Cadavre d'État

Claude Marker

Carnets Nord - Mai 2009

Tags :  Roman noir Polar politique Polar militant Trafic Corruption Flic Paris Années 1990 Populaire Entre 250 et 400 pages

Edition originale

Un avis personnel...

Publié le : 13 mai 2009

Recommandé Alors qu'il est en rendez-vous avec une délégation étrangère, Rébière, le ministre de l'intérieur, reçoit un message de Hubert de Vaslin, chargé de mission auprès du Premier ministre, qui demande à le rencontrer d'urgence. Ne pouvant se libérer, il lui envoie son chef de cabinet. Arrivé dans son bureau du ministère, Ledauchy découvre le corps de l'homme avec qui il avait rendez-vous, dans ce qui ressemble fort à un suicide.
Dans la mesure où Vaslin est un homme du Premier ministre, Ledauchy choisit de prévenir, sans même en informer son ministre de tutelle, sa directrice de cabinet, Michèle Billetot, qui décide, de son propre chef, de faire déplacer le cadavre.
Ainsi retrouve-t-on le lendemain, sur le parking d'une grande surface de banlieue, le corps de Hubert de Vaslin…

Entre en scène Coralie Le Gall, de la Criminelle, chargée de l'enquête. Coralie est une femme d'action, sportive, qui a bien vécu jusqu'au jour où un chauffard alcoolique a volé la vie de son enfant. Après une période de dépression elle a repris pied, mais ne survit qu'à travers son boulot de flic, « choisissant de faire la guerre (…), avec violence, sans pitié, dans la haine. »
Coralie a également une autre qualité qui la désigne pour mener cette enquête : elle maîtrise bien ce milieu politique et délicat qu'elle doit approcher ; elle en a même fait partie en quelque sorte puisque son père était un haut fonctionnaire. Elle en connaît les rouages, les mesquineries, les entourloupes, et ne les porte pas vraiment dans son cœur…

Cadavre d'État se présente comme une enquête longue et difficile dans les arcanes du pouvoir politique en France, menée par quelqu'un qui n'apprécie pas trop ce milieu mais en connaît les mécanismes.
Sans doute l'auteur, qui signe sous le pseudonyme de Claude Marker, correspond-il (ou elle) d'ailleurs au même profil tant la précision du portrait dressé est imposante. À travers son personnage principal et narrateur, c'est la face cachée des cabinets ministériels, de leur personnel, de leurs magouilles qui est mis en lumière.
Une lumière crue, violente, qui apparaît sous un style sec, nerveux, au moins autant que le caractère "entier" de l'enquêtrice principale.

Nuls, inefficaces, incapables de discerner les problèmes, de les poser avec rigueur, d'imaginer une solution, de l'appliquer avec courage et détermination.
Et satisfaits d'eux-mêmes, et d'aux seuls. Se bataillant comme des chiots, mais, comme eux, se pourléchant les uns les autres et ne se plaisant que dans leur engeance, s'amnistiant par avance de tout, responsables de rien, s'étant accordé tous les droits, une fois pour toutes, comme phraser à creux, promettre et mentir à tire-larigot, se goberger comme futaille, voler… Avec, pour les bas boulots, qui fatiguent, et les combines, qui risquent, des tâcherons, répartis en partis, syndicats, associations… Avec, à l'horizontale et à la verticale, en diagonale, en zig et en zag, des coteries, sectes, sous-sectes… Tous brigands s'autocélébrant, se cooptant, népotifiant, décourageant et écartant quiconque sait, sait faire, ose penser.

Vous avez dit déçu du monde politique…
Oui, sans aucun doute. Mais Claude Marker ne se contente pas de déverser ce flot de bile rageuse et d'apparaître comme seulement désabusé. Écrit dans les années quatre-vingt-dix (c'est ce qu'indique l'éditeur), le roman laisse entrevoir au fil des pages la gangrène qui mine le système et comment s'organisent les pires manipulations. On n'est pas si loin de ce qu'on appelle aujourd'hui l'affaire Clearstream…
Certes, le personnage de Coralie Le Gall est un peu manichéen avec une tendance à plonger tout ce beau monde dans le même sac — pour un peu, elle irait même jusqu'à le jeter à la mer, ou mieux, aux oubliettes — mais sa sincérité fait mouche :

D'abord, je les ai jugés tocards, ringards, nullards. J'avais un exemple sous les yeux ; l'un d'eux était mon proche.
Puis je les ais constatés parasites, voleurs goinfres, tricheurs.
Ensuite, m'est apparu le système. Non plus seulement la caste, mais ses soutènements financiers, idéologiques, criminels, ses réseaux d'échanges de bénéfices, le dépouillement entrepris sur tout un peuple, jusqu'à l'épuisement de ce peuple, jusqu'à sa mort. J'ai dû me faire à l'idée que les marchands de drogue, les marchands de femmes, d'enfants, les tueurs… sont dans le système, à leur place, utiles, nécessaires, indispensables ; que profiteurs politiques et grand criminels sont une même bande qui se nourrit d'immoralité, qui berne les citoyens, les vampirise, leur verse leurs tranquillisants…
Et maintenant, je les découvre… fous. Inconscients du mal. Inconscients du mal qu'ils causent, des souffrances qu'ils provoquent. Inconscients que le vol est mal, que le meurtre est mal…
Ils sont le mal. Et ils ne le savent pas.
Et, dans leur folie, ils croient même qu'ils sont… le bien.

Cadavre d'État est un brûlot politique, un livre amer qui constate et dissèque le gâchis, les illusions perdues, mais c'est aussi une intrigue à la construction parfaitement maîtrisée qui, si elle met à mal l'image policée de nos gouvernants, des médias qui les accompagnent, n'en demeure pas moins palpitante. On a du mal à ne pas aller au bout de ce récit dans un seul souffle, fut-il à l'odeur putride…


Vous avez aimé...

Quelques pistes à explorer, ou pas...

Cadavre d'État est semble-t-il un premier roman et la seule œuvre signée Claude Marker.
Trente ans plus tôt, là encore sous pseudonyme, Jean Laborde, alias Raf Vallet, signait Mort d'un Pourri dans lequel il dénonçait lui aussi (déjà !) l'affairisme ambiant. On était alors en… 1972, et pourtant les analogies entre les deux romans sont nombreuses.

Le début...

Les dix premières lignes...

Où le vieux poch les avait-il déterrées, ses phrases torchées et fignolées ?
— D'abord, tu meurs. Ensuite, tu t'installes en Enfer, du mieux que tu peux. Et un jour…
Toute une tirade, qu'il voulait filer d'une traite, en articulant bien chaque mot, comme un gamin doit réciter une leçon à l'école. Mais il s'essoufflait, l'alcool le faisait savonner, et sa voix n'était pas celle d'un minot : rauque, écorchée, souffrante, brûlée, un râle.
— … un jour — il te suffira d'attendre —, tu verras le visage du Mal. Son vrai visage, quand il a enlevé tous ses masques et ses maquillages (…)


La fin...

Quatrième de couverture...

Comment le cadavre d’un conseiller du Premier ministre est-il arrivé, par une nuit pluvieuse de novembre, sur le parking miteux d’une grande surface, dans la région parisienne ?
L’enquête est confiée au commissaire Coralie Le Gall. Fille d’un haut fonctionnaire, en rébellion contre son milieu, musicienne et pratiquant le close-combat, cette personnalité hors normes est bien décidée à prendre sa revanche contre un monde politique qu’elle déteste. Mais Coralie va peu à peu comprendre l’ampleur de la manipulation en cours.
Un roman noir dans la France des années 1990. Une intrigue palpitante et truffée d’énigmes, qui déniaise à jamais d’une certaine politique.


L'auteur(e)...

Sa trombine... et sa bio en lien...

Claude Marker










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