Krakoen - Novembre 2005
Tags : Roman noir Roman d'enquête Corruption Détective amateur Amérique du Sud Années 2000 Moins de 250 pages
Publié le : 1er janvier 2006
Damien Mandiburu, archéologue trentenaire, est au cœur de la forêt
amazonienne, en route vers un chantier de fouilles, accompagné d'Itzel,
sa mécanicienne indigène et, accessoirement, son amante "discrète".
C'est un homme taciturne, fermé, hanté par un souvenir enfoui qui se
rappelle à lui sous la forme d''un rêve récurrent où apparaissent des
images du passé...
À la suite d'une panne, il est contraint de rejoindre Mexico et son hôtel "port d'attache", son
seul lien avec la vieille Europe. Là l'attend un courrier notarial en
provenance de la ville de son enfance, Port de Bouc. Damien s'empresse
de classer ce document, sans l'ouvrir, avant de se replonger dans ses
recherches. Ce n'est qu'au bout de quelques jours qu'il ouvre enfin ce
pli qui l'invite à rejoindre sans tarder la France : son ami d'enfance,
Patrick, qu'il n'a pas revu depuis de nombreuses années, vient de se
suicider, faisant de lui son légataire...
Franck Membribe aime faire voyager son lecteur. Si L'Ouverture Cubaine nous promenait au pays des cigares, de la salsa et de Fidel Castro, Timgad nous entraine quant à lui, pour commencer, sur les traces des
civilisations de l'Amérique Centrale, les mayas, yucatèques,
aztèques... mais aussi à la rencontre du Mexique d'aujourd'hui :
Son attention est soudain captée par la décoration du tableau de bord. Le chauffeur y exprime ses deux passions : le cul et le Bon Dieu. Dualité toute mexicaine (...). Une vierge de Guadalupe en relief est encadrée par les photos de deux blondasses potelées en string.
Puis on y découvre un personnage torturé qui tente de se fondre dans le paysage, de se faire oublier dans cette jungle, de s'oublier lui-même dans l'étude de civilisations disparues en calquant sa démarche intellectuelle sur la leur :
Il considère un peu les Mayas comme des esthètes écolos, des rêveurs emportés par la vague mercantiliste et sanguinaire des tribus barbares venue du Nord (...). "de la modération en toute chose"...
Éviter les ennuis, à tout prix, chaque fois que c'est possible et sans nuire à quiconque. Il s'en est toujours tenue à cette ligne de conduite. À ne pas confondre avec la lâcheté.
Mais, si les "ennuis" se refoulent, ils finissent toujours par remonter à la
surface... Le retour en France sera l'occasion pour Damien de porter un
éclairage nouveau sur ce passé qui l'obsède et de régler quelques
comptes en suspens.
Le paysage change, et sur fond de chantier naval en déconfiture, Franck Membribe nous propose
alors de suivre l'enquête de Damien sur la mort de son ami, à travers
une intrigue savamment construite qui mêle adroitement la "petite"
escroquerie à la "grande" Histoire. Son récit, au style qui gagne en
fluidité tout en hésitant encore parfois entre littérature "blanche" et
"noire", est aussi l'occasion, à travers le cynisme quelque peu
désabusé de ses personnages, d'écorcher les petites tares de notre
société policée. On y sent le regret des idéalismes d'antan, bafoués
par la confrontation à la triste réalité.
Heureusement, il reste la musique !.. Comme des bornes qui parsèment le parcours de
Damien, constituées de mélodies, de rythmiques, ou de riffs de guitares
saturées. Elle, ne ment pas !..
L'avis de Jeanne Desaubry :
Pourquoi la civilisation Maya a t-elle disparu, laissant la place à la cruelle efficacité aztèque, laquelle finira victime de la cupidité hispanique ? Quel rapport avec la guerre civile espagnole ? Pourquoi ce cauchemar récurrent chez Damien Mandiburu, le héros de Timgad, qui lui interdit le repos ?
Franck Membribe construit sur ces trois axes une intrigue originale, rigoureuse, rythmée.
On s'attache à ses personnages improbables : le héros : cet archéologue qui n'a pas fini de grandir, mais aussi le prof. d'histoire en retraite, spécialiste de la marine, mais hydrophobe, la belle guide maya, l'ethnologue suisse lesbienne… sans oublier le commissaire allergique… Ils concourent tous à l'enquête de Damien Mandiburu, parti à la recherche des causes de la mort de l'ami d'enfance sombrement associé à ses cauchemars et qui vient de lui laisser un testament mystérieux et un lingot d'or qui pèse son poids de sang caillé. Meurtre ? Suicide ? Le décryptage de ce message étrange n'est pas sans danger…
Ça sent la cuisine mexicaine et les marchés indiens, les marinas méridionales, le mistral pollué, l'huile de vidange des cargos…
Ça chante le blues, le rock ou le jazz. Ça chuchote en plusieurs langues et si on commence en pleine jungle amazonienne, on finit entre Fos sur Mer et Marseille.
Le dénouement serait désespérant sans l'épilogue dont la conclusion « Incipit tragaedia » n'est nuancée que par la vitalité involontaire de la perpétuation de l'espèce.
Second roman de Franck Membribe, Timgad a de l'ambition. C'est un roman construit, intelligent, solide, qu'on ne prend à aucun moment au défaut d'une cuirasse sans faiblesse. L'écriture est pleine d'une passion retenue - trop peut-être ? - qui laisse un regret. La force contenue qu'on sent là pourrait se libérer et on aurait un sacré feu d'artifice tant la passion s'y sent déjà… On se prend à espérer un autre roman plus délié qui pourrait reposer sur la mélomanie de l'auteur dont le talent littéraire ne fait pas de doute.
Quelques pistes à explorer, ou pas...
Franck Membribe est également l'auteur de L'Ouverture Cubaine, sans doute moins aboutie, mais aussi une véritable incitation à la découverte de cette île et de ses habitants.
Les dix premières lignes...
Cette odeur de cambouis, sa mémoire olfactive l'exècre. Il ne sait plus
trop pourquoi, ou plutôt il refuse de s'en souvenir. La vieille graisse
amalgamée à la poussière sent la mort dans son vécu juvénile. Et la
honte aussi. Damien s'impatiente devant le capot relevé du Land Rover.
Le coup de la panne ne le fait plus rire depuis longtemps. Le sourire
imperturbable de son chauffeur-mécanicien d'à peine plus d'un mètre
cinquante n'y change rien (...).
Quatrième de couverture...
On ne pénètre pas impunément au cour d'une civilisation disparue.
Malgré Itzel, métisse yucatèque compagne de ses nuits, Damien ne
parvient pas à chasser les cauchemars qui lui rappellent la disparition
de son ami d'enfance. Un mystérieux testament ainsi que les souvenirs
de la guerre d'Espagne viendront remuer le couteau dans sa plaie
toujours ouverte.
Au long de cette enquête criminelle tentaculaire remplie d'échos douloureux du passé, l'auteur nous mène du
Mexique des Mayas aux rives de la Méditerranée en proie aux
démantèlements des chantiers navals.
Sa trombine... et sa bio en lien...
Informations au survol de l'image...