Clara et la Pénombre

Jose Carlos Somoza

Actes Sud - Novembre 2003 - Traduction (espagnol) : Marianne Millon

Tags :  Roman noir Polar fantastique Quidam Futuriste Littéraire Plus de 400 pages

Edition originale

Un avis personnel...

Publié le : 31 mai 2006

Recommandé Dans un monde où les peintures sont désormais des êtres humains, totalement assujettis à la volonté de l'artiste, qui les contorsionne et les façonne à sa guise, un tableau est détruit. En langage humain, une adolescente est assassinée sauvagement. Mais dans ce monde-là, une adolescente au service de l'art est un tableau, point barre.
Le tableau en question, intitulé Défloration, est une des plus belles œuvres du maître incontesté d'art hyperdramatique Bruno van Tysch.
La fondation Van Tysch entreprend donc, en marge de la police, de découvrir qui a supprimé l'un des fleurons du patrimoine artistique mondial. Et accessoirement, une potentielle et gigantesque source de revenus.
Puisque les tableaux se vendent, comme toujours, et ceux du maître se vendent très cher.

En parallèle, Clara, une modèle, rêve d'être peinte par le maître.
Elle est un jour contactée par une agence qui apprête les "toiles", laquelle refuse de lui révéler quel est l'artiste qui veut travailler sur elle.
Clara se lance dans l'aventure, à l'aveuglette, éprise depuis toujours de danger et d'inconnu.

Ce long et dense roman est surtout l'occasion pour l'auteur, au-delà d'une trame criminelle, de décrire un monde, celui qu'il imagine, à la manière des auteurs de science-fiction qui décrivent un univers complet avec ses règles et ses personnages dominants, mais aussi celui qui est. Les dérives de ce monde-là ne sont que les dérives du notre, les discussions sur la valeur d'un être humain, sur l'art, la soumission sont autant de questions posées et de portes ouvertes.

Admirablement écrit, avec un souci du détail et de la cohérence omniprésent, ce roman tisse une longue toile, prenante, englobante. On entre totalement dans ce monde de pénombre et de clairs-obscurs, où tisser une toile revient à façonner le matériau humain, émotionnellement, pour lui faire rendre une expression, un éclat dans l'œil, qu'il tiendra, immobile, pendant des heures, exposé au regard des spectateurs.
Les modèles expérimentent l'immobilité absolue, comme une forme de transe. Elles s'offrent totalement et sans pudeur, au service de l'art.

C'est beau, presque envoûtant. C'est un de ces romans qui marquent parce qu'ils sont complets, sans pour autant asséner de vérité. Ondulation, mouvement, questionnement, sont partout.
Superbe. À lire absolument.


Vous avez aimé...

Quelques pistes à explorer, ou pas...

Le Parfum de Patrick Süskind. Pour le côté sensoriel omniprésent, et l'entremêlement de l'humain et de l'artistique.

Le début...

Les dix premières lignes...

L'adolescente est nue sur un podium. Le ventre lisse et l'ellipse sombre du nombril se trouvent à la hauteur de notre regard. Elle a le visage incliné, les yeux baissés, une main devant le pubis, l'autre sur la hanche, les genoux rapprochés et légèrement fléchis. Elle est peinte en terre de Sienne naturelle et ocre. Des ombres terre de Sienne foncée soulignent ses seins et épousent l'aine et la fente. Nous ne devrions pas dire "fente" parce que nous parlons d'une œuvre d'art, mais à la voir aucun autre terme ne nous vient à l'esprit. C'est une infime ouverture verticale, sans trace de duvet. Nous faisons le tour du podium et contemplons la silhouette de dos. Les fesses brunies reflètent des grappes de lumière. Si l'on recule, son anatomie semble plus innocente. De petites fleurs blanches lui tapissent les cheveux. Il y a d'autres fleurs à ses pieds, une flaque de lait. Même à cette distance, nous percevons toujours l'odeur si particulière qu'elle dégage, semblable à celle d'une forêt parfumée par la pluie. Devant le cordon de sécurité, un panneau indique le titre en trois langues : Défloration (...).


La fin...

Quatrième de couverture...

2006. Dans ce futur dangereusement proche, la représentation des corps ne fait plus recette au sein du marché de l'art, qui cote désormais des toiles humaines. Signées par de grands maîtres, elles sont louées, vendues, manipulées, livrées à tous les regards, à tous les fantasmes.
Clara est modèle. Elle rêve d'être peinte par le dieu de l'art hyperdramatique : Bruno Van Tysch. Mais, tandis que la jeune toile est apprêtée dans un pavillon isolée des bords d'Amsterdam, la Fondation Van Tysch est en émoi. Une œuvre de grande valeur a été dérobée et détruite par un mystérieux meurtrier qui officie suivant des rites affreusement artistiques.
À la manière de Rembrandt, Jose Carlos Somoza dépeint de violents clairs-obscurs : les déviances de l'art font écho aux dérives de nos sociétés et conduisent chacun à mesurer le prix du beau à l'aune de la valeur du vivant.


L'auteur(e)...

Sa trombine... et sa bio en lien...

Jose Carlos Somoza










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