaine. Il décrit ses exagérations et ses absurdités avec un style froid et précis, brillant. Cette maîtrise du style, du temps et du lieu donne aux Âmes Perdues une vitalité curieuse et envoûtante.
Sa trombine... et sa bio en lien...
Informations au survol de l'image...