Au Vent des Iles - Novembre 2009
Tags : Hard Boiled Comédie Trafic Détective privé Années 2000 Populaire Entre 250 et 400 pages
Publié le : 14 novembre 2009
Al Dorsey, de son vrai nom Edouard Tudieu de la Varenne, est détective privé à Tahiti. Il reçoit la visite de Noël Levret, le père Noël Levret, en soutane, équipé d'une valise repêchée dans le lagon qui entoure l'atoll de Takatoko. À l'intérieur : un cahier d'écolier dont les premières pages sont remplies de chiffres et la couverture barrée d'un grand « Help » ; un foulard rose ; une gourmette gravée « Maurices », au pluriel ; un Opinel rouillé ; un Louis d'or ; et trois photos — manquantes — représentant deux jumelles et un jeune homme. Accessoirement, mais le curé ne le sait semble-t-il pas, un double fond renfermant un bon paquet de dollars…
— Dieu m'a remis entre les mains ce mystère pour qu'il soit élucidé. C'est un problème de conscience maintenant. La police n'ayant pas voulu s'en charger, j'ai contacté Mgr Borenberg qui m'a donné toute latitude pour agir, ainsi qu'un généreux budget, et m'a conseillé de m'adresser à un détective privé. Renseignement pris, il apparaît que vous êtes le moins cher de la place.
Détective privé sous les tropiques, sans le sou : telle sont les principales caractéristiques d'Al Dorsey, le personnage principal et narrateur de ce premier roman de Patrice Guirao.
L'ambiance et ensoleillée, dépaysante, et bien éloignée de la grisaille de la Métropole. D'ailleurs, à travers son enquêteur, l'auteur laisse transpirer son amour des îles et de Tahiti en particulier, de ses couleurs, de sa douceur, de sa flore.
Personne ne croise un jour la route des îles sans en garder la marque indélébile tatouée sur le cœur.
L'écriture et fluide, rythmée, la langue gouailleuse, parsemée d'expressions locales et les personnages hauts en couleur (assez réussis), comme les situations, parfois un peu surréalistes. Mais…
Il est des romans qui tardent parfois à démarrer — un peu "diesel" — et chez qui il faut parfois une bonne centaine de pages pour s'emballer et prendre leur envol. Pour d'autres, au contraire, le démarrage se fait sur les chapeaux de roues et la balade immédiate. C'est un peu le cas de ce Crois-le ! signé Patrice Guirao qui par sa gouaille et son verbe, son imagination fertile, emporte sur un nuage l'entame de son récit. On sourit devant le facétieux de certaines scènes et/ou personnages. Le sourire, c'est bien, mais lorsqu'on sourit tout le temps, on finit par prendre un air benêt.
Passées les cent cinquante première pages, l'histoire racontée a beau être sympathique et les paysages traversés magnifiques, on commence à se demander si on n'est pas purement et simplement en train de tourner en rond et de parler (écrire) pour ne rien dire. Les longueurs et répétitions s'accumulent et il restent encore au moins autant de pages à tourner…
Il y aura bien quelques tentatives de rebondissement dans cette affaire improbable, mais l'essoufflement perdure et ce ne sont pas les considérations en forme de philosophie de comptoir qui arrangeront les choses. Le roman s'enlise inexorablement et le lecteur, comme l'auteur semble-t-il, peine à en terminer. Mieux eut-il valu envisager des coupes sévères et ramener cette affaire à sa juste dimension : une fantaisie légère.
Quelques pistes à explorer, ou pas...
Dans la série détective privé décalé (un exercice assez répandu), Pierre Bourgeade a crée dans Téléphone Rose une détective-libraire…
Sinon, pour la fantaisie et les personnages hauts en couleur, mais avec ce fond qui manque cruellement à Patrice Guirao, ne passez pas à côté de La Vieille Dame qui ne Voulait pas Mourir avant de l'avoir Refait, de Margot D. Marguerite, autrement plus savoureux comme premier roman.
Les dix premières lignes...
Il est pas plus grand qu'un lavabo de pissotière, épais comme une armoire à pharmacie et jaune terreux. Je l'aime bien. Jaune pisseux. Il doit avoir cent vingt ans. Il les a même, peut-être, depuis ses vingt ans.
Debout, pieds nus dans ses savates d'un gris avancé, les ongles endeuillés d'une vénérable crasse chèrement acquise au terme de longue semaines d'abstinence d'au savonneuse, il me regarde. Flottant dans son short colonial d'un sempiternel beige auréolé — c'est une couleur à lui, que je n'ai encore jamais vue ailleurs que sur ce short —, et sa chemisette bleu eau du port après les pluies. Il me sourit. Je ne l'ai pas entendu entrer (…)
Quatrième de couverture...
Ça sent le monoï, la transpiration, le sel de la mer, le frangipanier enveloppé dans du papier gas-oil. Ça respire la gouaille d'un Eden d'aujourd'hui. Du pur jus de polar mitonné au poisson cru. Ça décoiffe les soutanes au paradis des bons pères. On marche sur le corail pilé sans savoir où on met les pieds ! Normal, c'est Al Dorsey qui nous y emmène. Al « The » Détective des tropiques.
Les photos de trois jeunes gens prétendument disparus sur un voilier, un cahier d'écolier, deux gourmettes, un louis d'or, un opinel, des dettes par-dessus la tête et une valise qui aurait dû rester là où elle était. Voilà avec quoi Al Dorsey va plonger bien malgré lui dans les secrets de personnages hors du commun et explorer les couloirs d'un passé extraordinaire qui refait surface et lui pète à la gueule comme une bulle de savon.
Sa trombine... et sa bio en lien...
Informations au survol de l'image...