Editinter - Février 2005
Tags : Roman d'enquête Polar social Vengeance Quidam Paris Années 2000 Moins de 250 pages
Publié le : 30 mai 2006
Villeneuve-Saint-Georges. Nous sommes à l'aube d'un conseil municipal d'importance : le maire, Dumesnil, récemment élu "sans étiquette", c'est à dire à droite, en compagnie de quelques cathos rétrogrades et de férus de l'extrémisme, doit proposer à la discussion le futur plan de restructuration du
centre-ville qu'il souhaite vendre aux promoteurs immobiliers.
Tout le monde sait bien au fond ce que signifie cette braderie ; les
investisseurs, par goût immodéré de la rentabilité, vont faire grimper
les prix, augmenter les loyers et ce sont les pauvres bougres, les
ouvriers, les "plus démunis" comme on dit hypocritement aujourd'hui,
qui devront quitter le quartier.
Neuf heures arrivent, l'heure du conseil tant attendu, mais le maire n'est toujours pas présent. Son équipe s'inquiète, va aux nouvelles, les esprits
s'échauffent, les téléphones crépitent mais rien n'y fait : le premier
magistrat de la ville reste introuvable et la réunion est annulée.
Sauveur Kermahé est un tout jeune lieutenant fraîchement émoulu de l'école de
police et de sa Bretagne natale. Voilà trois ans qu'il est en poste à
Villeneuve et c'est lui qu'on charge d'élucider cette disparition
inopinée.
Après vérification au domicile du maire, aucun nouvel indice n'apparaissant, Kermahé visite Favard, membre éminent et influent de l'équipe municipale, en compagnie de son supérieur, le commissaire Pardelle, afin d'éclairer cette affaire. Ce fameux projet de restructuration visant à enrayer l'installation des
étrangers à Villeneuve rencontre ses détracteurs, ses ennemis, comme
toute politique volontariste, mais de là à susciter des rancœurs ou des
querelles personnelles, il y a un pas... Tel est le discours de Favard,
cependant, l'affaire est sensible et le lieutenant sent bien sur son
dos le regard "bienveillant" de son commissaire : pas de vagues
surtout, pas de vagues...
Alors qu'il tente de dénicher de nouveaux indices dans cette enquête qui n'en est pas encore une, Kermahé se voit confier en parallèle un nouveau dossier : le
décès "accidentel" d'un bistrotier arabe tombé d'une échelle en tentant
de réparer son toit...
Alain Roger nous propose à travers son intrigue policière, une plongée au
cœur d'une ville de la banlieue parisienne, Villeneuve-Saint-Georges.
Car c'est sans doute là qu'est son personnage principal.
Après un bref rappel historique évoquant que la ville fut d'abord un lieu de
villégiature de la bourgeoisie parisienne jusqu'au début du XXème
siècle avant d'être rattrapée par l'industrialisation, puis la folie
des transports qui vit s'installer de grandes voies terrestres, puis
ferroviaires, une immense gare de triage et enfin l'aéroport d'Orly
dont les pistes pointant droit sur la ville allaient sonner le glas de
son irrémédiable déclin, Alain Roger nous délivre sa vision de la ville
d'aujourd'hui, remise dans son contexte, et de ceux qui la font.
Empreint d'une certaine nostalgie à l'évocation de cette cité chargée
d'Histoire, l'auteur retrouve une verve plus acerbe pour décrire ceux
qui aujourd'hui gèrent sa destinée. Il dénonce les acoquinements, les
manipulations, les immobilismes, le racisme, le nationalisme. Le
lieutenant Kermahé se présente comme une conscience qui décrypte les
propos des édiles ; il est facile d'engendrer la peur et de se poser
ensuite en sauveur. La ville ne souffre pas de violence, loin s'en
faut, mais bien plutôt de l'indifférence de chacun.
Reste une intrigue, savamment menée, qui vient finement s'imbriquer au fil de
ses considérations politiques pour prendre petit à petit toute sa
place, à coups de rebondissements, entremêlant le passé et le présent
sur fond de chronique sociale et/ou urbaine. Dans une langue choisie,
travaillée, où l'on sent et goûte l'amour des belles-lettres sans pour
autant négliger la limpidité, Alain Roger nous offre une vision
désenchantée mais particulièrement réaliste et lucide du monde d'hier
et de celui d'aujourd'hui, de son (in)humanité, un regard sur la
banlieue. Du vrai roman noir, quoi, citoyen!..
Quelques pistes à explorer, ou pas...
C'est aujourd'hui à ma connaissance le seul roman écrit par Alain Roger, mais peut-être serez vous séduits par ses recueils de poésie, voire même ses toiles... si toutefois vous arrivez à les dénicher.
Les dix premières lignes...
Dieu que ça pinçait dur. Décembre avait été particulièrement rigoureux cette
année-là. Un brouillard épais et glacial stagnait sur la Seine,
débordant sur la plaine, envahissant le champ Paillard. Les réverbères
luttaient désespérément contre l'opacité froide. En dépit des
explosions destinées à les mettre en éveil tout en balisant les voies,
les hommes en bleu ne disposaient plus d'aucun repère, l'espace autour
d'eux ayant comme fondu en une mélasse dans laquelle ils se débattaient
à l'aveugle. Les gestes devenaient incertains à force de cécité grise.
Jours et nuits se ressemblaient à s'y méprendre ; seules les variations
de couleur du mélange permettaient de s'y retrouver, et de ne pas
prendre l'un pour l'autre (...).
Quatrième de couverture...
Le héros de ce roman policier est un personnage au long passé, secret,
aux visages contrastés, un personnage public et pourtant mystérieux. Ce
héros, dont l'enquête révélera le véritable visage, c'est
Villeneuve-Saint-Georges, une ville de cheminots où l'auteur a habité
plusieurs années, où il a flâné, à laquelle il s'est attaché. Quelques
pas à l'écart des voies suffisent en effet pour ressentir l'épaisseur
historique de ce coin de banlieue, aujourd'hui voué au passage
davantage qu'au séjour.
Mêlant le vrai et le vraisemblable, la durée et le transitoire, l'espace et le temps - celui des hommes, victimes, criminels et témoins -, À Dégager Voie Douze restitue l'expérience d'un jeune lieutenant de police confronté à ce
que certains appellent le "génie du lieu". Bon génie, mauvais génie.
Sa trombine... et sa bio en lien...
Informations au survol de l'image...