Rivages / Noir - Avril 2002 - Traduction (anglais) : Frank Reichert
Tags : Roman noir Crime organisé Amérique profonde Années 2000 Moins de 250 pages
Publié le : 31 août 2005
Shuggie est le fils de Glenda. Âgé de treize ans, un peu obèse, il est le
protégé de sa mère qui tente de le soustraire, du mieux qu'elle peut, à
la violence de Red, son compagnon. D'un côté Schuggie est "Petit Cœur", de l'autre "Gros Lard" ; tout un programme d'éducation. D'autant que si son père fait plutôt dans le trafic de marchandises plus ou moins légales, sa mère, quant à elle, émerge rarement des brumes que lui apportent sa "tisane",
confectionnée à base d'un mélange de mauvais rhum et de Coca.
Shuggie et sa mère habitent dans un cimetière une vieille bâtisse décatie qui
fait office de maison de fonction en échange de l'entretien des
pelouses et des tombes :
Notre maison avait l'air d'avoir été coloriée avec des crayons de couleur géants par un gosse aux mains malhabiles, qui aurait adoré les bariolages mais s'en serait rapidement désintéressé. Moi, en l'occurrence (...)
À travers ce trio de la misère, Daniel Woodrell nous dépeint l'envers du
rêve américain, celui des éternels laissés pour compte qui se refilent
(parfois de force) de père en fils les théorèmes de la démerde. Coincé
entre l'alcoolisme de sa mère et la violence de son père, Shuggie
n'échappe pas à la règle. Pas besoin d'intrigue policière, il suffit de
les regarder vivre pour comprendre le malaise.
Une tendre complicité unit la mère et le fils face à la violence du père,
même si celle-ci finit par générer une haine tenace qui mènera au
drame. Daniel Woodrell fait preuve d'une réelle tendresse envers ses
personnages, leur offrant même parfois, dans leur malheur, quelques
instants de bonheur, autour de dialogues à haute portée philosophique :
- J'ai toujours l'impression de posséder tout ce qui m'entoure dans le rayon d'un jet de pisse.
- Alors tu devrais boire plus de bière.
Ou encore, moins primaire :
- De quoi tu rêverais si t'avais le choix ?
- Oh j'en sais rien. De toute façon ce qu'on appelle les rêves, c'est la plupart du temps des envies. Entre rêve et envie, il y a une grosse différence. Je ne sais même pas lequel des deux risque d'être exaucé en premier.
Une vision d'Amérique, pour un roman sombre et noir où la sensibilité de l'auteur vient éclairer ce portrait de la débine. Dennis Lehane a écrit de ce récit qu'il lui avait brisé le cœur. Autant que celui de Shuggie ?..
Quelques pistes à explorer, ou pas...
Peut-être Harry Crews pour cette même tendance à décrire les revers de l'Amérique triomphante et ceux qu'elle laisse traîner sur le bord de ses routes.
Les dix premières lignes...
Red m'a fait descendre du camion dès qu'on a eu franchi la frontière de
l'État et l'a repeint d'une autre couleur. Sa voix me faisait toujours
l'effet d'être infestée de ces asticots qui te bectent quand t'es passé
de l'autre côté. Elle semblait toujours pressée de me faire connaître
ces asticots impatients. Red pouvait s'exprimer avec un nombre
incalculables d'intonations horribles et me les balancer toutes,
presque chaque jour, à la tête (...).
Quatrième de couverture...
Shuggie Atkins est un adolescent solitaire et obèse. Sa mère l'appelle son
"petit cœur", son père le traite de "gros lard" et le force à
s'introduire au domicile de grands malades pour y voler les "drogues"
qui leur sont prescrites. Shuggie accepte, pour l'amour de cette mère
qui ne cesse de le provoquer sexuellement sans avoir l'air de s'en
rendre compte. Tout cela est supportable jusqu'au jour où Jimmy Vin
Pearce, un grand et bel homme, surgit dans le paysage au volant d'une
magnifique T-Bird...
Sa trombine... et sa bio en lien...
Informations au survol de l'image...