Jigal Polar - Mars 2008
Tags : Roman noir Polar politique Crime organisé Corruption Flic Truand Quidam Marseille Années 2000 Moins de 250 pages
Publié le : 1er mai 2008
Avant, à Marseille, il y avait Guerini, la "classe"… le truand dans toute sa spendeur. Aujourd'hui, plus personne ne tient la ville, alors certains tentent de se la partager.
Les frères Ounes et leurs cousins font partie de ceux-là. À la tête d'un imposant trafic de drogue, ils ont gravi méthodiquement, avec intelligence, tous les échelons de cette échelle sociale en éliminant chaque fois les intermédiaires au-dessus d'eux qui les séparaient du producteur, de la source.
En face, Casavacchi et le bande des Corses : braquages en tous genres, attaques de fourgons blindés, et depuis peu beaucoup d'argent recyclé dans les boîtes de nuit, là où justement les frères Ounes épuisent une partie de leur stock.
Enfin, régnant sur la prostitution locale, Pipoli, acoquiné aux Gitans.
L'équilibre entre les trois bandes est instable. Frictions et étincelles se font courantes, chacun lorgnant insidieusement sur le territoire des deux autres :
De lourds nuages s'amoncelaient donc sur le monde marseillais des mauvais garçons, il y avait de la rumba dans l'air. On comptait ses trésors, ses troupes, ses divisions comme disait Staline, et aussi celles des autres. On préparait la guerre, sans se douter que, comme l'Histoire l'apprend (mais ces gens-là, intelligents mais de piètre culture, ignoraient tout de l'Histoire), les conflits régionaux ne profitent généralement qu'aux autres nations, celle qui, de loin, comptent les coups, attendant leur heure.
Le point commun entre tous ceux-là : Georges Fielas, celui qu'on surnomme l'Avocat. Plus en exercice en terme de droit, mais le maîtrisant au point de servir toujours à bon escient ses clients tout en conservant son indépendance. Un enfant du Panier, quartier historique de Marseille, tout comme son ami Ange Simeoni, truand de la vieille école, son ami d'enfance.
À ce microcosme marseillais en plaine effervescence, préparant sa guerre, vient bientôt se greffer dans l'ombre Giancarlo Ruffini, homme d'affaires de la mafia italienne qui applique des méthodes quasiment industrielles en matière de prise du pouvoir occulte sur une ville. Il a déjà fait ses preuves à Nice et c'est d'ailleur là qu'il convoque Fielas, choisi par son staf pour être sa tête de pont à Marseille. L'Avocat est coincé. Il s'agit d'un business qui ne se refuse pas, d'autant qu'il est assorti d'une peine de mort s'il venait à l'idée à l'intéressé de décliner l'offre.
Tandis que les frères Ounes engagent ouvertement le combat contre les deux factions rivales, Georges Fielas va devoir œuvrer en sous-main pour qu'au final le pactole tombe dans les mains de la mafia. Mais l'homme, prudent et rusé, ne l'entend pas de cette oreille et, aidé de son indéfectible ami Ange Simeoni, compte bien tirer son épingle du jeu…
André Fortin connaît bien le microcosme politico-judiciaro-policier marseillais pour l'avoir pratiqué durant de nombreuses années en tant que juge d'instruction. Il en connaît les méandres, les recoins où se trament des alliances contre-nature (?), les alcôves où se jouent les luttes d'influence, les hommes qui organisent ou subissent les collusions, les corruptions. Il sait que lorsque ce microcosme là rencontre celui d'en face (celui de la pègre), qui lorgne sur le même gâteau mais par la voie illégale, l'odeur qui se dégage n'est pas toujours des plus agréables au nez du citoyen de base.
Ainsi dans cette de guerre des gangs qui agite Marseille, il apparaît bien vite que chaque camp cherche, et trouve, dans les milieux politiques, juridiques, policiers, des appuis de circonstance. Les premiers ont l'argent, sale, qui manque aux seconds pour leurs ambitions. La rencontre est inévitable.
André Fortin montre et démontre tous ces mécanismes avec une précision d'orfèvre. En reconstituant une lutte pour la prise du pouvoir de la ville, en rapprochant les situations, il éclaire un peu plus à chaque page les manœuvres, les magouilles, les compromissions. On n'est pas tout à fait dans la fiction (il suffit de lire sa description des restructurations au sein de la brigade financière de la PJ de Marseille !), mais dans une réalité reconstituée, mise en scène pour faciliter la compréhension des phénomènes.
Le tableau est sévère, extrêmement sévère, mais bien évidemment réaliste.
Il montre aussi des politiques imbus de leur pouvoir personnel, aveugles et sourds, que leur bêtise transforme en pantins aux ordres. Il montre la pieuvre, aux aguets, insaisissable…
Le style d'André Fortin est aussi limpide que sa démonstration, et non dénué d'humour. On se laisse donc porter sans faillir dans cette descente dans les caves du pouvoir.
Les truands sont à leur place, dans leur rôle si l'on peut dire, et Ange Simeoni, le narrateur, personnage attachant, fait même figure d'icône en la matière.
Pour l'autre bord, on pouvait craindre la caricature, l'amalgame. Il n'en est malheureusement rien. La précision apportée dans le récit, et qu'on peut rapprocher sans peine de nombreux faits divers relatés dans la presse, évite l'écueil. André Fortin nous donne, par son savoir, sa connaissance, une sorte d'accès à la partie cachée de l'iceberg, et c'est tant mieux.
À noter enfin que le roman est paru à la veille de la dernière campagne électorale pour les municipales qui a vu Marseille au cœur d'enjeux politiques majeurs.
Quelques pistes à explorer, ou pas...
Sans doute les premiers romans de l'auteur, Nos Meilleurs Vieux et Ange le Revenant.
Sans doute aussi ceux de Dominique Manotti qui s'intéresse de près, elle aussi, au monde politique.
Les dix premières lignes...
C'était le chienlit, le souk, le bordel, le grand estrambord quoi ! De mémoire de Marseillais bien informé, on n'avait jamais vu ça !
On ne savait plus qui faisait quoi dans l'underground marseillais.
Les flics étaient désemparés. Alors que depuis peu on pouvait trouver des fonds tout à fait légaux pour rémunérer les indics, il n'y avait plus d'indics ! Ou plutôt ils étaient creux, ou quand ils se donnaient du mal, ils étaient au mieux évasifs (…)
Quatrième de couverture...
Imaginons une grande métropole du sud de la France baignée d’ombres et de lumières… Imaginons trois familles de malfrats qui se partagent la ville… Imaginons que l’une d’entre elles souhaite faire élire « son » maire…
Imaginons une guerre des gangs… sanglante et expéditive ! Imaginons une « loge » de flics, de préfets, de notables qui, eux aussi, ont plein de projets pour leur ville… Imaginons la mafia, la vraie, qui discrètement mais fermement place ses billes et ses hommes…
Imaginons « l’Avocat », ni baveux, ni bavard, mais « machiavel » qui tisse sa toile, secondé par un Ange, un des derniers dinosaures…
Imaginons enfin que rien ne se passe comme prévu… Imaginons !
Sa trombine... et sa bio en lien...
Informations au survol de l'image...