Editions du Rocher - Mai 1996 - Traduction (anglais) : Frédéric Révérend - Jean-Pierre Morby
Tags : Roman d'enquête Avocat Philadelphie Années 1990 Humoristique Plus de 400 pages
Publié le : 31 août 2005
Victor Carl est un jeune avocat frai émoulu de la faculté de droit, plein
d'ambition, prêt à prendre sa part du gâteau maintenant qu'il est
attablé ; tous les moyens seront bons pour réussir, même les moins
reluisants.
Six ans plus tard, Victor a ravalé beaucoup de ses illusions et vivote dans un petit et miséreux cabinet
d'avocats à Philadelphie. C'est le moment que choisit William Prescott,
membre éminent du plus grand cabinet conseil de la ville, pour le
convoquer à propos d'un arrangement sur une affaire d'escroquerie dans
laquelle ils sont engagés. Ils entament la négociation, âprement, et
finissent par conclure un accord inespéré pour Victor, lui permettant,
compte-tenu de son pourcentage sur la somme retenue, de liquider une
bonne partie de ses arriérés de factures.
Mais Prescott n'en reste pas là. Une fois sa collaboratrice partie régler
les détails, il fait une nouvelle proposition à Victor : la chance de
sa vie... Il s'agit de reprendre la défense de Chester Concannon,
principal assistant de Jimmy Moore, du conseil municipal, tous deux
conjointement accusés de racket, à hauteur d'un million et demi de
dollars, du passage à tabac d'un payeur récalcitrant ainsi que de
l'incendie de sa boîte de nuit. Le procès s'ouvrant dans deux semaines,
c'est un délai bien trop court pour préparer une vraie défense dans une
telle affaire, mais l'avance conséquente et le taux horaire proposé
emportent les hésitations de Victor et assurent sa décision : il
"défendra" Concannon. Prescott, quant à lui, assurant la défense du
conseiller municipal...
William Lashner décrit un milieu qu'il connaît bien, celui des avocats
américains, lui-même ayant assuré le poste de procureur avant de
devenir... avocat. On découvre un Victor Carl qui a beaucoup rêvé,
comme tout bon américain blanc, à la chance qui sonnerait un jour à sa
porte, à la réussite flamboyante qui suivrait. Sa perspicacité et les
dures réalités lui ont vite fait remiser ses illusions mensongères pour
les remplacer par une certaine rancœur :
Ce que je haïssais le plus chez les riches, ce n'était pas leur argent. Leur argent, je l'enviais, je le convoitais, mais je ne le haïssais pas. Ce que je haïssais, c'était leur façon de faire semblant que cela n'avait pas d'importance.
Victor Carl est un personnage cynique, désabusé, plein d'amertume, mais toujours assoiffé
de réussite et c'est cette corde là que va faire vibrer la "chance" qui
passe. Oubliera-t-il ses principes, ceux qui lui restent, pour un peu
de strass et de paillettes ? William Lashner met en lumière les systèmes
politiques et judiciaires américains, tout entier basés sur l'argent.
Il démonte, pièce par pièce, cet enchevêtrement et éclaire la primauté
de la course au dollar qui gangrène le pouvoir américain.
Dans une construction sans faille, une écriture limpide, un humour aussi
diffus qu'irrésistible et une acuité rare dans la description des
rapports humains, il nous livre une réflexion d'une grande intelligence
où rien n'est laissé au hasard, telle une plaidoirie, ou un
réquisitoire. Son personnage est empli d'une sorte de désespoir, de
solitude, de rêve brisé et d'une dualité réussite/intégrité dont il
n'arrive pas à se sortir. Si la réussite avait frappé plus tôt, sans
doute aurait-il fait un parfait salop... Mais là, c'est sa vie qui se
joue dans ce procès, son avenir, entre noblesse et bas-fonds.
Une galerie de personnages tous plus ripoux les uns que les autres,
politiciens, hommes de mains, de lois, procureurs, avocats, mafieux,
trafiquants, entrepreneurs... tous à courir après le pouvoir et
l'argent, prêts à mordre, tels des chiens, le premier qui approcherait
de leur gamelle. Et puis, au milieu de tous ceux-là, comme une
apparition : un détective juif orthodoxe muni de la plus complète
panoplie, menant son combat divin, comme une bouffée d'oxygène, de
pureté. D'ailleurs, n'est-ce pas lui qui aidera Victor à retrouver sa
modeste étincelle d'honneur et lui donnera envie de la faire
briller ? Et puis... il y a cette femme !..
La morale n'est qu'un luxe en ce monde (...). C'est l'ennemie de la réussite, de dernier bastion du raté. Apprenez-le et un jour vous apprendrez peut-être ce qu'est le métier d'avocat.
Un grand roman, tout en finesse, à ne pas manquer !..
Quelques pistes à explorer, ou pas...
Je ne résiste pas à l'envie de renvoyer les amateurs de William Lashner, d'abord vers ses autres romans que je vais m'empresser (sans trop me presser pour savourer à leur juste valeur ces petits bijoux...) de dévorer, mais aussi vers un écrivain encore méconnu (ce qui ne saurait perdurer) qui peut s'en rapprocher par la finesse de son écriture et le côté irrésistible de son humour. Essayez donc Quatre Valets et une Dame : même effet qu'une première plongée chez Lashner.
Les dix premières lignes...
S'il y a une chose que j'ai apprise durant ma brève et désastreuse carrière
d'avocat, c'est que dans le monde de la justice, comme dans la vie
courante, le plus raisonnable, c'est de s'attendre au pire. Ma première
affaire en est un exemple.
Nous étions trois au départ, frais émoulus de la fac de droit, avec nos trois noms serrés
sur la même plaque parce que aucun des gros cabinets d'avocats de
Philadelphie ne voulait de nous. Nous étions jeunes à l'époque, encore
débordants d'enthousiasme, encore prêts à dévorer le monde : Guthrie,
Derringer & Carl (...).
Quatrième de couverture...
Prescott m'a acheté, c'est un fait. Si je n'avais pas cédé, moi, Victor
Carl, avocat miteux survivant de causes miteuses, jamais je ne serais
entré dans son prestigieux cabinet, le plus gros de Philadelphie, mon
rêve de toujours.
L'affaire qu'il me propose est simple. L'intouchable conseiller municipal Jimmy Moore, son client,
est accusé de racket et de meurtre avec son complice Concannon.
Prescott s'occupe de Moore. Je me charge du larbin, avec mission de le
laisser plonger à la place de son patron. Facile, je commence à voir la
vie avec un certain optimisme.
Une chose me chiffonne cependant. Concannon ne vaut pas cher, c'est certain, mais
Moore est une vraie ordure. Puis-je envoyer un innocent dans le couloir
de la mort ? Ai-je vraiment le choix ?
Sa trombine... et sa bio en lien...
Informations au survol de l'image...