La Manufacture de Livres - Août 2024
Tags : Roman historique Polar social Quidam Paris Années 1960 Entre 250 et 400 pages
Publié le : 20 novembre 2024
Janvier 1962
Le commissaire Martineau et son adjoint Dussart sont sur une scène de crime qui les laisse perplexes. Une femme a été assassinée. Le meurtrier s’est acharné sur elle au point de la défigurer, mais aucune trace de violence sexuelle, aucun vol ne sont à déplorer. Seul indice, des traces de chaussures à la pointure démesurée.
Dans la banlieue rouge, au sud de Paris, Sorb — diminutif de Sorbonne, sobriquet qu’on lui a attribué parce qu’il réussissait ses études — zone avec ses amis. Ni trop voyous ni garçons sages, ils tentent de s’occuper au milieu de ces cités dortoirs sorties de terre quelques années auparavant. Leur QG se situe non loin de Châtenay-Malabry, une ancienne guinguette devenue bar-tabac et rebaptisée Le Baltimore.
C’est là que Laurent, vingt ans, un colosse qui use sa jeunesse chez Renault, avoue à Sorb le crime. Il n’a pas voulu la tuer, lui a juste envoyé deux ou trois torgnoles de ses immenses battoirs pour la faire taire et parce qu’elle avait pris peur.
Toute la bande est mise à contribution pour tenter d’innocenter Laurent et ses phalanges meurtries dans un pouilleux massacreur d’anthologie.
Le Baltimore est bien connu du commissaire Martineau, de même que la bande de petits loubards qui l’investit chaque soir. Pas étonnant dès lors que son enquête l’y amène. Martineau est un futé, il a vite compris ce qui avait pu se passer. Il embarque Sorb pour lui faire la leçon, considérant qu’il perd son temps avec cette bande de voyous, lui qui fait sa seconde année de droit pour devenir journaliste. D’ailleurs, Robillard, le journaliste fouineur, pense à peu de choses près la même chose. Lui aussi a des ambitions pour Sorb.
Ian Manook compose une ambiance qui n’est pas sans rappeler celle des films français en noir et blanc des années cinquante-soixante, avec Lino Ventura, Jean Gabin, Michel Constantin, Bernard Blier et consorts. Martineau a d’ailleurs quelques faux airs à la Louis Jouvet. Il en ressort comme une nostalgie de l’enfance, de l’adolescence, même si la vie de Sorb n’est pas toujours drôle. L’adolescence, le passage à l’âge adulte, sont aussi le temps des choix et de la désillusion.
En creux, se dessine la société française au début des années soixante dans la banlieue ouvrière proche de Paris, celle des prolos, des cités dortoirs toutes neuves, des blousons noirs, de Salut les Copains, des immigrés confrontés à l’OAS, de la fin de la dernière guerre mondiale, pas si lointaine, de celle d’Algérie, plus présente, des trente glorieuses qui s’achèvent.
Avec Sorb, cette toile de fond disparaît pour des considérations plus personnelles. Lui, le fils aux origines arméniennes, dont les parents se « saignent » pour qu’il poursuive ses études en fac de droit, comme alors seulement 3% des enfants d’ouvriers, lui qui pourtant ne rêve que de liberté, entravé par ses accointances de quartier, de classe, va apprendre à grandir.
C’est tout petit chez la mère à Lolo.
Ian Manook qui cite quasiment le chanteur Renaud, comme pour confirmer à ses yeux une sorte de légitimité à décrire ce petit monde prolétaire. On se doute bien que de grands pans du récit s’apparentent à une autobiographie et que Sorb renferme une grande part de Manook en lui. Reste que ce dernier en fait sans doute un peu trop sur le sujet, accumulant les clichés. Je n’irai pas jusqu’à douter de la sincérité du propos, mais le procédé donne une impression artificielle, comme s’il y avait un peu trop de tout ce qui a fait les années soixante dans ce récit.
Dès lors, Le Pouilleux Massacreur se présente plus comme une carte postale que comme un récit d’émancipation ou une véritable intrigue policière. S’il y a bien crimes, ils sont trop simplement et trop vite évacués pour laisser place au parcours chaotique de Sorb.
Ian Manook retrouve quelques élans de sincérité plus authentique lorsqu’il sort des frontières parisiennes et se fait voyageur, mais cette escapade ne fait pas oublier le côté « factice », ou trop appuyé, de l’ensemble.
Quelques pistes à explorer, ou pas...
Désolé, pas d’idée…
Les dix premières lignes...
11 janvier 1962
— Qu’est-ce qu’on a, Dussart ?
La nuit est tombée. Une bruine triste et ténue diffuse la lumière maussade des lampadaires. Un autre de ces quartiers de cités oubliées, en bordure de plan, sur un coin de table à dessin, par un urbaniste à la petite semaine. En lisière de forêt. Ça fait bien l’été, mais les nuits d’automne, c’est sinistre. Derrière eux, la chaufferie. Lugubre. Elle ronfle son fioul pour pulser sa chaleur dans toute la ville. Comme un cœur sale son sang noir. Un petit quatre étages s’est allumé de la moitié de ses fenêtres. Sur les balcons, les voyeurs transis, sanglés dans leur robe de chambre, reluquent la scène de crime.
— Pas du beau, commissaire. Une ginette qui s’est fait travailler le portrait à coups de pogne en descendant du 136.
— Vous voulez dire une femme qui s’est fait agresser, je présume, Dussart ? Elle est morte ?
— Plutôt deux fois qu’une, commissaire. Dans la boue, comme une pauvresse. Si je tenais le salopard…
— Si vous teniez le présumé coupable, Dussart, vous le déféreriez à la justice comme il se doit, un point c’est tout.
Quatrième de couverture...
« Je m’appelle Sorb, c’est le diminutif de Sorbonne. Ceux de la bande m’ont donné ce surnom parce qu’ils me trouvent plus instruit qu’eux. Ce ne sont pas vraiment des voyous, juste une bande. Des mecs de Meudon-la-Forêt, c’est tout. On zone, on fout la pagaille, on choure deux ou trois trucs, rien de méchant. »
Pourtant, un jour, une femme meurt à cause de l’un des leurs. Un accident, comme il dit, et il faut bien que les autres le couvrent quand la police arrive. Dans cette France de 1962, où la jeunesse s’ennuie dans des cités dortoirs, c’est pour eux le début d’une dégringolade vers le pire. Sorb sait que ceux de la bande finiront mal et que lui, peut-être, pourrait s’en sortir. Mais comment ?
Dans ce roman d’initiation aux accents autobiographiques, Ian Manook nous raconte une jeunesse qui promène sa désillusion des bars de banlieue aux rues chics de Paris, et le destin d’un jeune homme aux rêves trop grands pour son HLM.
Sa trombine... et sa bio en lien...
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