Fleuve Noir - Février 1998
Tags : Polamour Vengeance Quidam France Années 1990 Littéraire Entre 250 et 400 pages
Publié le : 05 novembre 2024
Le trottoir, c’est le domaine de Césaria, travelo à la bouche en cœur qui vend ses services au plus offrant, quelque part dans le sud de la France. Un domaine qu’elle a investi après avoir fait la connaissance de Casper, mais pas tout de suite. À une lointaine époque, elle n’était qu’un jeune garçon de quatorze ans qui se retrouvait à la rue, seul. Casper le clochard lui a appris tout ce qu’il fallait savoir pour survivre en milieu hostile. Ils avaient pour habitude d’arnaquer les vieux autour des églises, gentiment, pour une pièce ou deux. Casper le solide gaillard, Césaria le fragile au visage d’ange.
Casper s’est voulu protecteur, mais en son absence, à seize ans, Césaria a subi les assauts de trois pochards dont on n’a retrouvé plus tard que quelques morceaux, éparpillés le long de la voie ferrée. Cet épisode malheureux a décidé de la suite : le jeune homme meurtri est devenu petit à petit une proie conviée par les hommes.
La maladie a emporté Casper, une mauvaise toux jamais soignée. À dix-neuf ans, celui qui n’était pas encore Césaria se retrouvait seul à nouveau, mais cette fois avec un avenir.
Il acceptait tout, chacun était un client potentiel, de bas en haut de l’échelle sociale, des sanisettes aux hôtels particuliers. Il devenait riche.
Enfin, la révélation, la transformation. Une année de piqûres pour sentir ses seins gonfler, se parer d’attributs féminins, et devenir enfin Césaria.
Marcus Malte est un styliste, un orfèvre de la plume. Pas un mot ne manque, aucun n’est de trop. Autant de poésie que de noirceur, autant de tendresse que de violence. Alors on se laisse bercer… par pur plaisir.
Clovis prend maintenant la place de Césaria. À Marseille, il vient d’être libéré de prison après sans doute quelques années. Milan Klovisevitch est son véritable nom, mais il est Clovis, le roi des francs, des « nouveaux » francs ; la blague le faisait rire quand il pouvait encore se le permettre. Il rejoint à Lyon son ancien complice, Charles, qui a conservé ses « affaires ». Il n’a qu’une idée en tête : retrouver un homme et se venger. Il récupère son argent, sa voiture — une superbe Jaguar — puis erre. Le monde a changé, il roule au hasard, les cheveux au vent, avant de s’arrêter dans une station-service. Là, deux putes sont aux aguets : une rousse, aguicheuse, une brune, silencieuse ; Césaria, qu’il embarque après une hésitation…
Si l’environnement est des plus glauques, la scène qui suit est magnifique : la plus belle « pipe » qu’ait vécue Clovis, plus belle que celle de Magritte, bien réelle, délivrée en silence par une Césaria devenue experte en la matière. Une délivrance. Un érotisme jamais vulgaire. Il faut dire que Césaria « croit » à ce qu’elle fait. Elle a construit sa propre religion depuis l’église où elle arnaquait les bigotes par son sourire, depuis ses nuits à explorer la Bible. Césaria offre, donne et pardonne tout, même les outrances de Clovis, déstabilisé, macho fourbu dégoulinant de plaisir, de honte et de colère.
Pourtant il se ravise, dort et revient. L’amour est plus fort. Fou, indomptable, irrépressible, partagé. Césaria n’en connaît pas les contours, Clovis n’y croit qu’à peine, mais tous deux sont envahis, submergés par une évidence.
Césaria accepte cet amour, s’y love, tandis que Clovis y entre à reculons, rétif, jusqu’à ce que tous les deux s’y enferment.
Carnage , Constellation est un drame sur fond d’histoire d’amour. Ou une histoire d’amour sur fond de drame. Intimement mêlés comme le sont Clovis et Césaria, pour le meilleur et pour le pire. Et la plume de Marcus Malte transcende cet amour pour le faire voler au plus haut, vers des cieux insoupçonnés où l’on croise les anges. C’est beau, lumineux et tellement sombre à la fois.
On ira, où tu voudras, quand tu voudras…
— J’adore ce morceau ! dit Césaria. C’est beau, tu ne trouves pas ?
Et on s’aimera encore, lorsque l’amour, ce rat mort…
Les violons saignent, les chœurs aussi.
Oui, c’est beau, pense Clovis. C’est beau… C’est beau comme tout ce qui n’existe pas. C’est beau comme tout ce qu’on ne pourra jamais avoir. Comme tout ce qu’on croit pouvoir faire et qu’on ne fera jamais. C’est beau comme un rêve. Putain, c’est magnifique ! hurle Clovis dans sa tête.
Quelques pistes à explorer, ou pas...
Je n’ai pas croisé souvent Marcus Malte à travers mes lectures. C’est une erreur !
Cette plume, mon Dieu ! Cette plume…
Les dix premières lignes...
Césaria a mal aux seins, ce soir. Comme chaque soir, quand la lune est pleine. On dit que ça agit sur les femmes enceintes. Peut-être. Mais Césaria n’attend pas d’heureux événement. Rien qu’on puisse qualifier d’heureux. Elle attend le client. L’enculé qui s’ignore, le tordu, le vicelard, il y en a même qui sont réellement amoureux — et fidèles. C’est pas pour ça que c’est moins cher. Césaria n’est pas une gonzesse.
Il trouvait que ça faisait chic, ce prénom, exotique et doux, sensuel, mystérieux, que ça appelle l’amour comme les louves appellent les loups. Césaria. Un trav', c’est brésilien ou ça n’est pas. On aime à se faire sucer sur la plage, Rio, sur un air de samba ou la voix chaude de Gilberto Gil. En fermant les yeux, on a tout. Césaria a une bouche superbe, qui s’est insinué une fois en elle ne peut pas l’oublier. Mettons qu’elle soit une fille d’Ipanema, Césaria. Si elle avait pu choisir…
Quatrième de couverture...
Il y avait Césaria. La vie de Césaria, le bruit de ses talons sous les réverbères, le silence et la barbe rugueuse de Casper — pas le fantôme, mais presque — les chasseurs autour d’elles et le chant sacré à l’intérieur. Il y avait Milan Klovisevitch, dit « Clovis ». Roi des Nouveaux Francs. Déchu. Dix ans de taule et la vengeance à venir pour seule nourriture. Et puis, il y a eu Clovis et Césaria. Ensemble. La rencontre. La fusion. L’étincelle, de celles qui font exploser un univers. Ou qui le créent…
L’intensité quasi solaire de ces deux destins exposés fait de Carnage, Constellation un roman exceptionnel. Marcus Malte croit à l’amour fou. Mieux : il l’écrit.
Sa trombine... et sa bio en lien...
Informations au survol de l'image...