Seuil / Roman noir - Mars 2009
Tags : Roman noir Polamour Road Polar Psychologie Quidam France Années 1990 Original Moins de 250 pages
Publié le : 06 juin 2009
Kyra fait partie du commando qui doit libérer Markus Fried lors d'une audition au tribunal. Elle conduit la voiture qui interceptera le fourgon cellulaire. Son rôle s'arrête là ; petit rouage d'une organisation qui la dépasse. L'intervention se déroule bien ; Fried est libre.
Alors qu'elle est partie se mettre au vert du côté du Tréport en compagnie d'Udo et Andréa, autres membres du commando, c'est par la radio que Kyra apprend que le chauffeur du fourgon a été abattu lors de l'opération.
Les deux hommes repartent aussitôt, laissant la jeune femme seule dans un appartement installé dans une villa de bord de mer, sous la protection de Pierre Gillain qu'elle ne connaît pas. Elle est censée jouer la prof en vacances. Noël approche…
Les vacances se terminent. Kyra doit rejoindre la Belgique avec Andréa, mais les événements se précipitent. Les gendarmes sont sur leurs traces. Andréa est arrêté, Gillain disparaît. Kyra se retrouve errante au milieu des grandes villas en briques rouges, vides, disséminées le long de la côte…
J'attends.
La première phrase du roman d'Anne Secret est un assez bon résumé. Il est beaucoup question de temps suspendu dans ces villas rouges. L'intermède "commando" qui ouvre le récit n'étant ici qu'un prétexte à mettre en scène la fuite, la cavale, de Kyra, narratrice à la première personne.
On ne saura rien de précis sur les motivations qui l'ont amenée à participer à cette opération politique, sinon qu'elle est amoureuse d'Udo. De même, elle ne connaît pas réellement ses coéquipiers, leurs histoires, leurs passés, renforçant ainsi son sentiment de solitude. Et ce ne sont pas les plages, la côte et les villas désertées qui l'aideront à ne pas se sentir abandonnée.
D'ailleurs, lorsque Kyra se retrouve sur les routes sans directives, ce sont toutes les portes qui se ferment devant elle les unes après les autres, la laissant à l'affût de la moindre sirène, du moindre gyrophare.
On devine que Kyra n'est pas une extrémiste, que son engagement n'est pas politique, mais amoureux. Que ce qu'elle cherche, c'est retrouver la protection d'Udo, comme si ce dernier pouvait donner un sens à son existence. Et lorsque celui-ci se dérobe, c'est le suicide qui la guète.
Anne Secret, d'une écriture sèche, tendue, presque brutale, nous fait partager le quotidien de Kyra, sa solitude, sa cavale, ses espoirs déçus. Il ne se passe quasiment rien (cf. la première phrase du livre), et pour autant, elle réussit à rendre son court roman captivant par la finesse qu'elle apporte au portrait de sa narratrice, de sa descente aux enfers dont elle ne maîtrise rien ; au point qu'il se lise d'une traite, dans un souffle.
Mais Marc Villard, rédacteur de la quatrième de couverture, dit cela beaucoup mieux que moi. Incontestablement un livre à lire
Quelques pistes à explorer, ou pas...
Sans aucun doute les premier romans d'Anne Secret — La Mort à Lübeck (Actes Sud, 1998), L'Escorte (Fayard, 2005) — qui, selon Marc Villard, contribuent à définir l'univers cohérent qu'a créé l'auteur.
L'écriture d'Anne Secret n'est pas non plus sans rappeler celle d'un certain Jean-Patrick Manchette…
Les dix premières lignes...
J'attends.
Comme convenu, j'ai garé le Toyota de biais, à la sortie de la villa Cœur-de-Vey, une impasse qui donne sur l'avenue du Général-Leclerc, devant la vitrine du Soldat laboureur. À l'extérieur du magasin s'entassent des sapins fossilisés par des bombages de neige synthétique.
Les autres patientent dans une Renault 19, de l'autre côté du trottoir, juste un peu plus bas.
Sur l'avenue, le trafic est intense.
J'ajuste mes gants de cuir. Coup d'œil à ma montre : dix-huit heures. Le convoi est en retard. Selon Udo, l'audience des témoins devait se terminer autour de dix-sept heures. Les choses ont donc dû prendre plus de temps que prévu (…)
Quatrième de couverture...
Lors d’un transfert pénitentiaire dans Paris, un activiste allemand, mélangeant terrorisme et voyoucratie, est libéré par un commando. Un policier trouve la mort dans l’opération. Kyra, la conductrice de la voiture d’interception, plonge dans la clandestinité et la cavale.
Partant de là, le livre d’Anne Secret mute et devient la narration fidèle d’une errance. De villas cossues en baie de Somme à Paris, et d’Ostende au casino de Luxembourg, on accompagne la jeune femme, raccrochée à la vraie vie à travers les nouvelles du monde dispensées par la presse.
Kyra poursuit un double but : retrouver un amour trop vite disparu et donner un sens à son existence qu’on devine terne avant l’événement. Ces quêtes relèvent de l’absolu et sont la marque d’une expérience solitaire. Kyra passe un temps infini à attendre, mais cette solitude erratique ne lui pèse pas, sachant qu’elle écrira le mot fin à son histoire.
Anne Secret, dépositaire inspirée d’une écriture du comportement, évite les afféteries stylistiques et le pathos encombrant. Nous sommes dans le factuel, la fuite, la naissance du désespoir au centre de paysages noyés, de contacts improbables, de manipulations désinvoltes. Dans ce roman, comme dans L’Escorte (Fayard, 2005), l’écrivain reste cinglante et précise sur le texte, juste dans la dérive politique et compassionnelle pour les apprentis héros de seconde division.
Marc Villard
Sa trombine... et sa bio en lien...
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