Vice de Forme

Un avis personnel...

Publié le : 31 mars 2006

Victor Carl est toujours avocat criminel à Philadelphie, c'est sa destinée en tant que personnage récurrent dans l'œuvre de son créateur, William Lashner.
Cette fois, c'est son ami Guy Forrest, lui-même avocat et ancien collègue d'université, qui réclame son aide. Lorsque Victor répond à sa demande, il le découvre sur le perron de sa maison, sous la pluie, nu et armé, tandis qu'à l'étage git sur un matelas, une balle en plein cœur, la femme pour qui il a tout abandonné : son épouse, ses deux enfants, sa carrière : Hailey Brouix. Malgré les apparences, Guy affirme qu'il ne l'a pas tuée.

Le miroir lui renvoyait l'image d'un homme piégé, ployant sous le morne fardeau d'une certaine réussite ; Hailey, de son côté, rendait presque palpable cette liberté à laquelle son âme aspirait tant. Pour Guy Forrest, Hailey était plus qu'une femme, et même plus que l'être aimé : elle était une délicieuse échappatoire.
Guy Forrest aura seulement confondu désir et amour. Le désir peut rendre idiot n'importe quel homme, mais il n'y a que l'amour pour le mener à se perte."

Ce que ne sait pas Guy, c'est que son ami Victor Carl connaît bien Hailey Brouix, intimement même, puisque l'après-midi même elle était encore son amante.
Malgré cela, l'avocat héberge son ami, quand bien même est-il convaincu qu'il est le meurtrier de celle que lui aussi a aimé, allant jusqu'à devenir son défenseur lorsque la justice s'en mêle. Sauf que Victor Carl n'a qu'une idée en tête en assurant la défense de son client : la vengeance, et le faire condamner le plus lourdement possible...

William Lashner sait construire des situations complexes où il éclaire à merveille les différentes facettes des comportements humains et Vice de Forme ne déroge pas à cette règle d'or. Il revisite à sa manière, brillante, avec toute la finesse qui le caractérise, le "mythe" de la femme fatale qu'il met en scène à travers un polar judiciaire de type procédural traité du côté des avocats, à l'américaine, nous entrainant dans leur enquête, fouillant les méthodes, les ficelles employées qui, loin de tenter de découvrir la vérité, cherchent essentiellement à établir celle convenant à leur client.

Mais Vice de Forme n'est pas que cela, il est aussi et surtout une réflexion autour des sentiments, de l'amour, laissant enfin de côté l'argent-roi qui faisait le fondement des deux précédents opus de l'auteur. Victor Carl y perd en cynisme et William Lashner en sérieux, en profondeur ; l'humour qui pointait à chaque page se fait moins présent, mais le résultat n'en est pas moins exceptionnel.
Avec une grande maîtrise et une extrême précision, aidé d'une construction en forme de poupée russe, dévoilant à chaque découverte de nouveaux mystères, William Lashner signe une nouvelle fois un joyau de finesse où la forme et le fond se marient à merveille pour le plus grand plaisir du lecteur.

Qu'est-ce que l'amour lorsque l'objet de nos sentiments n'a aucune réalité objective ? Peut-on encore seulement parler d'amour ?"

Vous avez aimé...

Quelques pistes à explorer, ou pas...

N'hésitez pas une seconde, lisez Les Prévaricateurs, la première apparition de l'avocat Victor Carl, qui est également une vraie merveille.

Sur le sujet de la femme fatale, dans un autre genre, plus sombre sans doute, attardez vous sur La Malédiction du Gitan de Harry Crews, tout aussi exceptionnel.