Seuil / Roman noir - Avril 2010
Tags : Roman noir Crime organisé Vengeance Truand Quidam France Années 2000 Populaire Entre 250 et 400 pages
Publié le : 07 juillet 2010
Dimitri, tueur à gages russe, débarque à Nice pour un contrat. À la consigne de la gare, là où il doit récupérer ses armes, il se fait avoir comme un bleu par une jeune femme, accompagnée d'un chien, qui lui vole son sac alors qu'il le sort du casier, puis s'enfuit à bord d'un TGV…
Lola, ex-physionomiste dans un casino cannois, devenue depuis chanteuse au sein du groupe Le Cul des Anges après avoir reçu à la tête une balle perdue qui lui a fait perdre la mémoire, son don, et son boulot…
Lucien, paisible veuf retraité, bouliste septuagénaire qui ne souhaite embêter personne, entend régulièrement des bruits bizarres chez ses voisins — comme si on maltraitait un enfant — et décide de demander conseil à son partenaire de pétanque, Fernand…
Quand on entame Le Cul des Anges, on commence par faire quelques rencontres, insolites, dans des situations qui, si elles ont toute l'apparence de la réalité, se déroulent tout de même dans ce léger décalage si savoureux qui fait le bonheur des fictions ; cette petite réorganisation des faits, cette exagération subtile qui appelle une suite.
Il en est ainsi de chacun des personnages croisés — Dimitri et la jeune femme au chien, Lola et son groupe, Lucien et Fernand — qui, en se rendant immédiatement attachants, sont autant de tisons pour l'imagination, et l'on se plaît déjà à prévoir des prolongements, des rencontres nouvelles, des retournements cocasses. Pour un peu, avec chacun d'eux, il y aurait déjà de quoi matière à roman.
Mais ce serait sans compter sur l'auteur, Benjamin Legrand, qui entend bien garder la main mise sur son récit, et organise les déferlantes. L'opération se répète donc, de nouveaux éléments, du même acabit, arrivent, de nouveaux personnages, encore et encore, et là… on se laisse faire, sans plus tenter de précéder. Et vogue la galère !…
D'une plume vive et fine, directe, qui vise à l'essentiel tout en se permettant parfois quelques libertés en distillant des tournures de phrases d'une redoutable efficacité, Benjamin Legrand déroule. C'est le grand jeu d'une imagination débordante qui met en scène, avec toujours beaucoup de tendresse — même pour les plus "méchants" —, une brochette de personnages qui s'entrechoquent sur fond de Croisette. Pour certains, ils n'auraient jamais dû se rencontrer, mais la vie est ainsi faite que les plus petits grains de sable viennent parfois dérégler les plus belles machines.
Et la machine qui ici a des ratés, est une petite organisation internationale qui fait dans le snuff-movie : un cinéaste, un financier, un homme de réseau, une égérie. L'association, après quelques belles années, bat de l'aile ; chacun veut sauver sa peau, ses billes, et se défend de ses partenaires. Quand Dimitri débarque à Nice, c'est d'ailleurs pour assassiner l'un de ceux-là. Quand à Lola, la balle qui lui a fait perdre la mémoire était en fait destinée au même homme. Et pour Lucien, son drame aura été d'être le voisin d'un des membres du réseau…
La boucle est bouclée bien sûr. De manière très adroite.
Le Cul des Anges, c'est l'histoire d'une belle machination à l'apparence légère et toujours teintée d'humour ; de quelques jolies rencontres pleine de tendresse, d'amour ou d'amitié ; d'autres qui se transforment en bâtons dans les roues ; c'est l'histoire des petits contre les gros, du pot de fer contre le pot de terre, de David, de Goliath. C'est une fable dont les maillons s'enchaînent parfaitement pour laisser apparaître une autre histoire, en arrière-plan, beaucoup plus sombre, où les enfants tiennent le premier, et le plus mauvais rôle.
Réussir à traiter de la pédophilie en évitant l'écueil du misérabilisme ou du pathos n'était sans doute pas un pari facile. Benjamin Legrand le relève ici avec grand talent.
Quelques pistes à explorer, ou pas...
Deux des personnages du roman (parmi tous ceux qui l'habitent) m'en ont évoqué deux autres, à mon avis de manière très suggérée : Taylor et Lola, par leur grand amour, ne sont pas sans rappeler Sailor et Lula de Barry Gifford.
Les dix premières lignes...
Baie des Anges, baie des Anges, grommelle Dimitri… Cette appellation l'a frappé, quand il a débarqué au terminal international de Nice, venant de Zurich où il a pris l'attaché-case contenant ses instructions. Baie des Anges, oui. Yob vas, au cul, les anges… Les anges et les démons, je leur pisse à la raie, se dit Dimitri, alors qu'il s'efforce, en général, de ne jamais être grossier. Un sas l'attend maintenant à la consigne de la gare de Nice, avec les armes. Tout est prévu. Son commanditaire ne laisse jamais rien au hasard. Dimitri aime mieux ça, car il est superstitieux, et dernièrement, ça ne s'est pas arrangé (…)
Quatrième de couverture...
Que serait la vie sans le hasard des rencontres ? De ces coïncidences qui jettent les êtres les uns contre les autres, pêle-mêle, quelles que soient les origines et les motivations de chacun ? Autrement dit, quels liens peuvent donc unir un tueur à gages en mission, un géant noir à la gorge tranchée, une physionomiste devenue chanteuse de rock, un papy flingueur pas tout à fait rangé des voitures, un Gurkha réchappé de l’enfer, une cambrioleuse à la beauté fatale et une bonne dizaine d’autres personnages aussi dangereux que vindicatifs ?
Les liens du sang, évidemment. Mais aussi ceux de l’amour fou, de la quête de l’innocence perdue, sur fond de baie des Anges. Et bien sûr le désir de vengeance, ce fidèle compagnon, qui lui ne doit rien au hasard.
Un roman noir surprenant, d’une effroyable cocasserie.
Sa trombine... et sa bio en lien...
Informations au survol de l'image...