Métailié - Mars 2024
Tags : Roman historique Polar social Discrimination Quidam France Historique (avant 1930) Moins de 250 pages
Publié le : 09 avril 2024
Alors que démarre à peine le chantier de construction de sa piscine, Laurence voit les ouvriers polonais qu’elle emploie au black cesser leurs travaux. Ils viennent de mettre à jour un squelette recroquevillé et réclament une bénédiction. Le curé dégoté pour satisfaire leur demande est malheureusement féru de paléontologie et remarque vite que les os sont vieux, très vieux… Il finit par mettre à jour une cavité qui renferme deux corps et des peintures rupestres qui émeuvent la communauté scientifique. On les fait remonter à l’aurignacien, soit environ 35 000 ans.
Adrienne Célarier doit son aubaine à son amitié d’enfance avec Jean, devenu depuis curé. C’est elle qu’il a prévenue et la jeune paléontologue a le privilège de présenter au public cette découverte. Elle choisit, compte tenu de ses spécificités, d’en faire une scène de crime. En effet, non seulement on a découvert deux squelettes, mais aussi, sur les parois de la grotte, des centaines de pochoirs de mains mutilées, identifiées comme féminines…
Dès lors, Hannelore Cayre remonte le temps et imagine, 35 000 ans en arrière, la vie de ces femmes mutilées pour avoir osé défier l’ordre, essentiellement masculin. Elle met en scène Oli et sa sœur Wilma au sein d’une tribu Sapiens, décrit leurs démêlés avec les mâles du groupe qui ont déjà inventé l’asservissement des femmes. Oli est une rebelle qui ne veut pas se laisser imposer une loi qu’elle ne respecte pas.
Le parallèle entre la présentation de la grotte, les analyses, supputations et conclusions des spécialistes face aux découvertes et la « réalité » vécue par Oli dans son lointain présent est sans doute la partie la plus intéressante du roman. L’alternance entre le passé et l’époque contemporaine fonctionne. Mais c’est la teneur de ce même passé, le comportement d’Oli et de ses congénères qui ne m’a pas semblé au début de ma lecture très crédible.
Certes, nous ne sommes pas dans une publication scientifique, et malgré les efforts entrepris et sans aucun doute une riche documentation — comme cette rencontre entre Sapiens et Néandertaliens — j’ai eu quelques difficultés à croire en cette jeune femme d’un autre temps qui m’est apparue longtemps bien trop « moderne » pour son âge.
Reste que le talent et l’opiniâtreté d’Hannelore Cayre font leur œuvre et toutes les portes ouvertes qui paraissaient si étonnantes ou déconcertantes, se font bientôt évidentes. L’intention, louable, étant de dénoncer l’emprise des hommes sur les femmes, de la faire remonter aux temps immémoriaux des chasseurs-cueilleurs en montrant comment, chez certains, elle s’est construite, de montrer la possibilité d’une résistance acharnée de certaines contre leurs congénères. L’auteur en explore à sa manière les multiples facettes et finit par convaincre.
Calquer la psychologie de la préhistoire sur celle d’aujourd’hui était un pari risqué. L’alchimie fragile à pourtant fini, sur le tard, par fonctionner, donnant une saveur de conte philosophico-féministe au récit.
Quelques pistes à explorer, ou pas...
Hannelore Cayre a connu le succès avec son roman La Daronne, adapté au cinéma par Jean-Paul Salomé, avec Isabelle Huppert sans le rôle-titre.
Les dix premières lignes...
– … Un permis de construire ?… Avec le maire écolo qui fait une fixette sur les piscines, je te dis pas l’usine à gaz ! Non, j’ai fait descendre Winiarczyk et ses gars pour creuser ni vu ni connu. On ne peut pas voir le chantier de la route de toutes les façons, même si on fait bien attention.
En prononçant le mot « piscine », Laurence jette machinalement un regard sur ses trois ouvriers polonais en train de manier la mini-pelleteuse.
– … Je viens de t’envoyer le lien de l’annonce. Tu vois la troisième vignette ? Voilà, celle avec les arbres… On croirait que la maison est juste à flanc de colline, mais en fait, entre les deux, il y a comme un éboulis de pierraille. Si on déblaye tous ces rochers, on aura juste la place pour le bassin dont une partie sera à l’ombre, ce qui est génial vu qu’en Dordogne, l’été, ça cogne. Attends, ne quitte pas… Y a mon Polack en chef qui s’agite…
Elle ouvre la fenêtre du salon :
– Oui, Slawek ?
– Venir voir…
– Je peux te rappeler ? Je crois qu’il y a un blème (…)
Quatrième de couverture...
En découvrant le squelette d’une femme dans une grotte, la paléontologue n’a pas seulement mis au jour une sépulture vieille de 35 000 ans, mais également la première scène de crime de l’Histoire.
Quelle révélation est allée colporter Oli, cette femme venue du fond des âges, entraînant à sa suite l’humanité dans un chaos irrémédiable ? Qu’a-t-elle voulu nous dire en plaçant l’empreinte de sa main mutilée au centre de cette fresque de la douleur et de l’impuissance ? « Regardez donc ce qu’ils m’ont fait » ; « Regardez, ce qu’ils nous ont fait subir à nous toutes ! ». Oli veut être une chasseuse car la chasse est interdite aux femmes. Comme toutes les héroïnes de l’auteur, elle est portée par le même vent de liberté et elle revendique avec une âpre autorité et un humour caustique son droit au bonheur.
D’une plume hilarante et acérée comme la lance de sa chasseuse, Hannelore Cayre mène le lecteur ravi au cœur de la préhistoire sur les traces de nos origines et joue avec notre avidité à écouter des histoires.
Sa trombine... et sa bio en lien...
Informations au survol de l'image...