Gallimard / Série Noire - Septembre 2002 - Traduction (anglais) : Patrice Carrer
Tags : Années 2000 Moins de 250 pages
Publié le : 1er mars 2006
Deux parties dans ce roman. 70 premières pages où l'auteur nous promène
d'un lieu à l'autre, dans les basques de son héros, Charlie Arglist,
avocat, comptable, gérant de boîtes de nuit et autres bars, dans la
petite ville de Wichita, Kansas. C'est la nuit de Noël. Il neige. En
début de soirée, ces maisons de loisirs sont désertes. La plupart des
gens réservent cette nuit spéciale à leur famille. On fait connaissance
avec les employés, les barmen, les filles de joie, d'autres individus
qui traînent tout de même ici où là. Officiellement, pour Charlie
Arglist, c'est une tournée des popotes. Il vient voir si tout va bien.
Il relève l'état des caisses enregistreuses. Il donne un coup de main.
Il aide en douce quelqu'un dans le besoin. Tout le monde l'aime bien,
tout le monde le respecte, tout comme on aime bien aussi son collègue,
parce qu'ils travaillent en binôme pour le compte d'un patron, absent
pour l'heure et qu'on imagine bien mafieux sur les bords. Charlie
Arglist profite également d'être sur la route pour rendre visite à
quelques connaissances en ville, histoire de leur souhaiter un joyeux
Noël. Bref, voilà une première partie de roman bizarroïde où l'on est
passablement perdu de serrer la main à tant d'inconnus et de changer de
décor en permanence. Le métier d'avocat-comptable-gérant de boîtes de
nuit, à ce compte-là, pourrait-on en conclure, est plutôt barbant.
On en est à se dire qu'on s'est trompé de bouquin, qu'au lieu d'un Série Noire on est en train de lire un essai documentaire sur les préparatifs de
Noël dans une petite ville de l'Amérique profonde, quand soudain, magie
de la littérature : Jim Thomson, le retour. Jim Thomson
ressuscité. Tous ces errements dans ces ruelles, dans ces bouges,
toutes ces rencontres avec des gens du commun, toute cette banalité sur
fond de festivités artificielles n'étaient là que pour nous endormir,
car tout d'un coup, c'est l'avalanche. Il neige des giboulées de coup
bas. On bute sur un premier cadavre. Une mort en entraîne une autre.
Charlie Arglist n'est pas un mauvais bougre. Seulement, il avait
décidé, en cette belle nuit de Noël, avec son collègue et complice, de
se tirer avec tout le pognon laissé à leur garde, puisqu'ils ont les
clés du coffre-fort. C'était la nuit idéale pour filer à l'autre bout
des États-Unis et tirer la page sur une vie merdique, une vie de
routine, une vie familiale ratée où le divorce vous ronge comme un
cancer, où l'on ne peut même pas apporter les cadeaux de Noël à ses
propres enfants. Alors, officiellement, Charlie Arglist faisait la
tournée des popotes. Officieusement, c'était une tournée d'adieux.
Sa nuit ne se passera ni à table, en famille, à regarder clignoter les
loupiotes du sapin de Noël, ni à faire ses valises, l'une pour les
fringues, l'autre pour les billets de banque. Sa nuit se passera à
tuer, tout en esquivant les coups. Ça se terminera en duel à la pointe
de glace au bord d'un lac gelé. On comprend, dès lors, l'utilité de ce
long préambule, une longue mise en jambes dans le but que l'on puisse
savourer les 150 dernières pages en connaissance de cause, en
identifiant immédiatement lieux et protagonistes sans avoir à subir de
freinantes descriptions.
Personnages sans méchanceté véritable, pris dans leurs propres contradictions, s'emmêlant les pinceaux dans des plans mal préparés, ces moissonneurs de glace ont bel et bien une parenté avec les héros pathétiques,
grotesques, violents et patauds du grand Jim Thomson. Ça nous fait
extrêmement plaisir de voir ces cousins au détour d'un très bonne Série Noire tout bien considéré, avec un pied-de-nez magnifique qui vous attend,
heureux lecteurs, à la toute dernière page. Comme quoi, le destin n'a
pas fini de nous surprendre.
Quelques pistes à explorer, ou pas...
L'adaptation cinématographie de La Moisson de Glace n'a pas tardé. Son titre en français : Faux Amis.
Film de Harold Ramis, avec dans les rôles principaux John Cusack et
Billy Bob Thornton. Sur les écrans, en février 2006, il semble être
raté, selon les critiques de presse. Dommage, car le sujet thomsonien
aurait pu nous rappeler les très bons Coup de Torchon et Série Noire, adaptations réussies des récits du grand Jim. Faux Amis lorgne du côté d'un film d'un autre réalisateur presque homonyme, Sam Rami, Un Plan Simple ou encore de Fargo des frères Cohen, à cause des paysages enneigés, du magot, de l'humour noir et des personnages limite simplets.
Les dix premières lignes...
Il faisait un froid sec, en cette veille de Noël. À quatre heures et
quart de l'après-midi, un homme d'âge mûr, portant un pardessus bien
coupé mais pas de chapeau entra d'un air nerveux dans le Midtown Tap
Room (Bar du Centre-ville).
Il ne dépassa pas l'extrémité du bar et, sa carte de membre à la main, attendit que la serveuse ait fini de téléphoner. Elle avait la quarantaine trapue et le teint luisant ; à voir ses cheveux blond filasse, on aurait dit qu'elle se les était coupés elle-même lors de sa dernière cuite. Il savait
qu'elle avait remarqué son arrivée, mais elle se donnait un mal de
chien pour faire semblant de ne pas le voir. Afin d'éviter de lui faire
face, ou de l'apercevoir dans la glace située derrière elle, elle
devait se tourner vers la porte du fond en se penchant selon un drôle
d'angle, une fesse appuyée contre l'arrière du bar (...).
Quatrième de couverture...
Armes chargées, belles de nuit, néons cassés, rêves brisés. Voici un
monde immédiatement identifiable à trois heures du mat à travers un
verre de raide. C'est la vie à l'état brut dans un roman qui vous
raconte, à bout portant, une nuit de Noël enneigée en plein cour du
Kansas. Féroce, ironique, d'une envoûtante beauté, La moisson de glace
se termine dans une pirouette aussi surprenante et glaçante qu'une
tempête de neige au Kansas.
Sa trombine... et sa bio en lien...
Informations au survol de l'image...