Un Été Grec

Un avis personnel...

Publié le : 19 avril 2009

Alors qu'il est sur le point de partir pour quelques semaines de vacances en Grèce, un juge d'instruction doit assister à l'autopsie du cadavre d'un adolescent retrouvé noyé.
Le légiste ne trouve rien qui infirme la thèse de l'accident, mais le juge veut en avoir le cœur net ; un jeune homme en pleine santé, qui pratique la plongée sous-marine, ne se noie pas comme ça…
Parallèlement, à quarante ans de distance, on suit le jeune Apostolos Stephanopoulos, élève historien qui, à la veille de la prise du pouvoir par l'extrême droite, suit les derniers conseils en forme de cours de son professeur, Spiros. Ce dernier est inquiet de la situation dans le pays, quand Apostolos, lui, est rempli de la fougue de sa jeunesse. Il va bientôt rejoindre l'université d'Athènes…

André Fortin nous entraîne sur les pas d'un narrateur qui n'est pas nommé, juge d'instruction en villégiature grecque, mais qui, intrigué par une affaire en cours, va continuer à "instruire" à distance.
Et à s'instruire, par la même occasion ; découvrant dans les livres et sur le terrain l'histoire de ce pays que tout le monde sait à la naissance de notre civilisation et dont on ignore le plus souvent le passé récent.
Le parcours parallèle d'Apostolos vient éclairer ce dernier demi-siècle méconnu. Comment s'est construit la Grèce au sortir de la seconde guerre mondiale quand, en 1947, la guerre civile oppose les nationalistes aux fascistes, quand se jouent là-bas, dans l'indifférence générale, les limites des accords de Yalta et des zones d'influence entre communistes russes et américains.
André Fortin, à travers cette seconde narration, montre les détails, la petite histoire dans la grande, comment on arrive inexorablement au coup d'état militaire du 21 avril 1967.

Il s'agit d'un petit pays inconséquent pour lequel les Etats-Unis d'Amérique n'ont aucun respect et que, pour ce pays, comme pour tous les autres petits pays pour lesquels l'oncle Sam n'a pas de considération, la démocratie n'est pas de mise. La démocratie, en Grèce, ce serait pour les Américains, ces gestionnaires paranoïaques, un trop gros investissement et bien trop aléatoire. La dictature, c'est beaucoup plus simple. On tient les dictateurs, les dictateurs tiennent le pays avec quelques dollars et finalement, on tient le pays ! Pour les principes on verra plus tard et encore…

L'histoire d'Apostolos, de sa terrible vengeance, et l'enquête du juge finiront par se rejoindre, on s'en doute. Mais loin de son bureau marseillais, cette rencontre sera surtout l'occasion pour l'homme de loi de s'interroger sur sa capacité à juger l'homme qu'il finit par avoir en face de lui et qui le fascine.
André Fortin, à travers ses deux narrations, propose une approche dédoublée de l'histoire récente de la Grèce. L'une en direct sur la réalité, écrite au cœur des événements, vision "subjective" ; l'autre à distance, dans le temps, qui se voudrait "objective". De ces deux visions où l'humain interfère, ressort une image globale, qui voudrait tendre à la neutralité ; comme ce juge qui, instruisant à charge et à décharge — et dont le fait qu'il ne soit jamais nommé participe sans aucun doute à l'identification du lecteur — tente de déterminer, pour Apostolos, et selon la loi, ce qui est "juste" ou pas.
Un bel exercice de barres parallèles, maîtrisé, instructif, qui rappelle entre autres qu'à l'heure où la France et d'autres pays jouaient à la révolution, une autre jeunesse subissait, à deux pas, dans l'indifférence, une féroce dictature. Sans oublier que les Grecs, à travers les âges, ont toujours été de farouches résistants.

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Sur le même thème, et toujours chez Jigal, Maurice Gouiran propose son approche de la même période dans son roman Les Chèvres Bleues d'Arcadie.