Après la Lune - Novembre 2010
Tags : Polar social Polar scientifique Comédie Arnaque Scientifique Quidam France Années 1990 Humoristique Entre 250 et 400 pages
Publié le : 23 avril 2009
Gatsby Legrand est riche, célèbre, comblé, mais… bouché. Il souffre de constipation chronique ; un comble pour celui qui a "inventé" le Chymol — et bâti avec sa fortune et celle des laboratoires OPO — un décongestionnant miracle malheureusement sans effets dans son propre cas.
Alors qu'il en est réduit à calculer le temps impressionnant qu'il passe aux toilettes, Gatsby décide de lancer toutes ses équipes sur la piste d'une nouvelle molécule censée enfin le soulager. C'est le point de départ de l'opération « Quatre virgule huit »…
Wjatscheslaw-Zénodore Douglas — « mais bizarrement tout le monde m'appelle Douglas » — est un biochimiste indien qui a construit sa réputation sur des escroqueries. Dépassé par l'une d'elles, il a fui l'Inde pour se réfugier en France.
Embauché depuis peu comme gardien de nuit par les laboratoires OPO, il a vent de l'opération déclenchée par le patron et y voit le moyen de redorer son blason. Un vrai gros bobard… à base d'allocasuarina portuensis…
Soit les gens avaient un boulot et travaillaient beaucoup pour le garder… et ils étaient stressés, mangeaient n'importe quoi à n'importe quelle heure pour rester productifs et ils étaient constipés (de plus, vive le secteur tertiaire : les boulots sédentaires accentuaient le phénomène), soit les gens étaient chômeurs et angoissés… et tuaient des heures dans leur canapé à regarder les infos-pubs en mangeant n'importe quoi… et ils étaient constipés.
C'est sur ce bilan accablant de nos modes vies à l'occidentale que se construit la trame du premier roman de Francis Mizio.
La tête dans les étoiles et les pieds sur terre, ou presque, tel est le constat que l'on peut faire à la lecture de La Santé par les Plantes. L'auteur se révélant ici comme un doux rêveur à l'imagination débordante, foisonnante, bouillonnante, qui ancre pourtant son récit aux fondements d'une réalité cynique.
Au premier rang des représentants de cette dernière, Gatsby Legrand, patriarche industriel omnipotent, méprisant son personnel, cupide, et rongé par le mal qu'il tente de soigner. Remarque, du côté de la concurrence et de Franz-Albert Zahn, directeur de La Vie Saine, on n'est pas mieux lotti. Celui-là est un véritable ayatollah de l'hygiène (genre Howard Hugues) qui vit pourtant les amours les plus "sales" en compagnie de sa maîtresse Samantha. Deux industriels du secteur santé, ou plutôt périphérique, qui se font la guerre pour rester les leaders sur leur marché.
Entre les deux vient s'insinuer un escroc détonnant, tout droit sorti d'Inde, qui va leur en faire voir de toutes les couleurs en leur vendant le produit miracle, un laxatif à effet retard, mijoté à partir d'une plante dont il ne reste que deux spécimens, aux confins de l'Australie.
Jubilatoire comme lecture ! Tout le monde en prend pour son grade, que ce soit les grands managers et leurs méthodes, les pseudos scientifiques qui vendent des lanternes en les faisant passer pour des vessies, les écolos-terroristes et leurs motivations légères…
Quelle galerie de personnages ! Gatsby, Franz-Albert, Douglas, mais aussi Samantha en égérie dégueulasse, le couple Narcisse et Flore (plus vrais que "nature"), le femme à barbe (pas là où l'on croit, et en tout cas, pas au menton), le détective Bruce Perry (un ancien botaniste reconverti), et j'en passe… Sans oublier les fameux indiens Macroqa ni le célèbre perroquet vert à deux crêtes et touffes rouges sous les ailes sans qui la pérennité du doryphore bousier lubrique serait grandement compromise — à ce propos, l'explication scientifique et particulièrement bien documentée du professeur Castani, qui a consacré sa vie à l'étude de ces deux espèces en danger, est un modèle de clarté.
On l'aura compris, La Santé par les Plantes, que Francis Mizio avoue avoir écrit quasiment d'une traite, en une petite semaine, est à classer parmi les polars déjantés, foutraques, qui prennent le parti d'en rire plutôt que de s'apitoyer sur le sort de notre pauvre monde à la dérive. Fantaisiste, c'est évident ; mais aussi lucide.
On vit tout de même dans un monde où les gens sont sans scrupules.
Et ça, selon les jours, c'est soit déprimant, soit encourageant.
Quelques pistes à explorer, ou pas...
Pour son approche humoristique et satirique, on peut rapprocher Francis Mizio d'un auteur comme Christopher Moore. Si vous avez aimé La Santé par les Plantes, Le Lézard Lubrique de Melancholy Cove devrait vous ravir.
À noter que ce roman est aujourd'hui épuisé dans sa première édition (La Loupiote) comme dans la seconde (revue et augmentée, à la Série Noire), mais qu'une polémique existe entre l'auteur et Gallimard qui refuse de publier à nouveau le titre (dans la collection Folio Policier) malgré le succès rencontré par le livre, au point que Francis Mizio vient d'en récupérer les droits. On peut donc espérer qu'à terme, il soit à nouveau disponible pour de futurs lecteurs.
Les dix premières lignes...
Il posa sa calculette sur le dévidoir à papier toilette. Le résultat de son calcul le laissait perplexe. Jamais il n'avait pensé à calculer ça. Il reprit l'appareil et refit ses comptes. À raison de quatre heures par jour sur environ trois cent soixante-cinq jours, cela faisait mille quatre cent soixante heures. Sur vingt-neuf ans, cela représentait quarante deux mille trois cent quarante heures. Vingt-neuf ans puisqu'il en avait quarante-cinq et que cette foutue constipation avait débuté le soir de ses seize ans, à la surprise-partie de Samantha (…)
Quatrième de couverture...
Il n'existe plus que deux spécimens d'Allocasuarina Portensis dans le monde : un mâle et une femelle. Or, d'après un fameux biochimiste, ces arbrisseaux permettraient de synthétiser la molécule d'un « sopo-laxatif à effet retard », véritable révolution pour l'industrie pharmaceutique et pactole envié par les laboratoires.
Mais qui, des écolos tordus ou des hommes de mains vendus aux labos, s'emparera des deux plantes ?
Sa trombine... et sa bio en lien...
Informations au survol de l'image...