Parigramme - Février 2013
Publié le : 02 mars 2013
Gilles Schlesser est un amoureux du Quartier Latin qui a connu les arrières salles du célèbre cabaret L'Écluse, fondé, entre autres, par son père en 1951. Après avoir exploré sous toutes ses coutures la vie parisienne entre cette époque et aujourd'hui, il a choisi de conserver le cadre et de remonter le temps pour nous offrir La Mort n'a pas d'Amis.
Nous sommes en 1924, quelques années après la fin de la boucherie qu'a représenté la première guerre mondiale. Camille Baulay, qui signe ses articles Oxy B., est une jeune journaliste qui officie à la rubrique faits divers du Petit Journal. Amie avec le commissaire Gardel, elle bénéficie grâce à lui de la primeur sur certains crimes commis dans la capitale. C'est d'ailleurs grâce à lui qu'elle est la première à découvrir le cadavre étrangement mis en scène d'un homme inconnu, poignardé, et abandonné au petit matin sur le bitume. La victime a été "costumée" : on a cousu sur son veston une sorte de cape rouge et il tient dans la main une pomme. Il n'en faut pas plus à Camille pour écrire un bon article qui fera la première page et émoustillera ses lecteurs…
Côté police, l'enquête n'avance guère, et il faudra une seconde victime "déguisée" pour offrir une première piste : un tableau ; plus précisément Le Rendez-vous des Amis de Max Ernst. Il semble bien que les mises en scène des deux victimes retrouvées jusqu'alors correspondent à des personnages de la toile, qui ne sont autres qu'une bonne partie de la famille surréaliste qui sévit alors sur Paris…
Camille est une jeune femme libre et entreprenante. Malgré les cadavres, malgré les tentatives du commissaire Gardel pour la freiner, elle mettra tout en œuvre pour démêler le vrai du faux dans cette étrange affaire…
Gilles Schlesser est un amoureux érudit. Amoureux de Paris, de ses lieux, de sa vie, il rend communicative, contagieuse, sa passion pour cette ville. Érudit, et joueur… il l'avait déjà prouvé avec Mortelles Voyelles. Après les Oulipiens, il s'attarde cette fois sur les surréalistes, mettant en scène les Breton, Desnos, Éluard, Aragon et consorts dans une intrigue qui prend parfois la saveur d'un feuilleton d'autrefois.
C'est l'occasion de visiter ces grands hommes, leurs egos démesurés, leurs ambitions, leurs jalousies, dans cette manœuvre artistique qui consistait à dynamiter toutes les conventions bourgeoises. Une révolution qui n'avait pas seulement une dimension culturelle pour certains. Pas facile pour la police d'avoir affaire à cette engeance jusqu'au-boutiste…
Gilles Schlesser mène sa barque avec aisance. Il navigue entre intrigue, enquête, et peinture des mœurs de l'époque sans jamais perdre le nord. Non seulement il nous ouvre les portes des surréalistes — on assistera même en direct à la création du premier cadavre exquis — mais il montre aussi le rôle prépondérant des femmes, leur émancipation après les années de guerre, les profonds changements qui s'annoncent, le tout dans un récit d'une fluidité qui ne se dément jamais.
Je ne savais pas à quel voyage m'attendre en tournant les premières pages de ce roman. J'en suis sorti agréablement surpris, dépaysé, et sans doute un peu plus savant qu'en y entrant. On ne peut pas en dire autant de chaque lecture…
Quelques pistes à explorer, ou pas...
Avec La Mort n'a pas d'Amis, le personnage de journaliste Camille Baulay, dite ici Oxy, devient récurrent puisqu'elle intervenait déjà précédemment dans Mortelles Voyelles, paru en 2010 chez le même éditeur. Bon, à ce moment-là, c'était un homme… mais est-ce si important ?
Les dix premières lignes...
Mardi 2 décembre 1924
Le drap grossier de son uniforme bleu délavé est constellé de boue et de sang séchés. L'homme range son fusil parmi les parapluies puis s'avance dans la pièce ; il prend sa tête à deux mains, la dépose délicatement sur la commode. Il se retourne, s'approche du lit et s'allonge tout habillé de son côté. Il sent la fraise et la mort. Surtout la mort. Une sirène hurle dans le lointain.
Camille se réveille en sursaut, hoquette en reprenant ses esprits. La forme emmitouflée à sa droite respire paisiblement, ne laissant apparaître hors des draps qu'une vague de cheveux blonds répandue sur l'oreiller (…)
Quatrième de couverture...
Au cœur de l’hiver, des crimes étranges s’enchaînent et leur mise en scène fait furieusement penser aux énigmes qu’affectionnent les surréalistes. Lesquels, assurant que « le véritable surréalisme consiste à descendre dans la rue armé d’un revolver pour tirer sur les passants », ne se soucient guère de plaider l’innocence.
Tandis que la police piétine, Camille Baulay, reporter au Petit Journal, mène ses propres investigations qui la conduisent à fréquenter de près Breton, Éluard, Aragon, Desnos, Prévert… et le très énigmatique Dédé Sunbeam. Mais cette incursion dans l’univers des cadavres exquis va entraîner la jeune journaliste beaucoup plus loin qu’elle ne l’imagine…
Sa trombine... et sa bio en lien...
Informations au survol de l'image...