Harper Collins - Mai 2022 - Traduction (anglais) : Jean Esch
Tags : Polar social Polar urbain Crime organisé Truand Etats Unis Années 1980 Entre 250 et 400 pages
Publié le : 21 septembre 2023
Don Winslow nous propose une nouvelle fois une épopée au long cours dont il a le secret ; La Cité en Flammes étant le premier volume d’une trilogie, ou le premier acte d’une tragédie.
Dans l’Amérique de la fin des années quatre-vingts, la ville de Providence, ancienne cité industrielle de la Nouvelle-Angleterre, est sur le déclin. Coincée entre Boston et New York, elle a subi sans savoir vraiment s’en relever les années de crise, tout comme les mafias qui dirigent les différents trafics locaux.
Aux Irlandais, les docks et leur stock de marchandises variées à détourner, un territoire qui peine à faire vivre correctement quelques familles, mais la tradition est là, tenace. Aux Italiens, la prostitution, les machines à sous. Chacun chez soi et la paix régnera pour longtemps, une situation dont peuvent s’enorgueillir les patriarches.
La mafia est une composante de la société américaine ; le cinéma, la littérature ou tout simplement l’actualité l’ont largement prouvé, depuis longtemps. Don Winslow nous propose une plongée dans cet univers, loin des projecteurs, plutôt du côté des petites mains, des artisans, à l’exact opposé des « grandes » familles célèbres.
Danny Ryan est de ceux-là, par sa naissance, fils de l’ancien cador du secteur. Il a bien tenté de choisir une autre voie, attiré par la mer, le large, mais au final il est revenu dans le giron « familial » ; il a même épousé la fille du nouveau boss, sœur de son compère de toujours. La vie n’est pas spécialement reluisante, l’avenir guère radieux, mais il est entouré de ses amis. Les familles Ryan et Murphy sont intimement liées et règnent sur la pègre irlandaise locale. Même à petite échelle, ce sont des « affranchis » et, du haut de leur trentaine, ils se comportent comme tels. Ce sont les enfants des rois mafieux d'un trou perdu qui en a fini avec son heure de gloire.
Quant à Liam Murphy, c’est est aussi un jean-foutre et un emmerdeur qui cherche les ennuis. Après avoir dragué outrageusement la petite amie d’un des membres du clan italien, il subit des représailles musclées de l’amant humilié et de ses sbires. Ce genre d’actes entraîne des réponses. Et les réponses, d’autres réponses. Ainsi commence les guerres. Et d’autant plus lorsque la jeune génération veut s'affirmer aux yeux de ses aînés, considérés comme trop sages.
En s’attachant au personnage de Danny Ryan, mafieux « à l’insu de son plein gré », incapable de se distancier d’une tradition séculaire, Don Winslow nous offre une vision documentaire de la « petite » mafia américaine qui, tout en perpétuant son emprise sur les trafics et les institutions, ne parvient plus à rouler sur l’or. Il décrit minutieusement, de l’intérieur, les rouages de ces organisations, leur fonctionnement, le poids de la hiérarchie, les rivalités.
Mais La Cité en Flammes ne se contente pas d’être un reportage fouillé, c’est aussi et avant tout un roman épique avec en son épicentre un homme écartelé entre ses aspirations et ses devoirs, ses pesantes responsabilités. Danny Ryan ne souhaitait pas se battre pour être là où il est, pas se battre du tout même ; le destin a décidé pour lui.
Pas suffisamment calé sur le sujet pour vous vanter les parallèles mythologiques entre les aventures de Danny et celles d’Énée lors de la guerre de Troie, je ne m’aventurerai pas sur ce terrain, mais le découpage du récit et les épigraphes placées en tête de chaque partie sont on ne peut plus explicites. Rassurez-vous : il n’est cependant pas nécessaire de maîtriser la chose pour sentir le parfum de la tragédie, inspirée par les Grecs ou non.
Don Winslow nous fait vivre cette guerre de l’intérieur en multipliant les points de vue. C’est vif, prenant, les phrases sont courtes et musclées, la caméra posée sur l’épaule, l’intrigue réduite à sa plus simple expression. Sans révolutionner le genre, La Cité en Flammes n’en constitue pas moins un exercice plutôt réussi. La preuve, arrivé au bout du premier volet, on a envie de connaître la suite.
Quelques pistes à explorer, ou pas...
À la lecture, j’ai repensé à la série Les Soprano écrite par David Chase. On retrouve ce même attachement au côté humain des personnages, fussent-ils de dangereux mafieux.
Les dix premières lignes...
Danny Ryan regarde la femme sortir de l’eau telle une vision émergeant de ses rêves d’océan.
Mais elle est bien réelle, et synonyme d’ennuis.
Comme souvent avec les femmes aussi belles.
Danny le sait bien. Ce qu’il ignore, en revanche, c’est la quantité de problèmes qu’elle va lui apporter. S’il l’avait su, s’il avait su tout ce qui allait se passer, peut-être serait-il entré dans la mer pour lui maintenir la tête sous l’eau jusqu’à ce qu’elle cesse de respirer.
Mais il ne le sait pas.
Alors, sous le soleil éclatant, assis sur le sable devant la maison de Pasco au bord de la plage, Danny mate la femme, à l’abri de ses lunettes noires. Cheveux blonds, yeux d’un bleu profond et un corps que le maillot noir souligne plus qu’il ne le cache. Le ventre est plat et ferme, les jambes musclées et fuselées. On ne l’imagine pas dans quinze ans avec des hanches larges et un gros cul, dûs aux patates et aux spaghettis à la sauce bolognaise (…)
Quatrième de couverture...
État de Rhode Island, 1986.
Danny Ryan, 29 ans, est docker. Intelligent, loyal et réservé, il n'a jamais vraiment trouvé sa place au sein du clan des Irlandais qui règne sur une partie de la ville. Son rêve : fuir loin de cet endroit où il n’a pas d’avenir.
Mais lorsque Paulie Moretti, mafieux d’une famille italienne jusque-là amie, s’affiche avec sa nouvelle conquête, Hélène de Troie des temps modernes, Danny se retrouve mêlé à une guerre sans merci à laquelle il ne peut échapper.
Il lui faudra s’imposer enfin et affronter un déchaînement de violence sans précédent pour protéger sa famille, ses amis, et la seule patrie qu’il ait jamais connue.
Avec La Cité en Flammes, Don Winslow livre le premier tome d’une trilogie magistrale, transposition des épopées antiques : la ville de Providence est Troie incendiée par les Grecs, Danny Ryan un héros homérique digne d'Énée. Une Iliade contemporaine.
Sa trombine... et sa bio en lien...
Informations au survol de l'image...