Actes Sud - Novembre 2003 - Traduction (espagnol) : Marianne Millon
Tags : Roman noir Polar fantastique Quidam Futuriste Littéraire Plus de 400 pages
Publié le : 31 mai 2006
Dans un monde où les peintures sont désormais des êtres humains, totalement
assujettis à la volonté de l'artiste, qui les contorsionne et les
façonne à sa guise, un tableau est détruit. En langage humain, une
adolescente est assassinée sauvagement. Mais dans ce monde-là, une
adolescente au service de l'art est un tableau, point barre.
Le tableau en question, intitulé Défloration, est une des plus belles œuvres du maître incontesté d'art hyperdramatique Bruno van Tysch.
La fondation Van Tysch entreprend donc, en marge de la police, de
découvrir qui a supprimé l'un des fleurons du patrimoine artistique
mondial. Et accessoirement, une potentielle et gigantesque source de
revenus.
Puisque les tableaux se vendent, comme toujours, et ceux du maître se vendent très cher.
En parallèle, Clara, une modèle, rêve d'être peinte par le maître.
Elle est un jour contactée par une agence qui apprête les "toiles", laquelle
refuse de lui révéler quel est l'artiste qui veut travailler sur elle.
Clara se lance dans l'aventure, à l'aveuglette, éprise depuis toujours de danger et d'inconnu.
Ce long et dense roman est surtout l'occasion pour l'auteur, au-delà d'une
trame criminelle, de décrire un monde, celui qu'il imagine, à la
manière des auteurs de science-fiction qui décrivent un univers complet
avec ses règles et ses personnages dominants, mais aussi celui qui est.
Les dérives de ce monde-là ne sont que les dérives du notre, les
discussions sur la valeur d'un être humain, sur l'art, la soumission
sont autant de questions posées et de portes ouvertes.
Admirablement écrit, avec un souci du détail et de la cohérence omniprésent, ce roman tisse une longue toile, prenante, englobante. On entre totalement dans
ce monde de pénombre et de clairs-obscurs, où tisser une toile revient
à façonner le matériau humain, émotionnellement, pour lui faire rendre
une expression, un éclat dans l'œil, qu'il tiendra, immobile, pendant
des heures, exposé au regard des spectateurs.
Les modèles expérimentent l'immobilité absolue, comme une forme de transe.
Elles s'offrent totalement et sans pudeur, au service de l'art.
C'est beau, presque envoûtant. C'est un de ces romans qui marquent parce
qu'ils sont complets, sans pour autant asséner de vérité. Ondulation,
mouvement, questionnement, sont partout.
Superbe. À lire absolument.
Quelques pistes à explorer, ou pas...
Le Parfum de Patrick Süskind. Pour le côté sensoriel omniprésent, et l'entremêlement de l'humain et de l'artistique.
Les dix premières lignes...
L'adolescente est nue sur un podium. Le ventre lisse et l'ellipse sombre du nombril se trouvent à la hauteur de notre regard. Elle a le visage incliné, les
yeux baissés, une main devant le pubis, l'autre sur la hanche, les
genoux rapprochés et légèrement fléchis. Elle est peinte en terre de
Sienne naturelle et ocre. Des ombres terre de Sienne foncée soulignent
ses seins et épousent l'aine et la fente. Nous ne devrions pas dire
"fente" parce que nous parlons d'une œuvre d'art, mais à la voir aucun
autre terme ne nous vient à l'esprit. C'est une infime ouverture
verticale, sans trace de duvet. Nous faisons le tour du podium et
contemplons la silhouette de dos. Les fesses brunies reflètent des
grappes de lumière. Si l'on recule, son anatomie semble plus innocente.
De petites fleurs blanches lui tapissent les cheveux. Il y a d'autres
fleurs à ses pieds, une flaque de lait. Même à cette distance, nous
percevons toujours l'odeur si particulière qu'elle dégage, semblable à
celle d'une forêt parfumée par la pluie. Devant le cordon de sécurité,
un panneau indique le titre en trois langues : Défloration (...).
Quatrième de couverture...
2006. Dans ce futur dangereusement proche, la représentation des corps
ne fait plus recette au sein du marché de l'art, qui cote désormais des
toiles humaines. Signées par de grands maîtres, elles sont louées,
vendues, manipulées, livrées à tous les regards, à tous les fantasmes.
Clara est modèle. Elle rêve d'être peinte par le dieu de l'art
hyperdramatique : Bruno Van Tysch. Mais, tandis que la jeune toile est
apprêtée dans un pavillon isolée des bords d'Amsterdam, la Fondation
Van Tysch est en émoi. Une œuvre de grande valeur a été dérobée et
détruite par un mystérieux meurtrier qui officie suivant des rites
affreusement artistiques.
À la manière de Rembrandt, Jose Carlos Somoza dépeint de violents clairs-obscurs : les déviances de l'art font écho aux dérives de nos sociétés et conduisent chacun à mesurer le prix du beau à l'aune de la valeur du vivant.
Sa trombine... et sa bio en lien...
Informations au survol de l'image...