Ravet-Anceau - Décembre 2007
Tags : Roman d'enquête Polar rural Vengeance Journaliste Quidam France profonde Années 2000 Littéraire Entre 250 et 400 pages
Publié le : 03 avril 2008
Maurice Lobgeois était fonctionnaire ; inspecteur d'académie à l'éducation nationale. Et puis un jour, à l'aube de la quarantaine, le gros ras-le-bol, la vision d'une vie ratée, pas vraiment choisie. Alors il plaque tout : Paris, son métier, sa femme, ses enfants, et part s'installer du côté de la baie de Somme où il devient journaliste pigiste localier.
C'est là, non loin de Rue, qu'on retrouve le cadavre de Desaulmes :
— Un ancien garde-champêtre, garde-chasse, garde tout comme qui dirait. Une figure locale, fort rouge, voire violette. Un gars avec qui il faut mieux être bien que mal. Un type curieux pas toujours sain. Parfois mêle-brun, à l'occasion. Alcoolo, ça c'est certain. J'peux t'assurer qu'il était souvent "seu" comme on dit par chez nous. Même que les jours de marché, ça faisait un peu mauvais genre.
Maurice est aux premières loges, et aiguillé par son amie Astrid, avec qui il partage désormais sa vie, il voir là l'occasion d'égayer sa routine en enquêtant sur cette mort étrange…
Il existe des auteurs qui vous sautent à la gorge avec leur intrigue, en vous collant en quelques pages les deux pieds dans une mare de sang au beau milieu d'une scène de crime. Avec Pierre Saha, rien de tel. Ce serait plutôt, au contraire, le personnage de Maurice Lobgeois qui vous happe d'entrée ; à moins que ce ne soit le style de l'auteur.
Pourtant, celui-ci ne choisit pas la voie de la facilité en préférant écrire de longs chapitres d'une cinquantaine de pages. Mais il faut ajouter que ceux-là lui permettent — sans jamais perdre le fil de son récit — toutes les digressions, finement amenées, toujours subtiles, qui amènent à cerner au plus près le personnage de Maurice et le pourquoi, le comment de sa vie d'homme.
Ainsi, on apprendre, à travers de magnifiques scènes entre Maurice et son ami Serge, mourrant, qu'avant d'être désabusé, Lobgeois a eu vingt ans ; comment le poids des années passant a rogné ses idéaux, ses engouements de jeunesse ; comment la réalité est dure à surmonter, cruelle aussi ; comment le temps qui passe ouvre les yeux sur le passé, sur les époques où on croyait notre regard tourné vers l'avenir…
Pierre Saha profite également de ces détours pour dépeindre l'environnement de l'affaire, ce microcosme local reconstituant, ici comme ailleurs, des histoires de pouvoir ; le portrait d'un des notables du coin est à ce titre édifiant. Il use pour cela d'un style aussi fluide qu'exigeant. Pierre Saha écrit remarquablement, et c'est un immense plaisir de se laisser porter par ses mots, par cette ambiance, par cette forme de discrétion qui lui permet d'aller fouiller au plus profond de ses personnages.
Ceci étant, l'affaire progresse, et l'intrigue, habile elle aussi, ne pâtit jamais de ces parenthèses qui fleurissent sur con cours. Le père Desaulmes n'est que la première victime, d'autres suivront… Sans vouloir aller trop loin dans des révélations qui ternirait la saveur de votre découverte, disons que c'est un sombre passé qui ressurgit dans cette région à l'Histoire particulière… qu'il faudra boire le vin, fut-il mauvais, jusqu'à la lie.
Pierre Saha se présente comme grand amateur de Georges Simenon. Il semble bien que son approche du polar soit similaire. Souhaitons-lui, après ce premier roman très prometteur, une carrière aussi brillante.
Ah... Une dernière remarque : ne vous fiez pas à ce bandeau rouge qui barre la couverture. De « meurtres en série » il n'est pas vraiment question.
Quelques pistes à explorer, ou pas...
Difficile à dire… Sans doute des auteurs qui privilégient l'ambiance, mais aucune idée ne me vient. Sans doute Simenon. Sûrement le prochain roman de ce même Pierre Saha ; quand il l'aura écrit.
Les dix premières lignes...
C'était un petit matin de début novembre, un jour des Cendres, un jour des morts ou quelque chose dans ce goût-là. Une vilaine aurore sale avait réveillé Maurice Lobgeois et le tenait d'humeur chagrine, malgré les suaves mélopées d'Eroll Garner qui, depuis le rez-de-chaussée, enveloppaient toute sa baraque. Il trimbalait un affreux mal de crâne, furieux contre lui-même d'avoir passé une partie de la nuit d'un gros type qui en d'autres temps et lieux l'avait agressé. Lobgeois appartenait à la race de ceux qui cultivent un esprit contrariant, aussi n'était-il jamais rassasié d'anxiété et de misère (…)
Quatrième de couverture...
La ville de Rue vient de perdre son garde-champêtre, qu'on a retrouvé assis cul nu dans la rivière. Cet octogénaire, connu pour ses cuites à répétition, a été étranglé. Si ce crime plonge la région dans la perplexité, il suscite également l'intérêt de Maurice Lobgeois, ancien inspecteur de l'Éducation nationale devenu simple journaliste localier. Lobgeois voit dans cette affaire l'occasion de sortir de son train-train quotidien. D'autant que le meurtre du garde-champêtre est le premier d'une série…
Sa trombine... et sa bio en lien...
Informations au survol de l'image...