Publié le : 1er janvier 2006
Difficile de donner un avis objectif sur cette aventure qu'est Graines de Noir. Ce recueil est aussi pour moi une sorte de cadeau d'anniversaire qui
vient clôturer en beauté la première année d'existence du site ; on ne
critique pas un cadeau...
Si on m'avait dit il y a un an que paraîtrait un tel ouvrage dont, quelque part, j'aurais été un peu à l'origine à travers ma démarche "internautique", jamais je n'aurais voulu y croire. Mais il est là, et bien là, fait d'encre et de papier, tourné à la passion. C'est du concret cette fois-ci, pas du
virtuel !..
Écrire est souvent considéré sous nos latitudes comme un exercice solitaire,
une âpre lutte de l'auteur contre lui-même qui se joue dans le huis
clos de son esprit enfiévré. Considérer cette activité comme ludique
relève souvent, donc, ici, du manque total de respect ; ces gens-là
sont bien sérieux et ne passent pas leur temps à s'amuser, trop
conscients de leur importance.
Pourtant, lorsqu'un lecteur aborde un texte, c'est aussi pour se divertir, pour se changer les idées, se laisser glisser, guider, dans celles d'un
autre. Si ce dernier n'a pas joué le jeu, quel résultat peut-il compter
obtenir ?..
Le forum de Pol'Art Noir est devenu un lieu d'échange autour de
l'écriture. Pas une histoire de prise de tête, pas quelque chose
d'important, un terrain de jeu plutôt. Chacun y a amené ses billes, de
toutes formes, de toutes couleurs...
Certains avaient derrière eux l'expérience, d'autres la fougue de la jeunesse, d'autres encore la sagesse des "anciens", beaucoup l'avenir devant eux, des idées plein la tête... Graines de Noir est le reflet de cette expérience. Les caractères que vous y croiserez sont divers, tout comme les horizons qu'ils évoquent.
Sébastian Charles vous étonnera par son art du détournement, Max Obione vous
servira une cuisine bien noire, presqu'aussi sombre que celle de Franck
Membribe. Vous aimerez la sensibilité d'un Hervé Sard, d'un Bruno
Baudu, le côté classique de Georges Hubel ou celui, opposé, de Damien
Ruzé. Enfin vous apprécierez de voyager en compagnie de François
Bourcier, un guide habile, comme tous ses collègues d'ailleurs, chacun
à leur manière.
Le talent, c'est comme l'amour. Ça ne se partage pas, ça se donne et ça s'additionne !..
Quelques pistes à explorer, ou pas...
Graines de Noir est disponible sur le site de Krakoen, dans toute bonne librairie, et sur les sites de vente en ligne "classiques".
Suivez les liens présents sous les noms des différents auteurs présents,
laissez-vous guider. S'ils sont capables de vous séduire dans
l'exercice de la nouvelle, certains parmi eux ont aussi franchi le cap
du récit long, du roman. Cherchez, piochez, faites comme eux, et vous
ne serez pas déçus.
Les dix premières lignes...
• Sébastian Charles (alias Charles) :
Au
rythme d'un métronome donnant la cadence, la louche claquait sur les
plateaux métalliques préformés du centre pénitentiaire de
Saint-Quentin. Dès qu'il fut servi, Franck regarda, dépité, la purée
verte qui venait d'atterrir dans son assiette, recouvrant en partie ce
qui ressemblait à du poisson pané (...).
• Max Obione (alias Kenobi) :
Je
tourne depuis dix minutes dans ce quartier de la Mare Rouge où la
misère mitonne à petits bouillons, à petits trafics, à petites peurs, à
petites lâchetés, à petites bastons, gavée de vide emploi, inondée de
picole, enfumée de shit, abrutie d'éclats de télé permanente et
d'espoirs sans espoir et de vie sans vie (...).
• Damien Ruzé (alias Leclebs) :
L'airbus
s'immobilisa sur le tarmac. Par le hublot, il vit la longue bouche du
hub venir embrasser le flanc avant du fuselage. Il déboucla sa
ceinture, se leva dans le couloir central, ouvrit le compartiment de
rangement au-dessus de la rangée de sièges et descendit le sac à dos
contenant ses maigres affaires (...).
• Hervé Sard (alias R-Vosse) :
Il
parlait peu, l'homme au chapeau. Faisait son tour tous les midis au
P'tit tonneau, puis repassait le soir, pour l'apéro. Des années qu'il
venait comme ça, vider son ballon de blanc. Pas le dimanche,
évidemment. Le P'tit tonneau fermait les dimanches. Devait aller boire
ailleurs, l'homme au chapeau. On ne savait pas (...).
• Bruno Baudu (alias BDU) :
Cette
journée du 3 août s'annonçait radieuse. La météo prévoyait un faible
vent de nord-ouest et une visibilité supérieure à dix kilomètres.
J'avais disposé la banderole publicitaire sur la piste en herbe qui
s'étire face au nord-est. Les piquets soutenant les deux mâts en
alliage léger traversés par le câble (...).
• Franck Membribe (alias Tony) :
- Il respire encore ?
- Tout juste.
Les deux hommes en uniforme accroupis près du corps baladaient le
faisceau de leurs torches sur des affaires éparpillées. Le plus jeune
flic fouilla le portefeuille retrouvé dans le caniveau et
lut (...).
• François Bourcier (alias H.Sholmes) :
Il
est rare que j'écrive. Il y a tellement d'autres occupations : la
sieste, manger, chasser, se promener, dormir, rêver. J'habite au
cinquième sous les toits, à Paris. Très pratique pour se balader, car
on n'a pas le problème des voitures. Certes, à cette altitude les
souris se font rares, mais il nous reste les oiseaux (...).
• Georges Hubel (alias Vidocq) :
Extérieur jour. Paris. Soleil radieux.
Pierre-Henri Villeneuve s'engouffra sous les arcades du commissariat
central du XVIe arrondissement et poussa la porte vitrée. Il s'avança
dans la vaste entrée regarda autour de lui. Personne ne lui prêta
attention. Trente-cinq ans, grand, mince, cheveux courts (...).
Quatrième de couverture...
Parce que les codes qui régissent ce genre littéraire autrefois
décrié autorisent paradoxalement la plus grande liberté narrative, on
trouve dans ce Graines de Noir toute la gamme du noir, allant
de la noirceur de fantaisie au "noir de chez noir". Huit auteurs
s'étant rencontrés sur le forum du site Internet Pol'Art Noir ont
décidé d'éditer collectivement quelques-unes de leurs nouvelles. Si
certaines d'entre elles sentent encore la besogne du débutant, si
d'autres rayonnent d'écritures plus affirmées, aucune n'indiffère. De
cette aventure éditoriale peu banale, menée à son terme grâce à Krakoen
, résulte un camaïeu se déclinant du gris clair plaisant au black
radical. Chaque ensemencement est une promesse. Dans ces fictions, la
mauvaise graine supplante le bon grain stérilisé pour le plus grand
plaisir du lecteur. Puisse ce dernier préférer la folle avoine semée au
gré des vents de l'imaginaire, aux fruits insipides du nombrilisme
fourbu.
Sa trombine... et sa bio en lien...
Informations au survol de l'image...