L'Eté de Cristal

Un avis personnel...

Publié le : 03 avril 2007

En 1936 à Berlin, alors que le nazisme envahit progressivement l'Allemagne, le détective privé Bernie Gunther est chargé par un gros industriel de retrouver des bijoux d'une très grande valeur.
Ces bijoux ont disparu du coffre de sa fille, après l'assassinat de cette dernière aux côtés de son mari.

Dans la lignée des détectives désabusés façon Philip Marlowe, témoins d'un monde en décrépitude, Bernie se lance dans l'enquête. Et c'est surtout pour lui, et pour le lecteur, l'occasion d'une triste exploration dans l'Allemagne nazie d'avant-guerre. Le tableau est sombre : juifs en fuite, qui alimentent un trafic de faux papiers et richesses en tous genres pour financer leur départ ; allemands qui adhèrent massivement au parti nazi par conviction ou pour protéger leurs arrières ; délation ; saccages de synagogues et de magasins tenus par des juifs ; propagande antisémite à grands renforts de caricatures limite pornographiques ; nationalisme ; peur etc...

L'intrigue policière est un prétexte à dresser ce tableau humain et politique. Mais elle n'est pas bâclée pour autant et propose un fil conducteur cohérent tout au long de la lecture. Centrée sur le détective, elle permet aussi une plongée fictive dans l'esprit d'un allemand de l'époque, un quidam comme les autres, ni héros ni brute indifférente, juste un homme qui essaie de faire son chemin et de rester en vie dans un contexte terrifiant.

L'Été de Cristal, comme les deux autres romans de la trilogie berlinoise (La Pâle Figure et Un Requiem Allemand), est très proche de la tradition du polar hard boiled américain, dans lequel un homme est en prise avec un monde bancal, essayant de sauver quelques miettes de dignité et d'honnêteté alors que tout le reste s'effondre, inexorablement.
Cette sensation de "fatalité" ou "inévitabilité" est d'autant plus forte dans ce roman qu'il se situe dans un contexte historique, dont on sait à quoi il a abouti. En lisant, on ne peut donc avoir aucun espoir, on ne peut qu'entrer dans cet univers oppressant et suivre, impuissant, les pérégrinations du personnage principal.

C'est une des grandes forces de ce roman, en plus de la description imaginaire d'une époque et d'un pays qui ont marqué la mémoire collective, de proposer au lecteur cette expérience de lecture sans illusion, sans espoir.
Philip Kerr explore ainsi à l'extrême de ce que peut être le roman noir, en le situant dans un contexte totalement en phase avec les grandes lignes du genre : oppression de l'humain par le monde environnant, et impuissance totale.

Vous avez aimé...

Quelques pistes à explorer, ou pas...

Si vous avez aimé L'Été de Cristal, poursuivez sans hésitation la trilogie berlinoise, avec La Pâle Figure, et Un Requiem Allemand.